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Nuciculture

Le Pherodrone, une solution  pour faciliter le biocontrôle en verger

La station d’expérimentation nucicole Rhône-Alpes (Senura) a organisé fin mars une démonstration du Pherodrone mis au point par la start-up Agri.Builders. Cette solution utilise un drone pour déposer des colliers de confusion sexuelle sur les noyers contre le carpocapse.

Le Pherodrone, une solution  pour faciliter le biocontrôle en verger
La démonstration a eu lieu sur une parcelle de noyers du producteur Nicolas Revol, producteur près de Chatte en Isère, devant des producteurs et des conseillers, fin mars.

Les hélices vrombissent, le drone s’élève au-dessus du sol. À quelques mètres de là, le télépilote, la tête tournée vers le ciel et la télécommande en main, surveille l’aéronef chargé de 65 colliers de phéromones Ginko Ring en train de s’élever jusqu’à la cime des noyers. L’opération de protection de la parcelle de noyer d’un producteur isérois contre le carpocapse par confusion sexuelle commence. 
À une trentaine de mètres, les invités observent la démonstration organisée fin mars par la Senura avec la société Agri.builders*, à l’origine de l’innovation. « Avec le Pherodrone, nous déposons une centaine de diffuseurs de phéromones par hectare, explique Antoine Boudon, le jeune cofondateur et associé d’Agri.Builders. Nous estimons couvrir un à deux hectares par heure pour un coût de 115 € HT/ha sur un verger homogène. »

Antoine Boudon, Antoine Duchemin et Alexis Trubert ont mis au point la solution Pherodrone alors qu’ils étaient encore étudiants à l’École Centrale de Lyon. Ils ont fondé la société Agri.Builders au printemps 2021.

Une innovation de terrain

La réflexion autour d’une solution de largage de colliers de phéromones par drone a commencé il y a quatre ans. C’est un projet d’études porté par des ingénieurs de l’École Centrale de Lyon sollicités par Philippe Vayssac, responsable de la cellule innovation de Groupama Rhône-Alpes Auvergne, qui s’est ensuite transformé en start-up. « Nous avons travaillé selon les méthodes de l’effectuation et du design thinking, résume Antoine Boudon. Nous avons d’abord établi un premier prototype à partir d’un drone du commerce existant pour proposer notre concept aux producteurs de noix. Puis, grâce à leurs réactions et propositions, nous avons amélioré le dispositif. Ces allers-retours entre conception et terrain nous ont permis d’aller vite dans le développement d’une solution opérationnelle en amélioration permanente. » Avant de devenir une société, les jeunes centraliens ont gagné de multiples prix et concours de l’innovation, en France et même au Canada. « La grande innovation de Pherodrone réside dans la création d’un add-on ou extension de largage, qui se branche sur un drone du commerce, explique Philippe Vayssac. La contrainte de départ était de fournir une solution abordable économiquement pour les producteurs de noix, d’où le choix d’utiliser un drone existant. » En l’occurrence, le dispositif de largage peut s’adapter sur la plupart des drones lourds du commerce. Pour la démonstration, il est monté sur un DJI Matrice 200 de 4,7 kg qui peut emporter une charge utile de 1,45 kg.

Le drone, un DJI Matrice 200, largue les colliers de phéromones sur la cime des arbres. Les « tentacules » sous le drone ont été ajoutées après une proposition de Daniel Eymard Vernein, un producteur très impliqué lors des tests. Elles permettent de guider le collier jusqu’aux branches.

Nacelle, perche ou drone ?

La solution Pherodrone apporte de multiples avantages aux producteurs de vergers d’arbres de haute tige. Grâce au drone, les colliers de confusion sexuelle sont déposés dans la partie haute de l’arbre entre 15 et 20 mètres dans la zone de vol des papillons du carpocapse. Cette solution rend possible l’utilisation de la confusion sexuelle pour les vergers en pente. Avant cela, pour poser les diffuseurs de phéromones, les producteurs avaient seulement deux possibilités : la pose avec une nacelle ou avec une perche. Dans le premier cas, l’exercice demande une bonne expérience mais la nacelle est un moyen de pose assez rapide. « Sur un verger jeune et plat, avec des arbres de 8 à 10 m, la nacelle me permet de protéger un hectare par heure », explique Nicolas Revol, producteur de noix au sein de l’EARL Champs Raillet en Isère. Acquise il y a 20 ans, cette nacelle est largement amortie. « Je peux protéger l’ensemble de mes 30 ha de noyer en une semaine avec la nacelle car ils sont en plaine. Cependant, sur des arbres de grande taille, je n’atteins pas le tiers supérieur de l’arbre, donc la protection n’est pas optimale. Le drone fera un meilleur travail. » Avec une perche, c’est la même difficulté pour atteindre la cime des noyers de plus de 15 m. En plus, il faut une très bonne capacité physique et la pose est plus longue.

Guillaume Zelena
*https ://agri.builders

Agnès Verhaeghe, ingénieur CTIFL, responsable du projet à la Senura, souligne l’intérêt du dispositif : « avec le drone, on gagne en facilité et en rapidité de pose. »

Confusion sexuelle : un moyen qui a fait ses preuves contre le carpocapse

« La confusion sexuelle est une solution de biocontrôle qui vise à perturber la rencontre entre les papillons mâles et femelles du carpocapse pour limiter la présence de larves responsables des dégâts sur les fruits (noix, pomme, poire, etc.), explique Céline Barthet de la société SumiAgro, qui fabrique les colliers de phéromones. Nous avons 20 ans de recul sur cette méthode de lutte qui a prouvé son efficacité. » Nicolas Revol, producteur de noix en Isère confirme : « Nous avons commencé il y a presque 20 ans. Aujourd’hui tout le verger de noyers est protégé via la confusion sexuelle et nous avons moins de 1 % de dégâts ». Pour mettre en place la confusion sexuelle sur un verger, il faut respecter quelques règles selon les spécialistes de SumiAgro. Ne pas avoir plus de 2 % de dégâts dus aux carpocapses l’année précédente, protéger un minimum de 4 ha de verger, installer un nombre de diffuseurs plus important sur les bordures de la parcelle du côté des vents dominants. Ensuite, il faut assurer un suivi régulier sur 1 000 fruits pour vérifier l’efficacité. 
G. Z.