Lait sans lactose : un marché à capter

Il suffit de quelques clics pour se retrouver sur des sites dédiés à la consommation de produits sans lactose. Présentation des symptômes, conseils médicaux, aides aux choix alimentaires, liens vers les produits sans lactose, etc. Les consommateurs s'organisent, l'industrie agroalimentaire aussi. Candia avait été l'une des premières entreprises laitières à s'intéresser au marché des laits spécialisés, dès les années 70. Pourtant, sur ce créneau du lait sans lactose, force est de constater aujourd'hui qu'elle s'est fait voler la vedette par son concurrent Lactalis.
Un process très technologique
« C'est un segment de marché qui nous intéresse, même s'il est pour l'heure accaparé par notre concurrent. Nous avons une légitimité sur ce marché grâce à notre savoir-faire et à notre démarche qualité », assène Jean-Michel Javelle, éleveur ligérien et président de Sodiaal Union région Sud-Est.
Mais techniquement, comment produit-on un lait sans lactose ? « L'appauvrissement en lactose du lait de consommation nécessite des procédés technologiques très spécifiques (1). Un contrôle analytique des sucres résiduels est effectué pour permettre une revendication "sans lactose" comme dans le Grandlait léger et digeste de Candia », explique Luc Castillo, directeur R & D et qualité d'Entremont (groupe Sodiaal). L'enjeu est de taille pour l'industrie laitière, même si la baisse de consommation en France semble se stabiliser autour de - 0,5 % après une chute sévère au début des années 2000. Le lait sans lactose doit permettre de capter les consommateurs, soit réellement allergiques, soit qui se passent de lactose par choix. Il doit notamment ramener vers le lait les gens qui se tournent vers les boissons d'origine végétale. Le lait sans lactose est ainsi le segment de marché qui a connu la plus forte progression (+ 14 %). Aujourd'hui, il se consomme par an, en France, plus de 65 millions de litres de lait sans lactose, un volume appelé à augmenter encore. À grand renfort de communication, Candia a vu sa référence sans lactose progresser de 60 % ! Elle est issue du réseau de fermes sélectionnées et transformée dans quatre des cinq usines du groupe (dont Vienne). « GrandLait léger et digeste » est désormais référencé dans près de la moitié des grandes surfaces du pays. L'objectif est aussi à l'international sur les marchés anglais, italiens et chinois où Candia a installé ce produit. La forte sensibilité au lactose de la population asiatique en fait une cible prioritaire. Même si les volumes sont encore limités, la niche du sans lactose est clairement devenue un enjeu stratégique. Les consommateurs sont prêts à mettre le prix sur ce produit environ 25 % plus cher qu'un lait de consommation traditionnel.
Une réglementation à construire
Comme tout marché qui attire les convoitises, et donc les abus, il reste à clarifier la réglementation. La Commission européenne n'a toujours pas défini de condition d'utilisation pour une revendication « sans lactose » et « à faible teneur en lactose » car l'autorité européenne de sécurité des aliments juge la sensibilité des individus trop variable. Cet été, le secteur européen des glaces a néanmoins poussé la Commission européenne à harmoniser les mentions relatives à la teneur en lactose. Les positions sont actuellement toujours divergentes au sein du secteur laitier européen. Sodiaal est serein. « Nous avons le lait le plus "délactosé" sur le marché », estime Nathalie Dusart, responsable marketing du groupe.
D.B.
(1) La lactase, une enzyme, est utilisée lors de la transformation pour hydrolyser le lactose en galactose et glucose.