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Recyclage

La consigne fait son grand retour

Créée fin 2017 pour porter le projet « Ma bouteille s’appelle reviens » en Drôme et Ardèche, l’association Locaverre propose des outils de lavage afin de permettre le réemploi des contenants en verre.

La consigne fait son grand retour
Clémence Richeux, coordinatrice et Sylvain Riolo, responsable technique et logistique.

Un outil au service du territoire. Tel est le projet de l’association Locaverre qui, sous la marque « Ma bouteille s’appelle reviens », propose des outils de lavage à destination des producteurs de Drôme et d’Ardèche. Basée à Chabeuil, l’association va prochainement poursuivre son aventure sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (Scic). « La structure a été créée en 2018 à la demande des producteurs, et notamment des brasseurs qui devaient acheter leurs contenants relativement loin. La réflexion d’un approvisionnement local de bouteilles nous a mené au retour de la consigne », explique Clémence Richeux, coordinatrice du projet. Au sein du bâtiment de 500 m² implanté dans la zone artisanale des Gouvernaux, à Chabeuil, deux outils de lavage sont en fonctionnement : un tunnel, permettant un lavage par aspersion séchage et adapté à tous types de contenants, ainsi qu’une laveuse, proposant un lavage par immersion et injection d’eau soudée à 70 degrés durant 12 à 20 minutes, avec un pré-rinçage à l’acide peracétique, puis un rinçage et un insufflage à la sortie de ligne. Le mirage se fait de façon manuelle avant la mise en palettes. 
Pour garantir le process de lavage, des analyses sont réalisées sur place. « Nous faisons des prélèvements à chaque cycle, pour savoir si le niveau de pH est bon et vérifier qu’il n’y ait pas de résidus de soude ou d’acide », explique Sylvain Riolo, responsable technique et logistique. Un relevé de température est également fait pour garantir la propreté bactériologique des bouteilles. « A partir du moment où les bouteilles passent cinq minutes dans un bain de trempage à 70 °C, elles sont considérées comme pasteurisées », développe le responsable technique. D’autre part, des analyses mensuelles sont faites sur des bouteilles propres par un laboratoire extérieur, pour écarter toute présence de levures ou de bactéries. Par ailleurs, un cahier des charges spécifique est établi, notamment sur les étiquettes. « Nous demandons des étiquettes hydrosolubles et non vernies, qui, contrairement aux étiquettes adhésives, ne laissent pas de résidus ou de traces », insiste Clémence Richeux.

Un retour au bon sens

Deux offres sont proposées  : « le tout en un », où Locaverre se charge de la logistique (collecte et tri des contenants et livraison une fois lavés chez le producteur) ou « le lavage à façon » (le producteur collecte ses contenants, les livre et les récupère à l’unité de lavage). « Aujourd’hui, plus de 50 producteurs drômardéchois se sont engagés dans cette démarche du retour à la consigne », souligne Benjamin Cordonnier, responsable commercial. « Ils sont très investis sur les questions de l’impact environnemental », note la coordinatrice. En 2020, plus de 100 000 bouteilles ont été lavées et réemployées. Cette démarche demande l’implication de tous, et notamment des 38 points de collecte répartis en Drôme Ardèche. « Il faut que les magasins soient impliqués pour encourager les consommateurs à faire ce geste », poursuit-elle. Réutiliser le verre à l’échelle régionale permet d’économiser 75 % d’énergie et 35 % d’eau par rapport au recyclage, qui est également cinq fois plus émetteur de gaz à effet de serre.
En France actuellement, il n’existe que cinq structures de lavage de ce type. Locaverre travaille pour la filière, aux côtés d’autres porteurs de projet. Une trentaine devrait voir le jour d’ici deux ans. « A terme, il y a des chances que l’Etat légifère sur la nécessité de réemployer les contenants. Nous sommes dans un secteur d’activités qui a toutes les raisons de perdurer, de se développer. C’est une question de bon sens », conclut Clémence Richeux. Pour valoriser sa démarche, l’entreprise est porteuse d’un projet social, privilégiant l’emploi de personnes en insertion pour les différents postes d’agents de collecte, de tri et de lavage.

Amandine Priolet

Des producteurs engagés

Des producteurs engagés
Au magasin de producteurs Au plus pré, à La Laupie, la démarche « Ma bouteille s’appelle reviens » fonctionne très bien avec les bouteilles de jus de fruits de Joël Fauriel (Biotiful).

Mary Margerie (Ferme bio Margerie, Portes-lès-Valence) : « Depuis 1979, l’entreprise a été montée sur des valeurs écologiques, sur le bon sens paysan. Nous avons naturellement cette philosophie d’éviter de gaspiller. Nous avions une laveuse, pour notre transformation propre et celle des producteurs environnants, mais nous avons mis ce sujet en veille il y a dix ans au moment de faire des investissements sur notre outil de production. Quand Ma bouteille s’appelle reviens s’est manifestée, cela nous a permis de retrouver notre cohérence perdue. Cette démarche fonctionne si les magasins de producteurs et enseignes s’engagent également, en collectant et triant les contenants. Pour notre part, sous notre marque ou en façonnage, ce sont environ 20 000 bouteilles par an qui sont lavées. On essaie aussi de travailler sur d’autres territoires avec des confrères de Ma bouteille s’appelle reviens. L’objectif, à terme, est d’être moteur pour arriver à faire rapatrier 200 000 à 300 000 bouteilles par an ».

Joël Fauriel (Biotiful, Loriol-sur-Drôme) : « Cela fait une vingtaine d’années que je fais des jus de pommes chez la ferme Margerie, qui faisait historiquement du lavage de bouteilles. Quand cela s’est arrêté, j’ai été très frustré de ne pas retrouver ce genre d’outils. J’ai toujours été très demandeur du retour du lavage et du recyclage de la bouteille. J’ai donc été intéressé par le projet de Locaverre, puisqu’en vente directe, au sein du magasin de producteurs Au plus pré à La Laupie où je commercialise mes jus, nous avons une possibilité assez facile de récupérer les bouteilles. Les clients sont assez demandeurs, même s’il n’y a pas d’argent qui leur est donné. Ca a du sens. Il n’y a aucun intérêt financier derrière. C’est juste normal de recycler. C’est un geste, et il faut sortir de la logique de financer l’écologie ! Cependant, à titre personnel, j’avais espéré pouvoir récupérer mes bouteilles après le lavage pour avoir une boucle fermée et maîtriser le circuit court. Pour autant, le système fonctionne relativement bien de la sorte. La bonne nouvelle est qu’une structure de lavage et de recyclage existe au niveau local. »

Claude Chaléon (Ferme des Caillats, fromager, Saint-Jean en Royans) : « Nous avons travaillé avec cette structure depuis son lancement, pour la simple raison que nous n’avions pas les outils nécessaires pour laver nos bouteilles de lait. Cela concerne 700 l de lait par semaine, soit environ 2 000 bouteilles par mois. Après, il faut être réaliste : cela nous revient aussi cher que d’acheter une bouteille neuve. Le coût de revient de la bouteille pour du lavage à façon est d’environ 26 centimes, contre 33 pour une bouteille neuve. La fromagerie étant en développement, il n’est pas impossible que nous lavions nous-mêmes nos bouteilles. C’est déjà ce que nous faisons pour nos pots de yaourts et de crème, grâce à un lave-vaisselle professionnel ».

Jean-François Chosson (Le Verger de Saint-Martin, arboriculteur et éleveur de porcs plein air, Peyrins) : « Par cette démarche, on fait d’abord des économies d’énergie et d’eau puisqu’on évite l’étape de refonte du verre. De plus, c’est un engagement intéressant qui permet de créer une filière locale et d’identifier un réseau de prestataires, fournisseurs et producteurs. Cela créé une synergie, notamment avec les consommateurs. Nous faisons tous un geste écologique et solidaire, grâce au recyclage et au consommer local. Pour ma part, cela me demande simplement un effort logistique. Il n’y a aucun intérêt économique pour l’exploitation. Je demande simplement au réseau que cela ne me coûte rien par rapport à un système classique. Pour l’instant, Ma bouteille s’appelle reviens me récupère seulement les bouteilles de jus de fruits et les pots de compote. A terme, je souhaiterais que la structure puisse aussi récupérer tous les emballages : pots de terrine de porc, pots de confiture, etc. » n