Dans un monde économique en perpétuelle évolution, la coopérative, ou plutôt le groupe Limagrain fait figure « d'intrus ». Pensez donc, avec 2,5 milliards d'euros de chiffres d'affaires dont plus de 70 % à l'international, Limagrain, désormais quatrième semencier mondial, n'est plus devancé que par des « géants », tous agrochimistes (Monsanto, Dupont et Syngenta). Et le groupe auvergnat continue à regarder droit devant. « Nous consacrons 14,6 % de notre budget à la recherche », précise le président Jean-Yves Foucault, polyculteur-éleveur de son état. Le changement climatique et l'évolution démographique avec des populations de plus en plus urbaines imposent une remise en question permanente.

300 nouvelles variétés par an

« Les semences, c'est de l'innovation en continu », enchaîne le président, « il faut huit à dix ans pour obtenir une variété, il faut savoir se projeter ». Ainsi, Limagrain met sur le marché quelque 300 variétés nouvelles chaque année. Car la demande en matière de semences est ultra-segmentée : plein champ, serres, serres tempérées et une multitude d'espèces, de formes ou encore de couleurs.
Acteur historique en céréales, Limagrain est devenu depuis plusieurs années un incontournable des potagères, notamment par des rachats successifs de marques, étrangères ou non. Elle possède désormais trois entreprises fortes : HM.Clause, Hazera et Vilmorin qui font du groupe le deuxième acteur mondial de ce marché. Elle est numéro un en tomates, carottes, melons ; numéro deux en haricots, courgettes... Et ce n'est sûrement pas fini.

Une vocation mondiale

L'entreprise HM.Clause, dont l'un des sièges est installé à Portes-les-Valence, est l'un des symboles de cette réussite internationale. Son chiffre d'affaires - en progression régulière - se fait pour moitié sur la zone Amérique/Pacifique. Si l'Asie ne représente que 6 %, c'est que l'implantation est récente mais le potentiel de développement est énorme. « Il faut être multiculturel. Le développement en Asie sera une grande aventure, si on n'y est pas, on va rater quelque chose », prévient Jean-Yves Foucault.
Pour parvenir à ses fins, l'entreprise fait le choix de la diversité. « Imaginez rien que pour les tomates entre les cœurs de bœuf, les tomates cerises, les tomates rondes, les allongées, etc. Nous travaillons beaucoup les marchés de niche, contrairement à nos concurrents ; y compris les espèces au rayonnement " régional " comme la mâche, le fenouil ou le potiron. » Et d'ajouter fièrement : « Pensez qu'une entreprise de la région détient 70 % du marché d'Halloween aux États-Unis, c'est incroyable ! »
Cette stratégie mondiale et multi-espèces offre beaucoup de stabilité à HM.Clause qui, outre le développement interne, mise beaucoup sur des rachats ciblés, aux États-Unis notamment, Mesa Maiz ou plus récemment Genica (leader du jalapeño* au Mexique). « On acquiert ainsi des talents, de la technologie et des marchés, résume le président. Nous avons développé une véritable culture du regroupement qui se passe sans douleur. »

La tomate, symbole de la réussite

Symbole de cette réussite, la tomate. HM.Clause a su trouver des variétés qui répondent aux attentes des entreprises de l'industrie californienne en associant rendement, sucre et viscosité.
Ses parts de marché sont ainsi passées de 1,5 à 22 % en six ans ! Sur la tomate cerise, très cultivée en Europe du Sud, et qui explose avec la tendance de consommation du snacking, HM.Clause tire aussi son épingle du jeu en ayant mis sur pied un fruit qui n'éclate pas, qui ne flétrit pas, tout en conservant une bonne qualité gustative.
Une stratégie payante. « Nous assurons notre développement, sans bruit. C'est un travail de fourmi. Nous ne sommes pas des golden-boys, nous sommes des paysans, insiste Jean-Yves Foucault. Nous avons une approche globale des marchés mais avec une adaptation locale des produits ». Des racines et des ailes en quelque sorte. 
* Jalapeño : variété mexicaine du piment.