Foire de Beaucroissant
Jacqueline Rebuffet : « Nous voulons mélanger les publics et mettre l’accent sur l’emploi sur le chapiteau Agrivillage»

Présidente de l’association Agrivillage depuis trois ans et élue à la chambre d’agriculture de l’Isère, Jacqueline Rebuffet présente la nouvelle organisation sous le chapiteau Agrivillage. Place à la convivialité, au dialogue, à la pédagogie et au mélange des publics.

Jacqueline Rebuffet : « Nous voulons mélanger les publics et mettre l’accent sur l’emploi sur le chapiteau Agrivillage»
Jacqueline Rebuffet, présidente de l’association Agrivillage. ©DR

Quelle est la démarche d’Agrivillage au sein de la Foire de Beaucroissant ?
Jacqueline Rebuffet : « Agrivillage est une association installée à la chambre d’agriculture de l’Isère qui regroupe toutes les organisations professionnelles. Elle a pour objectif de créer un espace commun unique au sein de la Foire de Beaucroissant. Elle s’occupe de la logistique du chapiteau Agrivillage qui se tiendra au centre de la 801e édition de la foire. Elle y est présente depuis une vingtaine d’années. »

Qu’est-ce qui a rendu nécessaire une nouvelle organisation du chapiteau Agrivillage ?
J.R. : « Nous voulons attirer, pendant trois jours, le grand public au sein de ce chapiteau de 300 m2 et en même temps donner une visibilité agricole et professionnelle beaucoup plus forte. La Foire de Beaucroissant draine environ un million de visiteurs sur trois jours. Nous voulons mélanger les publics et créer des temps forts pour le monde agricole, surtout le vendredi 9 septembre. Nous avons délimité une zone agricole avec le chapiteau Agrivillage, les stands charolais et ovins. Le Syndicat charolais Sud-Est organise le concours et la restauration sur place. »

Quelles seront les nouveautés au sein de ce chapiteau ?
J. R. : « Sous le chapiteau, nous avons regroupé toutes les organisations professionnelles agricoles, le GDS (sanitaire), l’Adice (contrôle laitier), la MSA, le Crédit Agricole, le Cerfrance, la chambre d’agriculture de l’Isère, la FDSEA ou encore les Jeunes agriculteurs. 
Nous avons changé de concept d’organisation. Avant, il y avait des stands individuels et des guichets pour chaque organisation. Pour cette édition, on met en avant la convivialité, le dialogue. Il y a un esprit, une démarche collective. Nous sommes tous regroupés, sans guichets individuels.  Des coins salons et un café commun seront à la disposition du public et des professionnels. »

Cette nouvelle mouture prévoit-elle plus d’informations et de pédagogie en direction des professionnels de la filière ?
J.R. : « Le vendredi 9 et le samedi 10 sont les deux journées les plus fréquentées par les agriculteurs qui sont toujours en recherche d’informations, de documentation. Chaque organisation professionnelle organise une mini-conférence thématique : sur la méthanisation (chambre d’agriculture de l’Isère), l’installation (Jeunes agriculteurs), biosécurité et maladies (GDS), assurance climatique et risque (Crédit Agricole), les crédits carbone (Cerfrance), l’entraide, la prévention ou encore la maladie de Lyme (MSA). »

Que proposerez-vous au grand public ?
J. R. : « Les visiteurs de la région Auvergne Rhône-Alpes aiment circuler dans les allées de cette foire traditionnelle. Nous avons voulu leur donner, le dimanche, la possibilité de découvrir les différentes formations professionnelles liées à l’agriculture à travers de nouvelles animations sous le grand chapiteau : on pourra mixer les fruits et légumes avec un vélo smoothie, apprendre à conduire avec la prévention routière. Il y aura un concours et une démonstration de démontage et remontage d’un moteur de tracteur par un jeune en école de mécanique agricole à la MFR de Crolles (Isère). Notre intention est de sensibiliser le grand public aux métiers agricoles. Il y a un manque de main-d’œuvre dans tous les secteurs : l’élevage, le maraîchage, la mécanique… On en a besoin pour de l’emploi saisonnier ou de l’emploi à l’année, à temps partiel ou en CDI. Pendant la crise du Covid, la filière agricole a tourné à plein régime. Les agriculteurs sont restés en activité et de nombreux secteurs d’activités manquaient de personnel qualifié. » 

Pierre-Louis Berger

initiative

« Une agriculture qui relève beaucoup de défis »

Le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes est un partenaire de la première heure du Prix de l’excellence agricole et rurale. Son président, Jean-Pierre Gaillard, témoigne de son adhésion à cette initiative.

Le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes est un fidèle partenaire du Prix de l’excellence agricole et rurale. Que souhaitez-vous encourager à travers ce prix ?
Jean-Pierre Gaillard : « Notre ADN est d’être proches de ce que fait l’agriculture, à travers des initiatives portées par les agriculteurs. Cet événement, organisé par Terre Dauphinoise, nous convient car l’esprit du trophée nous correspond. Il met en valeur une agriculture qui relève beaucoup de défis. Le premier est de créer de la valeur pour dégager une rentabilité à une activité agricole plutôt bousculée. Les incertitudes de marché, climatique, de consommation génèrent beaucoup d’interrogations. Il convient de trouver des voies pour sécuriser l’activité agricole sur le long terme. »

Quelles sont ces voies ?
J-P. G. : « Cela passe par l’adaptation, comme ça a toujours été le cas en agriculture : trouver de nouveaux modèles de production, de choix culturaux, de diversification. Le volet commercialisation est un axe que soutient le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, qui passe par la notion de circuits courts, de transformation, de recherche de nouveaux marchés. C’est une réflexion permanente, que nous menons avec les organisations professionnelles agricoles (OPA) pour soutenir ces initiatives. Il n’y a pas une seule agriculture et la finalité est de bien faire vivre les exploitations. »

Mais l’agriculture a besoin de moyens ?
J-P. G. : « Les investissements sont très liés aux exploitants et nul n’a le droit de les contraindre vers un seul modèle. À eux de trouver leur chemin. Et quand il est question d’innovation, elle n’est pas que technologique, mais aussi de positionnement. Pour relever les défis agricoles, il y a de nombreuses initiatives individuelles, mais aussi des démarches portées par des organisations qui sont en capacité d’apporter un peu de sécurité. C’est le cas de la sécurisation des productions et de la gestion de l’eau, où il y a beaucoup de choses à faire en termes de pompages, de retenues, de stockage. Il y a des gens qui ont une vision. Mais la difficulté vient de l’inertie des grandes orientations et de la capacité d’adaptation dans un environnement sociétal qui n’est pas simple. »

Quel est pour vous l’état d’esprit de la profession ?
J-P. G. : «Les agriculteurs sont inquiets pour beaucoup de raisons. C’est notamment l’érosion des marges avec le surcoût des matières premières qui les préoccupe. Les modèles les plus fragiles sont ceux qui ne sont pas autonomes, comme c’est le cas en élevage avec les exploitations qui n’ont pas d’autonomie fourragère ; le problème n’est pas tant de payer le foin, mais le fait qu’il n’y en a plus. La ferme France a atteint un niveau de production très bas. Le prix, ce n’est pas seulement une question d’euros, mais aussi d’acceptation sociétale et d’une approche globale qui inquiète. »

Commencez-vous à voir des situations fragiles ?
J-P. G. : « Nous n’observons pas encore de montée du risque car on connaît la capacité de résilience des agriculteurs. Nous aurons prochainement une rencontre avec les OPA sur ce sujet. Par exemple, les options prises en agriculture biologique, notamment sur le lait aujourd’hui payé moins cher en bio qu’en conventionnel méritent toute l’attention de la profession. Nous devons être attentifs à la façon dont va se passer la rentrée ; l’agriculture est une économie à part entière et nous devons voir comment accompagner les exploitations dans la maîtrise des charges. »

Comment le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes peut-il accompagner les exploitations dans cette période d’incertitudes ?
J-P. G. : « Nous agissons en proximité et voulons être un partenaire de conseil dans l’anticipation. Nous observons une forte décapitalisation des troupeaux car il n’y a plus de stock et les prix de vente grimpent. C’est pourquoi il est important d’avoir une vision globale de l’agriculture et observer, production par production, ce que vont générer les difficultés avec quels impacts. Il en va du maintien des agriculteurs avec un niveau de prix acceptable pour les consommateurs, mais aussi du renouvellement des générations. »

C’est dans ce contexte que se met en place l’assurance récolte.
J-P. G. : « Je suis un fervent défenseur de l’assurance récolte. Mais il convient de sécuriser un revenu en fonction de ce que l’on veut et de ce dont on a besoin. Or, aujourd’hui, on assure des volumes, comme c’est le cas en viticulture. C’est plutôt un chiffre d’affaires qu’il faudrait assurer. Le système est imparfait. Les assurances ne couvrent que des gens qui connaissent des calamités, donc les primes montent. En tant que banquier, nous installons des jeunes qui ont plusieurs centaines de milliers d’euros d’investissement, sans filet. C’est une prise de risque qui n’est en rien structurante pour l’avenir de la profession, qui a besoin de marchés sécurisés. Il y a des débats et des solutions sont possibles. » 
Propos recueillis par Isabelle Doucet