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SANITAIRE

Le porc est un animal  très sensible au stress

Le Gaec du Prayou élève des porcs charcutiers en bâtiment à Issamoulenc en Ardèche.  Si le porc est un animal très familier, il est aussi très sensible au stress, témoignent les éleveurs.

Le porc est un animal  très sensible au stress
Le Gaec du Prayou dispose de 420 places sur aires paillées et accueillent toutes les trois semaines une soixantaine de porcs de 25 kg. ©AAA-DR

Installés sur 270 hectares à Issamoulenc (07), Laurence Vialle et ses fils Florien et Jérémy (Gaec du Prayou) gèrent un élevage de porcs charcutiers en bâtiment depuis janvier 2022, parallèlement à des activités d’élevages ovin et bovin allaitant ainsi qu’une châtaigneraie. Pour l’élevage porcin, ils disposent de 420 places sur aires paillées et accueillent toutes les trois semaines une soixantaine de porcs de 25 kg, principalement de race piétrain et quelques-uns de race rustique duroc. « Nous les gardons minimum quatre mois pour qu’ils atteignent entre 120 et 130 kg », explique Laurence Vialle. Abattus à Aubenas, leur viande certifiée porc de montagne est vendue auprès de la boucherie-charcuterie Bois & Dumas (Alissas) et du grossiste Sovisal (Saint-Privat). Sur le volet du bien-être animal, « le porc est un animal très familier, confie l’éleveuse, après il faut faire très attention lorsqu’on le manipule car il est sensible, peureux, cardiaque. Pour les charger également, il faut être très calme ». Les éleveurs utilisent un couloir de contention pour trier et faire circuler les porcs. « Nous disposons de cases trop grandes pour pouvoir le faire sans difficulté à cet endroit. »

Marche en avant

Les élevages en bâtiment régulent la température par le chauffage en hiver et la ventilation en été. Celui du Gaec du Prayou, initialement construit pour de l’élevage cunicole, a été repensé et aménagé pour correspondre aux critères de l’élevage porcin. « Le circuit de la marche en avant qui comprend différents sas pour éviter les contaminations est compliqué à mettre en place mais on s’est adapté », poursuit Laurence Vialle.
Côté alimentation et abreuvement, les éleveurs veillent à « mettre à disposition suffisamment d’eau et d’aliment mais aussi à bien nettoyer les gamelles d’eau, toutes les semaines, voire deux fois par semaine, car les porcs les bouchent souvent en y laissant de l’aliment. »
« On repère très vite un porc qui ne se sent pas bien, le plus souvent il s’isole », ajoute Laurence Vialle. Pour le moment, les éleveurs n’ont pas rencontré de problèmes sanitaires particuliers, « sauf les premières semaines d’arrivée des porcs, où certains se mordent la queue, ce qui nécessitent parfois des soins antibiotiques. Nous faisons attention à rester avec eux au début pour les rassurer et à isoler ceux qui pourraient se mordre la queue jusqu’à ce qu’ils retrouvent un comportement plus calme », indique-t-elle. « À leur arrivée également, on ne met pas trop de paille car le bruit leur fait peur, ils ne descendent pas du quai les premiers jours. Il faut un peu de temps pour qu’ils s’y habituent, nous rajoutons petit à petit de la paille par la suite. »          

A. L.

Quid du bien-être animal en production porcine

Patrice Naval, vétérinaire et conseiller en productions animales, délivre ses conseils sur le bien-être animal en élevage porcin.

Quid du bien-être animal en production porcine
Patrice Naval, vétérinaire installé à Bourg-de-Péage. ©AAA-DR

La notion de bien-être animal relève de cinq droits ou libertés fondamentales plaçant l’animal dans des conditions compatibles aux impératifs biologiques de son espèce : « Ne pas souffrir de faim et de soif, ne pas souffrir d’inconfort, ne pas souffrir de douleurs, blessures ou maladies, pouvoir exprimer le comportement propre de l’espèce, et ne pas éprouver de peur ou de stress », rappelle le vétérinaire Patrice Naval, installé à Bourg-de-Péage (Drôme). Les trois premières faisant référence à la notion de bientraitance et les autres à celles de bien-être et d’émotions positives.

Des conditions d’élevage adaptées à l’espèce

« Le porc n’est pas un animal particulièrement fragile, si on lui donne les moyens de pouvoir exprimer son comportement normal, un aliment de qualité, de l’eau à disposition et un logement adapté », explique Patrice Naval. Il présente néanmoins quelques particularités relatives à son espèce : « Il a des sens assez exacerbés, un odorat et une ouïe très développés, une notion de soif importante ». Une eau fraîche et de qualité doit être en accès permanent, « même si l’aliment est mélangé en soupe cela ne suffit pas réglementairement », poursuit-il. Un porc boit globalement 10 % de son poids par jour, soit entre 15 et 20 litres en moyenne pour une truie gestante, et entre 0,2 et 0,4 litre pour un porcelet élevé sous la mère. Sa moyenne de surface utile dépend du type d’élevage mais s’étend en moyenne à 0,4 m2 pour un porc de 30 à 50 kg et 1 m2 pour un porc de plus de 100 kg. En termes de luminosité et de durée d’éclairage, quelques règles s’appliquent également, avec un éclairage minimum de 40 lux 8 heures par jour.

Reconnaître les signes de la douleur

Pour appréhender la notion de douleurs, maladies et blessures, mieux vaut savoir en reconnaître les signes. « Il est intéressant de savoir comment le porc exprime des douleurs ou une maladie, connaître les points de repère à observer, pour savoir si un animal est malade ou pas, comment les objectiver, quels médicaments utiliser selon les signes observés, comment gérer une quarantaine, une infirmerie, etc. », indique Patrice Naval. Globalement, certaines vocalisations, une posture d’immobilité, une agitation générale, la prostration, l’isolement, l’agressivité et/ou la perte d’appétit peuvent être synonymes de douleurs chez le porc.

Alternatives à la castration à vif

Le vétérinaire est revenu sur la réglementation en vigueur depuis le 1er janvier 2022 relative à l’interdiction de la castration à vif et les alternatives existantes. « Ce sont des choses importantes dans la troisième liberté qui induit la règle des 3 S : soulager, substituer et supprimer. Appliqué à l’interdiction de la castration à vif, on supprime la castration et on élève du mâle entier, on substitue par l’utilisation de produits d’immunocastration en engraissement, il s’agit d’un produit permettant d’induire des anticorps pour supprimer immunologiquement la fonction testiculaire des mâles et réduire ainsi les odeurs liées, et on le soulage avec une castration sous anesthésie locale et analgésie avec l’injection d’un produit antidouleur. »
Sur la conduite à tenir lors des interventions de soins sur les animaux, Patrice Naval conseille d’avoir une zone et un système de contention le plus efficace possible, surtout pour les élevages de plein air où il est plus compliqué de contenir les animaux. « Il existe éventuellement quelques astuces, notamment si l’on doit faire des interventions sur des porcs un peu vifs ou difficiles à contenir, comme l’utilisation de prolongateur d’aiguilles par exemple. » Quant aux différences sur le plan sanitaire entre un élevage plein air et en bâtiment, « il n’y en a aucune, rappelle Patrice Naval. Ce sont deux types d’élevage différents mais la réglementation s’applique aux deux. La notion de bien-être animal n’est pas spécifiquement mieux en élevages de plein air ou en bâtiment. Il y a des avantages et des inconvénients à chacun de ces systèmes. Les règles relatives à ne pas souffrir de faim, de soif et d’inconfort sont plutôt en faveur de l’élevage en bâtiment. Pouvoir exprimer son comportement propre à l’espèce, ne pas éprouver de peur ni de stress, c’est plutôt favorable à l’élevage plein air. Ne pas souffrir de douleurs et maladies, c’est égal dans les deux types d’élevage. »               

A. L.

En bref

Conflit avec la Chine : le porc français refuse d’être sacrifié
La filière porcine française s’inquiète de faire les frais du bras de fer engagé entre la Chine et l’Union européenne au sujet des voitures électriques, qui a déjà donné lieu à des mesures de représailles sur les « brandies » européens (dont le cognac). La Chine constitue le premier marché à l’exportation du porc français « et l’un des seuls débouchés des morceaux peu consommés en Europe, principalement des abats (oreilles, pieds, etc.) », écrit l’Inaporc dans un communiqué. Chaque année, la France exporte 115 700 tonnes de produits porcins vers la Chine, soit 16 % des exportations totales de porc en 2023. « Une surtaxe appliquée sur les produits porcins exportés en Chine anéantirait tous les efforts de la France pour favoriser les exportations vers la Chine », indique l’Inaporc. L’interprofession rappelle qu’un accord entre Xi Jinping et le président français Emmanuel Macron a permis en mai dernier d’augmenter le volume des ventes en autorisant l’exportation d’abats blancs français, avec à la clé une hausse de 10 % des exportations (près de 30 M€).

Élevage plein air : Expérimentation sur la biosécurité  
L’expérimentation sur la biosécurité dans les élevages plein air de volailles et de porcs « entre en phase opérationnelle », a annoncé le ministère de l’Agriculture dernièrement. Quelque 144 exploitations en France métropolitaine, en Corse et à La Réunion ont été sélectionnées pour participer à ce projet lancé en juillet 2023 (92 en volailles, 52 en porcs). Le travail y a débuté « en mars 2024 avec le démarrage d’analyses de risque et l’identification de mesures de biosécurité alternatives ou complémentaires à celles existantes ». Ces mesures sont évaluées par les instituts techniques du porc (Ifip), des volailles (Itavi) et de l’agriculture biologique (Itab) et les conclusions sont attendues en mai 2025. « L’élevage de plein air a des spécificités qu’il est nécessaire de prendre en compte », estime le ministère, qui rappelle que « des adaptations de la réglementation pourront être envisagées en fonction des enseignements de cette expérimentation ».