PRÉDATION
«  On sait que se protéger du loup n’aura jamais 100 % d’efficacité »

Yvan Jarnias, président du syndicat Jeunes Agriculteurs 26 faisait partie de la délégation drômoise qui s’est rendue aux Assises de la prédation, à Chorges dans les Haute-Alpes les 1er et 2 juin. Il livre ses impressions sur ces deux journées.

«  On sait que se protéger du loup n’aura jamais 100 % d’efficacité »
Les Drômois Yvan Jarnias, Nathalie Gravier, Sébastien Ageron et François Monge ont participé aux Assises de la prédation, ainsi que Frédéric Gontard, président de la FDO 26, absent sur la photo. ©Facebook FDSEA 26

Sur place, ni ministre de l’Agriculture, ni secrétaire d’État à l’Ecologie. Yvan Jarnias, président des Jeunes Agriculteurs de la Drôme, garde un goût amer de cette non-venue des représentants du gouvernement aux Assises de la prédation. « Nous avons eu droit à un échange en visio avec le ministre en ouverture et à un petit speech enregistré de la secrétaire d’État ensuite. De magnifiques discours mais pas de résultats sur le terrain pour nous éleveurs », résume Yvan Jarnias.

Aux côtés des représentants de la profession, venus de toute la France, il a pris part aux échanges à huis clos concernant les demandes portées par le Caf loup1 pour le plan loup 2024-2029, en cours d’élaboration. « Globalement, ces proposition correspondent à nos attentes en Drôme : tir simplifié valable cinq ans, valable sur bovins dès la première attaque, simplification des démarches, possibilité de tir préventif sur des zones fortement prédatées… », énumère-t-il.

Si certains départements nouvellement prédatés défendent l’inscription d’une « non-protégeabilité » de leurs troupeaux dans ce futur plan, Yvan Jarnias rappelle que les éleveurs drômois ont déjà dû s’adapter, revoir leur mode de conduite des troupeaux, vivre avec les chiens de protection… Mais qui dit adaptation ne dit pas forcément solution. « On sait que protéger, ça n’aura jamais 100 % d’efficacité. Tant que la population de loups est raisonnable, les mesures de protection préconisées par l’État montrent une certaine efficacité. Mais celle-ci est temporaire. Dès que le nombre de loups augmentent, ils s’adaptent, diversifient les modes d’attaques. Durant les assises, les scientifiques de l’Inrae et du Cerpam2 ont parfaitement démontré ce mécanisme en s’appuyant sur trente années de données sur la prédation », souligne le jeune éleveur.

Pas sans lieutenants de louveterie

Autre point récent de crispation pointé par le président des JA de la Drôme, l’impossibilité depuis quelques semaines de faire intervenir les lieutenants de louveterie. Une interdiction portée par Jean-Paul Celet, préfet référent national sur la politique du loup, qui vise à freiner les prélèvements alors qu’au 26 mai 53 loups sur le plafond autorisé de 174 avaient déjà été abattus en France. « Or, pour les éleveurs, mieux vaut prélever des loups au printemps qu’à l’automne, avant qu’ils n’aient tué trop de bêtes dans nos troupeaux », poursuit Yvan Jarnias. Conséquence de cette interdiction, selon lui : hormis la poignée d’éleveurs drômois qui bénéficient d’un tir de défense renforcé, plus aucun éleveur ne peut compter sur les lieutenants de louveterie pour défendre les troupeaux. « 99 % des loups prélevés le sont par des lieutenants de louveterie. Les éleveurs n’ont pas les armes, pas les moyens, notamment les caméras thermiques », insiste le président des JA 26. Il souligne que le ministre de l’Agriculture a défendu lors de son intervention l’ensemble des propositions portées par le Caf loup : « Il a dit clairement qu’il fallait tuer des loups au printemps comme on le demande et qu’on laisse les éleveurs utiliser des caméras thermiques ». Si les éleveurs ont, semble-t-il, le soutien de leur ministre, qu’en sera-t-il des arbitrages définitifs du plan loup ? La profession agricole se tient prête pour défendre son avenir face à la prédation. « Mais pour l’instant, notre priorité est de voir ré-autoriser rapidement l’intervention des lieutenants de louveterie », conclut Yvan Jarnias.

Sophie Sabot

1 Le Caf loup ou conseil de l'agriculture française sur le loup est composé de la FNSEA, de Jeunes Agriculteurs, des Fédérations nationales ovine, bovine et caprine ainsi que de Chambres d’agriculture France. 
2 Cerpam : centre d'études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée.
Vercors

Une intervention qui passe mal

Lors des Assises de la prédation, Jean-David Abel, représentant de France Nature Environnement (FNE), invité par les organisateurs, a fait référence à la situation du Vercors. Son intervention a fait réagir Yvan Jarnias. « Le représentant FNE a notamment évoqué une charte signée entre les éleveurs et le parc du Vercors. Je l’ai interpellé a posteriori de son intervention pour lui rappeler que c’était faux. Aucun territoire n’a signé une telle charte, ni aucun syndicat représentant les éleveurs. Il y a peut-être deux ou trois éleveurs qui ont signé en contrepartie de quelques moyens financiers. Mais je lui ai rappelé qu’il ne pouvait pas prendre en exemple le département de la Drôme et son parc naturel régional en prétextant que l’on serait un département où tout se passe bien alors que nous subissons un nombre record d’attaques », a tenu à préciser le président des JA 26.