Travaux agricoles
« Une saison agricole trop intense »

Retour sur la campagne grandes cultures de 2023 avec Stéphane Blard, président de Entrepreneurs des territoires de Drôme et Ardèche.

« Une saison agricole trop intense »
« Avec nos charges qui augmentent et des surfaces à travailler qui baissent, nous ne retombons plus sur nos pattes », constate Stéphane Blard, président de Entrepreneurs des territoires de Drôme et Ardèche.

Les fortes pluies de ces dernières semaines ont-elles ralenti l'activité des entrepreneurs de travaux agricoles ?

Stéphane Blard : « Globalement, nous avons pris quinze jours de retard mais il reste encore tout le mois de novembre pour semer les blés. Je ne suis donc pas encore trop inquiet mais, comme tous les entrepreneurs de Drôme et Ardèche, j'espère le retour durable du soleil et du vent car les nuits sont désormais plus longues et plus froides. Le plus compliqué, ce sont les terres labourées depuis quelques semaines, avant les fortes pluies, car l'eau s'évacue très mal. Quand on laboure et que l'on sème le lendemain, c'est beaucoup plus facile. »

Quel bilan faites-vous de la saison 2023 ?

S. B. : « Lors du dernier conseil d'administration de notre fédération, nous avons fait un point sur les rendements en Drôme et Ardèche. En blé tendre, ils ont été corrects, de l'ordre de 70 à 80 quintaux par hectare (q/ha) lorsque les semis étaient précoces et avec deux irrigations. Pour les parcelles semées tardivement, c'est à dire de fin décembre 2022 à janvier 2023, les rendements ont plongé à 30-40 q/ha. Pour le blé dur, nous avons dû récolter juste avant de gros orages, fin juin-début juillet, et en seulement trois à quatre jours pour préserver la qualité des grains et éviter leur déclassement. En tournesol, les rendements ont été supérieurs à ceux de 2022. Ceux du maïs ont été très bons, de 100 à 170 q/ha ! Sous l'effet des fortes chaleurs puis d'un vent de sud persistant, les maïs ont été récoltés très secs, entre 12 et 20 % d'humidité, ce qui est une bonne chose eu égard au coût élevé du séchage. En soja, avec 40 q/ha, les rendements ont été réguliers. À contrario, ceux du sorgho ont chuté. Les bennes étaient pourtant pleines mais le poids faible car la récolte s'est faite à seulement 11 % de taux d'humidité. Un effet des fortes chaleurs sans doute. »

La gestion des matériels et des équipes a-t-elle été plus compliquée cette année ?

S. B. : « La saison a été trop intense avec des charges de travail élevées sur des périodes très courtes. Lorsque nous devons récolter en seulement trois ou quatre jours, comme pour le blé dur, cela nous oblige à être suréquipé en matériels et en main-d’œuvre. De plus, pour la quasi-totalité des entrepreneurs de Drôme et Ardèche, les horaires d'accès aux silos ont posé problème. Nous aurions besoin dans ces périodes de fortes intensités de travail que les silos jouent le jeu. Mais sans doute ont-ils eux-aussi des problèmes de main-d’œuvre. »

Plus globalement, quelles sont aujourd'hui les préoccupations des entrepreneurs de travaux agricoles ?

S. B. : « La principale inquiétude demeure l'augmentation des charges : les assurances, le gazole non routier (GNR), les pièces et main-d’œuvre, les salaires. Mais aussi la flambée des prix des matériels neufs et d'occasion ainsi que l'augmentation des taux des prêts bancaires. Logiquement, il faudrait que l'on augmente nos tarifs. Mais ce n'est pas facile car nous constatons une baisse des surfaces de grandes cultures devenues pour certaines non rentables, comme le blé après la chute des cours. Ainsi, des parcelles aux rendements limités sont converties en luzerne, oignons, pommes de terre, lavandes, amandiers… Avec nos charges qui augmentent et des surfaces à travailler qui baissent, nous ne retombons plus sur nos pattes.

Une autre préoccupation en Drôme et Ardèche concerne les difficultés à circuler sur de nombreuses routes communales où des branches d'arbre arrivent au milieu des voies. Si les voitures passent sans difficulté, ce n'est pas le cas de nos engins de quatre mètres de haut. Les chauffeurs doivent se déporter au milieu des routes ce qui pose un problème de sécurité. Et puis, cela entraîne la casse de gyrophares et de rétroviseurs. Nous allons écrire à nouveau aux maires. »

Ressentez-vous des difficultés avec la population ?

S. B. : « Même si nous ne restons que quelques heures dans une parcelle, des gens se plaignent du dérangement car nos machines font du bruit et de la poussière. C'est de pire en pire. Il y a même des cas, en Drôme, où les gendarmes ont été appelés ! Force est de constater que notre métier est parfois incompris, même de l'administration qui nous impose certaines règles difficiles à respecter. Heureusement, la majorité des gens comprend notre travail et nous apprécie. Leur engouement à vouloir faire un tour de moissonneuses-batteuses parle de lui-même. »

Propos recueillis par Christophe Ledoux