Pour les semenciers, l’eau est un enjeu d’avenir
Le syndicat des producteurs de semences de maïs et sorgho de Rhône-Alpes a tenu son assemblée générale à Étoile-sur-Rhône. Pour son président, Stéphane Desrieux, l’eau est l’inquiétude majeure du moment pour les semenciers.

Comme l’ensemble des filières agricoles, en 2022, la météo n’a pas épargné la filière semencière rhônalpine. La sécheresse historique qu’a connue le pays l’été dernier et le manque d’eau de cet hiver mettent en évidence, s’il en était nécessaire, la problématique de l’eau. « L’eau est notre préoccupation majeure pour l’avenir de notre filière et la souveraineté alimentaire française », soulignait Stéphane Desrieux en marge de l’assemblée générale du syndicat des producteurs de semences de maïs et sorgho (SPSMS) de Rhône-Alpes qui a eu lieu à Étoile-sur-Rhône, le 28 février.
Si la ressource en eau est préoccupante, « le niveau d’étiage du Rhône est un point central. Même s’il est le fleuve roi, il n’est pas moins concerné par de potentielles restrictions à l’avenir », s’inquiète le producteur de semences drômois, pointant du doigt le coût de l’irrigation qui monte en flèche. « Au-delà du défi contractuel, nous devons réussir à ce que les coûts réels de production et de l’eau soient intégrés dans nos contrats. Aujourd’hui, après sept huit ans où les choses n’ont pas bougé, nous devons les remettre à niveau. La marche est haute », harangue le président du SPSMS qui reconnait toutefois qu’une « avancée significative en valeur absolue » a été obtenue. Cette réévaluation ne rattrape pas pour autant « l’envolée des coûts de production ».
Retrouver des surfaces et de la rémunération
Un défi à relever d’autant plus primordial que l’emblavement de production de semences de maïs et de sorgho a diminué de plus de 50 % en huit ans (11 380 ha en 2014 contre 4 904 ha en 2022). À l’échelle nationale, les surfaces croissent depuis 2017. « Il y a un réel désengagement des producteurs car les obtenteurs font la sourde oreille. Pourtant, le risque que demain nous ne puissions plus répondre à la demande existe et il est fort. En Rhône-Alpes, nous avons les coûts de production les plus élevés de France, pourtant les propositions contractuelles sont les mêmes qu’au niveau national. Il faut que les rémunérations soient à la hauteur pour rendre notre production régionale attractive. La filière semences doit revenir au cœur des débats. Nous n’avons plus beaucoup de marge de manœuvre », poursuit Stéphane Desrieux.
L’espoir des organisations de producteurs
Ce travail de négociations auprès des entreprises privées sera mené à l’avenir par une association - « Semences végétales » - reconnue organisation de producteurs (OP), en cours de création. Son assemblée générale constitutive aura lieu le 16 mars à La Laupie. « C’est une vraie piste d’espoir », confie le président. Ainsi, pour les soixante-quinze producteurs de maïs et sorgho qui exploitent 800 ha au total et livrent à des entreprises privées, mandat de négociation sera donné à l’OP. « Nous espérons que les négociations obtenues feront taches d’huile. Au départ, l’OP concernera le maïs et le sorgho. Nous espérons l’élargir au tournesol rapidement. »
Marie-Cécile Seigle-Buyat
Le syndicat en chiffres
346 producteurs dont 255 en Drôme et 61 en Isère
4 904 ha en 2022 en Rhône-Alpes (maïs fertile et stérile et sorgho) pour une surface moyenne de 14,2 ha
(84 500 ha à l’échelle nationale)
208 variétés multipliées en 2022
Semences : les quatre enjeux de la transition agroécologique
Crée au sein de l’interprofession des semences et des plants (Semae) en mars 2020, le Comité des enjeux sociétaux (CES) vient de fournir son premier avis. Il devait de se prononcer sur les « Semences et la transition écologique ». Selon le CES, la transition agroécologique doit répondre à quatre grands enjeux qui doivent guider la sélection végétale. Le premier vise à préserver la biodiversité et à la mettre au cœur des pratiques agricoles. Le deuxième porte sur l’amélioration de la conservation et de la régénération des sols, via l’augmentation de la biomasse afin d’accroître le stockage de matière organique dans les sols, stimuler l’activité biologique et ainsi contribuer à l’atténuation du changement climatique. Le troisième concerne la résilience de l’agriculture et de l’alimentation. Ici, l’objectif premier de la recherche et des politiques publiques est d’améliorer la capacité des territoires à résister aux aléas et à s’adapter au changement climatique. Le quatrième enjeu enfin cible l’économie des ressources : la réduction de la consommation d’énergie par les engrais fossiles, la traction et le séchage…, la diminution de la consommation d’éléments nutritifs et du gaspillage et des pollutions de l’eau.
Les semenciers demandent un accès garanti à l’irrigation

À l’occasion du Salon de l’agriculture, le 27 février, les semenciers ont demandé que leur accès à l’irrigation soit garanti en cas de restriction pour pouvoir fournir les blés, tournesols et maïs de demain, alors que la production de semences en France, premier exportateur mondial, a diminué depuis le début de la guerre en Ukraine. « Nous pouvons puiser dans les stocks. Mais si la production de semences baisse trop, nous risquons d’en manquer en 2025 », a soutenu Didier Nury, président de l’Union française des semenciers (UFS) à l’AFP. Aussi, le président de l’UFS déplore-t-il que les « agriculteurs multiplicateurs n’aient aucune certitude sur l’accès qu’ils auront à l’eau en juillet, au moment clef de la floraison », alors que les dates de semis approchent. « Notre besoin en eau est faible mais c’est maintenant que les agriculteurs font leurs choix de cultures et c’est donc maintenant qu’ils ont besoin de certitudes », soutient Didier Nury. Il souhaite que « la production de semences soit systématiquement protégée et considérée comme une culture spécialisée », pouvant déroger aux restrictions générales d’eau. Sur les 397 000 ha dédiés à la production de semences en France l’an dernier, 40 % sont irrigués, soit 0,2 milliard de m³ d’eau sur les 3,2 Mrd de m³ consommés par le secteur agricole chaque année. Selon l’UFS, cela représente « une part infime de l’irrigation agricole pour un milliard d’euros d’excédent commercial ».