INITIATIVE
Chantiers d’insertion et éleveurs collaborent face à la prédation

Quelle(s) solution(s) pour l’entretien des clôtures de défense des troupeaux face à la prédation ? Le Département de la Drôme vient de financer une expérimentation sur ce sujet associant éleveurs et chantiers d’insertion. L’occasion d’évaluer la faisabilité et le coût de ces prestations.

Chantiers d’insertion et éleveurs collaborent face à la prédation
Les clôtures électrifiées ne sont efficaces que si l’entretien est réalisé régulièrement. Or les éleveurs ont du mal à faire face à cette charge de travail supplémentaire induite par la présence du loup. ©Emploi Solidaire

La pose de parcs électrifiés, d’une hauteur et d’un nombre de fils suffisants pour protéger les troupeaux contre la prédation, fait partie des mesures préconisées dans le plan loup 2018-2023. Si les éleveurs peuvent bénéficier d’une aide de l’État pour l’achat de ce matériel (lire ci-contre), l’entretien de ces clôtures reste entièrement à leur charge. Une expérimentation vient d’être menée en Drôme pour évaluer la faisabilité et le coût de cet entretien par des chantiers d’insertion. Dix-neuf chantiers ont pu être réalisés en 2022 chez quinze éleveurs du Diois, de la vallée de la Drôme, du Pays de Dieulefit... Près de 35 kilomètres de clôtures ont ainsi été débroussaillés.

Derrière cette démarche, une demande pressante de la FDSEA, des Jeunes agriculteurs et de la fédération départementale ovine (FDO). « L’entretien des clôtures électrifiées, notamment en zone de montagne reculée, est vraiment très lourd et très prenant, souligne Edmond Tardieu, éleveur à Vesc et responsable du dossier prédation au sein de la FDSEA de la Drôme. Les éleveurs ne parviennent plus à faire face à cette charge de travail supplémentaire provoquée par la prédation. Lors d’un comité départemental loup, nous l'avons fait remonter à la préfète. » La piste du recours aux ateliers et chantiers d’insertion a alors été lancée par les services de l’État.

50 % du coût financés par le Département

Une rencontre a été organisée entre les représentants de la profession agricole et le collectif Emploi Solidaire qui fédère les structures d’insertion par l’activité économique de Drôme et Ardèche. Le Département de la Drôme a été sollicité pour accompagner cette démarche expérimentale. « Cette action, par son volet insertion par l’économie pour les bénéficiaires du RSA et les jeunes, rentrait tout à fait dans les compétences du conseil départemental, souligne Agnès Jaubert, conseillère déléguée à la ruralité et aux politiques agricoles. Nous avons donc mobilisé les crédits nécessaires pour mener cette expérimentation sur l’année 2022. » Ce soutien a permis de financer 50 % du coût des chantiers ainsi que la coordination du projet.

« Nous sommes satisfaits du travail réalisé »

Le bilan s’avère positif pour l’ensemble des acteurs impliqués. « Du côté de la profession agricole, nous sommes satisfaits du travail réalisé par ces chantiers d’insertion. Il faut toutefois garder en tête que ces équipes réunissent des personnes qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler en montagne, dans des zones escarpées. Le rendement de chantier est donc inférieur », relate Edmond Tardieu. Sans oublier, selon lui, que ce type de partenariat ne pourra se développer qu’avec un coup de pouce financier pour les éleveurs, à hauteur de ce qui a pu être mené dans le cadre de l’expérimentation drômoise.

« Une opportunité de développer l’activité » 

Du côté du collectif Emploi solidaire, l’expérience est jugée encourageante. « Lorsque nous avons été associés à ce projet, j’ai tout de suite vu l’opportunité pour des structures d’insertion par l’activité économique de développer leur activité, souligne Candice Cointe, directrice du collectif. Certains chantiers d’insertion œuvrent déjà sur l’entretien d’espaces naturels, l’ouverture de chemins de randonnées… Cette expérimentation offrait la possibilité de s’engager dans un projet territorial qui avait du sens, en soutien aux éleveurs en difficulté. » Plusieurs structures d’insertion sont d’ailleurs prêtes à poursuivre ces chantiers avec toutefois quelques limites. « Les conditions rencontrées sur certains chantiers - site escarpé, logistique nécessaire pour le matériel, absence de réseau téléphonique et/ou d’accès pour les secours - rendent difficiles leur réalisation par des équipes en insertion », décrit Candice Cointe. Les dates de chantier doivent aussi être adaptées aux disponibilités des structures d’insertion dont les carnets de commande sont parfois, à certaines périodes, pleins d’une année sur l’autre. Enfin, « l’éleveur a sa part d’implication, signale la directrice du collectif. Il doit être présent pour expliquer ses attentes qui diffèrent d’une exploitation à l’autre. »

Alimenter les réflexions du prochain plan loup

Les acteurs du projet espèrent désormais que cette expérience aura un effet boule de neige. Un court film sur le sujet a été réalisé par le Département de la Drôme. Il vise à démontrer que cette expérimentation se révèle gagnante-gagnante pour les éleveurs (soulagement quant à cette charge de travail) et les structures d’insertion (chantier valorisant parce qu’il a du sens : défendre les troupeaux contre la prédation, aider les éleveurs). Mais, avertit Edmond Tardieu, « le bilan financier de cette opération doit être porté devant les pouvoirs publics. Sans l’aide du Département, les éleveurs n’auraient pas pu conduire ces chantiers. » Lors du dernier comité loup, qui s’est tenu en Drôme fin janvier, la FDSEA, les JA et la FDO 26 ont donc demandé à la préfète que cette expérimentation puisse alimenter les réflexions pour le prochain plan loup attendu début 2024. Avec l’espoir qu’une aide à l’entretien des clôtures figure dans le nouveau dispositif.

Sophie Sabot

Protection des troupeaux

Des nouveautés dans les demandes d’aide

 Le site internet de la préfecture de la Drôme souligne que, « à l’occasion de la nouvelle programmation PAC 2023 - 2027, la mesure protection des troupeaux évolue. » Parmi les nouveautés : la dématérialisation des demandes d’aides via la plateforme Safran (https://safran.asp-public.fr/). L’arrêté de la préfecture de la Drôme, en date du 13 janvier 2023, définit les zones d’éligibilité (liste des communes) pour ces aides. Selon les cercles définis par l’arrêté, les dépenses type parcs électrifiés fixes ou mobiles, systèmes d'électrification, appareils de contrôle (voltmètres), systèmes antivol dédiés au matériel d'électrification peuvent être éligibles sous conditions. Le taux d’aide est le plus souvent de 80 % des dépenses (HT). Les éleveurs ont jusqu’au 31 juillet 2023 pour déposer leur demande d’aide.

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