L’eau et l’installation au cœur de la session chambre d’agriculture
Régularisation des points de prélèvement d’eau non déclarés, plan pollinisateurs, renouvellement des générations, Varenne de l’eau et bilan de campagne ont occupé les travaux de la session d’automne de la chambre d’agriculture.

Pour leur session d’automne, un programme chargé attendait les élus de la chambre d’agriculture de la Drôme, réunis pour l’occasion à Upie sous la présidence de Jean-Pierre Royannez. Après l’adoption du budget rectificatif (9,6 millions €), la réunion s'est poursuivie par le traditionnel bilan de campagne, présenté par deux élus membres du bureau. « En productions animales, la dynamique favorable des prix semble se prolonger, a indiqué Nathalie Gravier. Il n’y a pas eu de tension sur les fourrages. Cependant, la hausse du coût de l’alimentation inquiète. » Autres inquiétudes, l’acceptabilité sociétale de l’élevage - sujet encore sensible - et la prédation - qui produit désormais des effets directs (sur les troupeaux) et indirects (plainte des usagers de la montagne et condamnation d’éleveurs).
En productions végétales, les conditions climatiques particulières (gel d’avril, pluies continues en juillet) ont largement compliqué les récoltes de fruits et légumes, ainsi que le suivi technique des vignobles. Cependant, « en céréales d’hiver, quantité et qualité étaient au rendez-vous et les prix sont normaux dans un contexte de reprise économique mondiale », a observé Bruno Darnaud. En revanche, avec des surfaces en augmentation et des stocks de 2020 élevés, le marché du lavandin est à son plus bas niveau « avec des prix en chute de 55 % depuis deux ans ».
Régularisation des puits non déclarés
Les élus de la chambre d’agriculture ont également pointé les difficultés à recruter de la main-d’œuvre, l’augmentation de 15 % des saisies en abattoirs, la mévente de certains produits bio ou encore l’augmentation des coûts de production. « L’excès de principe de précaution » a été dénoncé. Une motion a d’ailleurs été approuvée pour demander une autre rédaction de l’arrêté abeille, « moins dogmatique et plus pragmatique afin d’être en cohérence avec les pratiques de terrain ».
Un programme chargé attendait les élus de la chambre d’agriculture de la Drôme, le 4 octobre à Upie.
Par ailleurs, Jean-Pierre Royannez a annoncé le lancement d’une campagne de régularisation des ouvrages non déclarés de prélèvement d’eau pour l’irrigation. Entre le 5 et le 15 octobre, près de 5 000 exploitants agricoles vont recevoir un courrier co-signé par l’État, la chambre d’agriculture, l’association Adarii (irrigants individuels) et le Syndicat d’irrigation drômois (réseaux collectifs). « On a encore malheureusement trop de prélèvements agricoles sans autorisation, constate Jean-Pierre Royannez. C’est la dernière chance de les régulariser. » Ce dossier est géré par l’OUGC (organisme unique de gestion collective des prélèvements pour l’irrigation agricole), désormais intégré au sein de la chambre d’agriculture. « L’objectif est notamment d’avoir des demandes de prélèvement d’eau pour 2022 qui s’équilibrent », a stipulé Jean-Pierre Royannez. Les élus de la chambre d’agriculture ont adopté à l’unanimité la grille tarifaire de l’OUGC. Celle-ci prévoit notamment une part fixe de 50 € HT par point de prélèvement inférieur à un million de mètres cubes et une part variable de 0,0005 € HT par mètre cube annuel autorisé.
Un hackathon début décembre
A l’heure du changement climatique, l’eau représente un enjeu fort et la question des prélèvements pour l’irrigation demeure hyper-sensible. Les élus de la chambre d’agriculture pointent des « usages domestiques » non contrôlés (forages privés tels les puits piqués…) venant concurrencer l’usage agricole. « La loi climat et résilience prévoit une obligation de déclaration », a répondu Isabelle Nutti, directrice départementale des territoires (DDT) de la Drôme.
Lors de cette session d’automne, un point a été fait sur le Varenne agricole de l’eau et du changement climatique, auquel participe Anne-Claire Vial. « L’objectif est de tracer des perspectives pour l’eau et l’agriculture d’ici 2050 », a indiqué l’élue de la chambre d’agriculture, par ailleurs présidente d’Arvalis-Institut du végétal et de l’Acta(1). Depuis plus d’un an, trois groupes thématiques(2) planchent afin d’élaborer une feuille de route « commune et opérationnelle pour l’adaptation et la protection de l’agriculture face au changement climatique ». Un point concerne la refonte de l’assurance récolte avec une prise de décision avant la prochaine élection présidentielle. A noter, début décembre, l’organisation d’un hackathon(3) en Drôme et sans doute « en présence du ministre de l’Agriculture », a annoncé Anne-Claire Vial.
En concluant la session, Jean-Pierre Royannez a salué la réussite du salon Tech&Bio, regretté l’annulation de la charte riverain sur les ZNT(4) et mis en avant la réactivité des organisations agricoles, des collectivités et de l’État suite au gel d’avril. Il s’est aussi inquiété de la pénurie et des hausses de prix des agrofournitures ainsi que du remplacement des contrôles Pac à la ferme par des images satellites tous les cinq jours. Sur le vaste projet d’irrigation Hauts de Provence Rhodanienne (HPR), « ce n’est pas parce que c’est compliqué qu’il faut renoncer », a-t-il dit. Et sur la proposition de loi « Egalim 2 », qui sera promulguée très prochainement, « essayons de croire qu’elle apportera enfin des prix rémunérateurs ». Enfin, il a salué l’action de Dominique Chatillon à la tête du service agriculture de la DDT, service qu’elle vient de quitter pour désormais prendre en charge celui sur « l’appui, la transition écologique et les mobilités ».
Christophe Ledoux
(1) Acta : association de coordination des instituts techniques agricoles.
(2) Groupes thématiques : gestion des aléas climatiques ; résilience de l’agriculture en agissant notamment sur les sols, les variétés, les pratiques culturales et d’élevage, l’efficience de l’eau d’irrigation... ; vision partagée et raisonnée de l’accès aux ressources en eau mobilisables pour l’agriculture sur le long terme.
(3) Hackathon : forgé à partir des mots « hack » et « marathon », son principe est de faire travailler non-stop de petites équipes pendant une durée de 24 à 48 heures, ceci afin de favoriser l’émergence d’idées novatrices.
(4) ZNT : zone de non -traitement.
Elles ont dit
« Le Département de la Drôme assure un gros financement à l’agriculture, d’environ trois millions d’euros (M€) plus un million cette année suite au gel », a indiqué Agnès Jaubert, conseillère départementale déléguée aux politiques agricoles. Elle a souligné les bonnes relations de travail entre le Département et la chambre d’agriculture et annoncé une rencontre prochaine avec Franck Soulignac, premier vice-président du conseil départemental.
« La Drôme est un territoire qui attire les agriculteurs », s’est réjouie Marie Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme. Elle a indiqué qu’elle ferait remonter les inquiétudes de la profession sur le plan pollinisateur, le foncier, l’eau. « Suite au gel d’avril, 1,8 M€ d’aides d’urgence ont été versées et 2,8 M€ au titre des calamités, soit 10 % des règlements », a-t-elle indiqué. Sur les difficultés de recrutement de la main-d’œuvre, « 300 000 offres d’emplois ne sont pas pourvues actuellement en France et l’agriculture fait partie des secteurs les plus en tension ».
Des installés plus bio et qui investissent davantage
« L’installation, c’est le cœur de métier de la chambre d’agriculture, a déclaré Stéphanie Oliveira, membre du bureau de l’établissement consulaire. « Et nous notons de vraies évolutions dans les profils des personnes accompagnées », a ajouté Mathilde Goetz, responsable du pôle entreprise et diversification, avant de présenter une analyse sur les installés en agriculture. Selon les statistiques de DJA de 2015 à 2020, 28 % des installés sont des femmes, 47 % hors-cadres familiaux et 50 % s’installent en individuel. 52 % possèdent au moins un atelier bio (chiffre en nette progression) et 48 % des installés vendent en circuit court. Fait marquant, le montant moyen des investissements réalisés représente 239 163 € (contre 177 000 € entre 2012 et 2016). Cette hausse est-elle liée à l’effet levier des aides du PCAE* ? Une prochaine étude nous le dira.
C. L.
* PCAE : plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles.