Économie
L’information de proximité passe d’abord par des journalistes sur le terrain

Le congrès du Syndicat national de la presse agricole et rurale (SNPAR) se déroule à Grenoble les 8 et 9 juin. Jean Ricateau, son président, dénombre les forces et les faiblesses d’un secteur économique en pleine évolution.

L’information de proximité passe d’abord par des journalistes sur le terrain
« Nous serons les derniers à rester à une échelle locale. Nous avons là une pépite, à nous de savoir la valoriser », confie Jean Ricateau, président du Syndicat national de la presse agricole et rurale (SNPAR).

Comment se porte la presse agricole, rurale et cynégétique en 2023 ?
Jean Ricateau : « La presse de nos territoires se porte plutôt bien, même si en tant que président du Syndicat national de la presse agricole et rurale, je constate des disparités entre les titres et les régions. Mais l’ensemble de cette presse est dans la même dynamique que la presse généraliste et grand public. On ne peut qu’assister à une défection des jeunes publics pour le papier. On ne peut pas parler de désamour, les jeunes ne connaissent tout simplement pas la presse papier. Cela dit, nous sommes au même niveau de traitement de leur part que celui réservé à la presse hebdomadaire et généraliste. »

Sait-on combien de jeunes lisent ou pas la presse papier ?
J. R. : « Nous ne l’avons pas quantifié de manière exhaustive. En revanche, ce que l’on voit, c’est que l’âge moyen des lecteurs augmente. Dans la presse agricole, rurale et cynégétique, on peut le situer dans une fourchette entre 50 et 60 ans. Ce n’est pas dramatique. Nos confrères de la presse régionale quotidienne se situent davantage à plus de 70 ans. »

Les perspectives sont-elles sombres ?
J. R. : « Pas du tout. Elles nous obligent à trouver autre chose. Le congrès qui nous réunit chaque année, et particulièrement celui de Grenoble, va nous permettre de montrer qu’il existe d’autres solutions, que le papier restera une valeur avec une plus-value. Cependant, les titres vont devoir faire évoluer leur modèle économique, proposer d’autres moyens de lecture. C’est un constat de marché pour les entreprises de presse, il oblige les éditeurs à être combatifs. Autour des discussions formelles ou informelles pendant le congrès, les participants recueilleront des idées, des expériences. Cela fait avancer les projets, en faisant gagner du temps grâce aux retours d’expérience. Le Prix éditorial décerné au cours de ces deux jours permettra de montrer la richesse des idées et des initiatives de chacun. »

Le papier, l’énergie, La Poste : de nombreux coûts ont explosé. Comment les titres de presse y font face ?
J. R. : « Il n’y a pas de réelle solution sur les coûts. Nous assistons à d’énormes restructurations chez les imprimeurs. L’impression numérique, plus économe en papier, a gagné du terrain. Le papier journal n’ayant pas de séchage, c’est une chance car la flambée de l’énergie nous touche moins directement. Les coûts de fabrication vont cependant être ressentis de plein fouet en 2023 car les imprimeurs ou les fournisseurs ont temporisé en 2022. Les augmentations ont été passées fin 2022. Donc les mois qui arrivent seront délicats. »

Le numérique est un des thèmes centraux du congrès. Quels sont les enjeux et les échéances en la matière ?
J. R. : « Je pense qu’il nous faut mettre à jour les bonnes pratiques dans le fonctionnement au quotidien de l’élaboration des titres de presse. L’arrivée du numérique, des logiciels spécialisés pour l’écriture et le montage des pages, tout le monde s’y est mis mais quelquefois de manière empirique. En rappelant certains prérequis communs, chaque éditeur peut réfléchir à une organisation adaptée pour les années à venir. D’autant plus que la partie prospective de nos débats va porter en particulier sur l’intelligence artificielle (IA). Faut-il l’intégrer dans nos processus de fabrication, le débat est vaste. Il amène sur comment on donne de la valeur à l’information que nous produisons. C’est notre force : le local personne ne vient s’y intéresser, que l’information soit technique ou généraliste. Nous serons les derniers à rester à une échelle locale. L’IA sait traiter des sujets généraux, synthétiser de manière globale, mais l’information de proximité passe d’abord par des journalistes sur le terrain. Nous avons là une pépite, à nous de savoir la valoriser. 

Propos recueillis par Jean-Marc Emprin