Essais
Couverts végétaux : enrichissement des sols, engrais verts et protection de l’eau 

Dans le cadre de la protection des captages prioritaires d’eau du Nord-Drôme, six couverts végétaux sont testés pour répondre à des objectifs différents. Le 20 février, une journée technique sur le terrain a permis de conclure sur l’intérêt de ces couverts en sortie de l’hiver.

Couverts végétaux : enrichissement des sols, engrais verts et protection de l’eau 
Le 20 février, une journée technique sur le terrain a permis de conclure sur l’intérêt des couverts en sortie de l’hiver. Victor Estevenot, conseiller grandes cultures à la chambre d’agriculture de la Drôme a fourni des explications techniques.

Entre Albon et Hauterives, l’aire d’alimentation du captage des Près Nouveaux, géré par le syndicat des eaux Valloire Galaure, s’étend sur une surface de 5 938 hectares (ha) et huit communes, avec une surface agricole utile de 3 210 ha cultivés par 140 agriculteurs. Sur ce territoire, chaque goutte d’eau qui tombe peut alimenter le captage d’eau potable. Le site est classé « captage prioritaire » au titre du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Plusieurs programmes d’actions sont en œuvre depuis 2012 avec pour objectif de préserver la qualité de l’eau actuelle en limitant les risques de transferts de polluants vers la nappe d’eau souterraine. La couverture des sols agricoles par des couverts végétaux est un atout majeur pour réduire les risques de lessivage des nitrates vers la nappe. En plus d’un gain environnemental, les couverts végétaux apportent de vrais bénéfices agronomiques pour les sols agricoles. 
Une plateforme d’expérimentation de cinq couverts végétaux a été mise en place en septembre 2022 par la chambre d’agriculture de la Drôme, en partenariat avec le syndicat intercommunal d’eau potable Valloire Galaure (SIEPVG). Des pesées de couverts ont été réalisées à deux périodes distinctes dans le but de comparer les bénéfices agronomiques des couverts selon qu’il soit détruit précocement (novembre) ou tardivement (février/mars). Deux visites de terrain, sur ces deux périodes, ont été organisées. Une quinzaine d’agriculteurs du territoire y ont participé afin de jauger les bénéfices des couverts et d’estimer l’azote restituable avec la méthode Merci, via l’utilisation d’un outil gratuit en ligne.

Objectif biomasse

Dans un objectif de biomasse, un mélange typé “été” avec une grosse base de sorgho fourrager est intéressant. Ces couverts permettront également un étouffement des adventices, y compris l’ambroisie, si le couvert contient du sorgho ou moha. Ce type de couvert doit être semé le plus tôt possible après la moisson, en évitant un semis après le 15 août sous peine de ne pas avoir une production de biomasse satisfaisante. Il est également préconisé de ne pas mettre plus de 20 à 30 % de légumineuses dans ce type de couvert. Dans cet essai ont été testés deux mélanges : Melyvert estival (composé de moha, sorgho, vesce, trèfle de perse, niger, tournesol, radis chinois) et un mélange de sorgho multicoupe plus radis chinois. Le but est de réaliser une destruction précoce, entre novembre et décembre, tout en ayant un maximum de biomasse. En cas de destruction plus tardive, le mélange Melyvert estival est plus intéressant, par le relais de couverture fait par la vesce et le trèfle de perse.

Couverture du sol et captation d’azote

Pour assurer une couverture du sol et la captation d’azote, un mélange typé “été/automne” sera plus adapté, avec un semis entre le 15 août et la mi-septembre. Ce type de couvert permettra aussi de limiter l’érosion des sols en le structurant, de capter de l’azote par les légumineuses présentes et d’éviter le lessivage en fixant l’azote disponible du sol. De plus, leur présence permettra de limiter le développement des adventices. Dans cet essai ont été testés deux mélanges : Chlorofiltre Mix comme témoin (avoine, vesce, radis chinois, trèfle d’Alexandrie, phacélie) et un mélange composé de Chlorofiltre Mix auquel ont été rajoutés des trèfles annuels : trèfle d’Alexandrie, trèfle de Perse et trèfle incarnat. Le couvert de base Chlorofiltre Mix permet une couverture intéressante du sol (à hauteur de 85 %) et d’avoir une diversité d’espèces présentes. L’ajout de trèfles a permis d’augmenter la couverture du sol (95 %) et de façon légère l’azote capté par ce couvert.
Pour ces deux couverts, repousser la destruction à février plutôt que de les détruire fin novembre a permis de doubler l’azote restituable à la culture suivante. Il est possible d’ajouter à ce type de couvert des graminées de type seigle ou triticale dans un objectif de production supplémentaire de biomasse. Dans tous les cas, le radis chinois est une espèce très intéressante : il va permettre de capter des quantités importantes de phosphore et de potasse pour ensuite les restituer.
Pour maximiser l’azote, partir sur une base féverole (à laquelle on peut ajouter 0,5 à 1 kg/ha de radis chinois) pour maximiser la captation d’azote atmosphérique pour la culture suivante. Cet essai montre qu’il est plus intéressant de détruire la féverole en février que durant l’hiver. En effet, celle-ci a produit deux fois plus de biomasse et pourra restituer 1,7 fois plus d’azote et deux fois plus de phosphore que pour une destruction de novembre. Victor Etevenot, conseiller à la chambre d’agriculture de la Drôme, précise que les variétés à petits PMG (poids de mille graines) comme Diana, Vesuvio ou autres sont à favoriser en couvert, car elles peuvent lever en étant semées de façon plus aléatoire que les grosses féveroles.

Points de vigilance

Il est conseillé de semer des graines de taille proche. En cas de grosse graine (type féverole), un passage à l’épandeur avant le semis du reste du mélange permet d’avoir des levées correctes tout en limitant les coûts de semis. En cas de fort reliquat azoté, il est préférable de favoriser les espèces non légumineuses à forte captation d’azote pour éviter le lessivage : sorgho, seigle, triticale, avoine, radis… Il faut éviter d’implanter des espèces de la même famille que la culture suivante. Par exemple, pas de niger avant tournesol, pas de féverole avant soja… 
Dans un mélange typé fin “été/automne”, il est conseillé de favoriser des mélanges avec plusieurs espèces, en augmentant de 10 % la densité de chaque espèce présente dans le mélange pour avoir une bonne couverture. Pour les féveroles, éviter des semis trop précoces. Un semis à partir du 15 août est possible, jusqu’à début octobre. À noter, en cas de semis de féverole en pure, en zone vulnérables aux nitrates, il est interdit de détruire les couverts avant le 1er mars. Pour évaluer l’azote restituable avec la méthode Merci, il convient de trier les espèces différentes et de les peser séparément. Pour le radis, ne pesez que les feuilles, le logiciel prend déjà en compte la racine.

Destruction

Pour les mélanges typés “été”, les espèces sont toutes gélives excepté le radis chinois. Ce dernier peut simplement être détruit par roulage car sa racine sort du sol. Attention, si vous avez du radis fourrager, la racine ne sort pas du sol et il sera nécessaire de détruire avec un outil à disque. Préférez donc le radis chinois dans vos mélanges. Pour les mélanges typés “été/automne”, il est conseillé de les détruire entre un et deux mois avant le semis au printemps. Pour les couverts composés à 100 % de légumineuses, la destruction peut se faire plus tardivement, jusqu’à trois semaines avant le semis (disque ou rouleau) car ces espèces vont rapidement être dégradées et restituer l’azote pour la culture suivante. Dans les sols séchants, si le manque d’eau risque d’être présent, une destruction plutôt précoce du couvert (en février) est recommandée pour éviter de pomper trop l’eau du sol.

Contacts : Victor Etevenot, conseiller grandes cultures à la chambre d’agriculture de la Drôme  (06 07 17 67 58) ou Céline Gaullier, animatrice captage/SIEP Valloire Galaure (07 89 27 76 73).