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Guerre en Ukraine : les filières agricoles régionales en alerte

Quelles répercussions le conflit russo-ukrainien peut-il avoir sur l’agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes ? Tour d’horizon des principales filières.

Guerre en Ukraine : les filières agricoles régionales en alerte
Depuis plus d’un an, le monde agricole subit de plein fouet l’augmentation généralisée du prix des matières premières. La guerre en Ukraine vient renchérir les coûts des céréales et de l’énergie, ce qui fragilise encore plus la rentabilité de nombreuses exploitations. Dans la région, plusieurs filières agricoles sont en alerte. ©MontageAD26

«Depuis dix ans, nous n’exportons pas beaucoup de génétique et d’animaux vivants vers l’Ukraine et la Russie. Le dernier embargo et les réglementations sanitaires ont posé une frontière commerciale entre les opérateurs de la filière charolaise et ces deux pays », indique Hugues Pichard, président  du Herd-book charolais (HBC). Ces derniers mois, des contacts avaient néanmoins été pris avec le bureau de coopération technique et internationale (BCTI) dans le but de développer « des projets avec les Ukrainiens sur des marchés naissants d’export d’animaux vivants », confie-t-il. La guerre en Ukraine ne va sans doute pas aider les discussions bilatérales. Exportatrice de semence de taureau en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan, la coopérative Montbéliarde Jura Bétail s’attend à un arrêt des échanges. Ces trois pays ont représenté 10 % de son chiffre d’affaires l’an dernier. « Nous vendons aussi des génisses vers des pays qui transitent par la Russie et la Biélorussie. 400 bêtes sont censées partir fin avril. Nous devrions être en train de sélectionner nos animaux en ce moment mais nous n’allons pas engager le processus, connaissant les difficultés à trouver un transporteur. Il y a trop de risques que la vente n’aille pas au bout », précise Dominique Peinturier, le directeur.

Fort impact sur les semences

« L’impact sera énorme sur la filière semences », alerte Philippe Roux, délégué régional du Semae Sud-Est. « L’Ukraine est l’un des premiers pays producteurs d’huile de tournesol et achète beaucoup de semences en Europe », rappelle-t-il. «  Les trois quarts des semences de maïs et de tournesol ont déjà été livrées », prévient Didier Nury, vice-président de l’Union française des semenciers (UFS). Mais d’autres espèces sont touchées, comme le colza ou encore les céréales de printemps. 
« Se posent les questions de leur acheminement vers les agriculteurs locaux et du devenir des semences qu’il reste dans nos usines, en attente d’expédition », ajoute-t-il. La filière s’inquiète aussi « de la capacité de l’Ukraine à réaliser ses semis, contrairement à la Russie où il y a moins de perturbations locales ». Des entreprises françaises ont investi dans ces deux pays et voient les usines aujourd’hui à l’arrêt. « Nos entreprises - dont l’activité est générée sur ces deux pays - estiment qu’elles seront impactées à hauteur de 850 M€ », affirme Didier Nury. D’après Lionel Borey, président de la coopérative Bourgogne du Sud, la hausse des cours du blé interroge sur la capacité des pays du Maghreb à se fournir dans les prochains mois. « Ils vont normalement nous solliciter. La capacité exportatrice de la France est là mais vu les volumes qui vont manquer, on ne sera sans doute pas en capacité d’en assurer la totalité. »

Moins d’inquiétude pour la viticulture

Le Drômois Bruno Darnaud, président de la gouvernance économique des fruits et légumes (Gefel), s’attend 
« à des augmentations très importantes ». Lors du Salon de l’agriculture, les questions ont fusé : « Nous avons parlé des campagnes futures mais il est impossible de savoir où l’on va. Est-ce que l’on pourra vendre nos produits ? Les transporter ? Comment va se comporter le consommateur alors même que nous parlions déjà d’inflation ? C’est une grande inconnue », alerte-
t-il. Du côté de la viticulture, les dirigeants des interprofessions viticoles ne se montrent pas alarmistes. 
« Les exportations vers cette zone s’élèvent en valeur à environ 340 M€, dont un tiers pour le Champagne, un tiers pour les vins tranquilles et un autre pour le cognac », précise Jérôme Despey, président du comité vin de FranceAgriMer. La Russie pèse 1 % seulement des exportations de vins français. Les exportateurs redoutent néanmoins les conséquences à moyen terme sur la logistique et les prix des matières premières. « Nous exportons 900 000 hectolitres par an dans le monde. 900 partent en Russie, 800 en Ukraine », précise Éric Rosaz, délégué général d’Inter Rhône. L’inquiétude principale se concentre sur les effets collatéraux que la guerre en Ukraine pourrait engendrer si elle venait à durer. « Sans parler des prix des bouteilles, des bouchons, des carburants et de toutes les matières premières qui vont sans doute augmenter, nous pourrions aussi être confrontés à une baisse de la consommation mondiale. Il y aura inévitablement des effets dans la supply chain ! » Pour le BIVB (vins de Bourgogne), les exports de vins français en direction de la Russie et des trois États baltes ne représentent que 0,9 % des volumes. « L’Ukraine est un marché en forte progression ces dernières années mais ne représente que 0,1 % de notre chiffre d’affaires », affirme son service communication. « Nous sommes pour le moment plus inquiets pour nos distributeurs sur place. Du 21 au 25 mars, nous organisons les Grands jours de Bourgogne. Une trentaine de Russes et d’Ukrainiens sont attendus et ne seront sûrement pas là ».

Alison Pelotier et Amandine Priolet  avec Actuagri

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