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Technologie

Carbon Bee : un détecteur de maladies et stress de végétaux

Avec un capteur innovant, Carbon Bee mesure à distance l'état de santé de cultures. Une application devrait bientôt être disponible pour la flavescence dorée. D'autres sont à l'essai.
Carbon Bee : un détecteur de maladies et stress de végétaux

L'agriculture n'est pas étrangère à Gérald Germain, le président fondateur de la start up Carbon Bee SAS. En effet, sa famille avait une ferme à Miribel, en Drôme des collines. En plus, étant adjoint au maire de Crépol, il est « en contact permanent avec les agriculteurs ». Mais « il ne pensait pas pouvoir marier son métier avec le monde agricole ». Et pourtant, il est en train de le faire avec une caméra hyperspectrale, nommée Aqit-sensor, développée pour détecter maladies et stress dans des cultures. Alors, il se dit content s'il peut aider les agriculteurs avec cet outil.

Une caméra hyperspectrale

La caméra distingue plusieurs centaines de couleurs, dont certaines invisibles à l'œil nu. « Notre capteur mesure la lumière réfléchie par les feuilles des végétaux, qui l'est différemment selon l'état de santé des plantes », explique Gérald Germain. Avec, peuvent être détectés des symptômes de stress hydrique ou azoté et de maladie. Les données enregistrées par le capteur sont « moulinées » par un logiciel utilisant l'apprentissage automatique. Pour qu'il apprenne à différencier des plantes malades ou stressées d'autres qui ne le sont pas, des clichés de parcelles sont pris en grande quantité puis entrés dans le logiciel. Au plus il en visualise, au plus il améliore sa capacité à diagnostiquer.
« Cette méthode permet de travailler sur des maladies émergentes, peu connues sur le plan scientifique », précise Gérald Germain. Dans ce projet, l'entreprise est en contact avec des coopératives agricoles de Provence-Alpes-Côte d'Azur, une de la Drôme, la FDGdon et la Fredon(1) ainsi que le Sral(2). Carbon Bee a aussi des relations avec l'Inra.

 

Les données enregistrées par le capteur sont « moulinées » par un logiciel utilisant l'apprentissage automatique.

Une application flavescence en 2017

Au départ, le capteur était plutôt destiné aux céréales (cartographies pour moduler les apports d'azote). Mais, aujourd'hui, l'application principale est la flavescence dorée, une maladie réglementée (obligation de prospection et d'arrachage des ceps contaminés). L'idée est « d'apporter aux viticulteurs une méthode plus fiable que l'humain ». Carbon Bee a travaillé sur des vignes de la Vallée du Rhône, de Marseille jusqu'au Beaujolais en passant par le Diois mais aussi de Bourgogne, du Bordelais, d'Espagne et de Suisse. Le capteur peut être embarqué sur un drone (qui vole à une trentaine de mètres au-dessus des parcelles), un tracteur ou autre outil, un quad. Comme drones, sont utilisés des multicoptères. Ils sont moins sensibles au vent que les modèles « ailes » (qui ont en outre besoin de plus de place pour atterrir) mais l'autonomie de leur batterie est plus faible : « 20 minutes à une demi-heure, soit environ 10 hectares, indique Gérald Germain. Ils résistent à des vents de 50 à 60 kilomètres par heure. » Quant au capteur, « il ne fatigue pas comme l'homme et il est plus rapide (il peut traiter 50 à 100 hectares par jour) ».
L'application pour la flavescence dorée est en fin d'expérimentation et devrait être commercialisée en 2017. « D'une part, le capteur est en cours de finalisation, d'industrialisation (pour le rendre robuste), annonce le président de Carbon Bee. Et, de l'autre, les données sont décortiquées afin d'en sortir un maximum d'informations utiles. Seront sélectionnés les cépages les plus sensibles (notamment le grenache) pour lesquels nous disposons de suffisamment de données. Nos travaux sont en bonne voie. Nous prévoyons de lancer l'application au prochain Sima(3). »

Image prise par le capteur Aqit-sensor.

D'autres cibles

Carbon Bee a également conduit un essai sur la sharka cette année mais, difficulté, « les symptômes ne sont pas toujours bien visibles ». Aussi, les tests se poursuivront en 2017 afin de vérifier la qualité des données engrangées sur cette maladie. La société s'investit dans d'autres domaines, dont le maraîchage sous serre et en plein champ (sur carotte, salade, betterave, pomme de terre, melon...). L'optimisation des intrants, le bon calage des traitements sont visés. Des accords ont été passés avec des grands groupes et les mesures ont commencé. Carbon Bee développera probablement un service associé au maraîchage, pour détecter maladies et (ou) stress. Les fermes urbaines (cultures en hydroponie dans des serres automatisées sur les toits) sont également une cible de la start up, avec pour objectif de limiter le plus possible les traitements. L'idée, là, est d'équiper les rails convoyeurs de caméras « afin de détecter les problèmes au plus tôt ».
Une autre application est envisagée pour cartographier les zones de présence de plantes invasives, comme l'ambroisie par exemple. Carbon Bee a également des requêtes dans le domaine forestier : pour estimer les risques d'incendies en qualifiant (cartographiant) les essences de bois mais aussi des maladies et ravageurs. Quant à l'analyse de la teneur en sucre des fruits comme outil d'aide à la décision pour déclencher la récolte, « c'est un sujet sur lequel nous travaillons, confie Gérald Germain. Techniquement, c'est à notre portée. Il faut récolter des données pour être sûrs qu'elles seront bonnes. » Aqit-sensor révolutionnera-t-il le domaine de la santé végétale ? L'avenir le dira.

Annie Laurie

(1) FDGdon et Fredon : fédérations départementale et régionale des groupements de défense contre les organismes nuisibles.
(2) Sral : service régional de l'alimentation.
(3) Sima : salon international du machinisme agricole (du 26 février au 2 mars 2017).

 

Carbon Bee, une start-up innovante

Gérald Germain, président fondateur de Carbon Bee, entouré deux de ses collaborateurs œuvrant sur le projet Aqit-sensor : Jérémy Vinet (à gauche) et Yannick Richardot (à droite), ingénieurs recherche et développement.
Carbon Bee SAS est un bureau d'étude développant ses compétences dans l'électronique de précision, les logiciels embarqués, les drones, la robotique et l'intelligence artificielle. Cette start up a été créée en février 2015 par Gérald Germain (35 ans). Elle est détenue par son président fondateur (à 75 %) et trois autres actionnaires. Outre son siège social à Crépol, elle dispose d'un site à Saint-Marcel-lès-Valence (zone artisanale Les plaines).
Déjà des récompenses
Actuellement, six personnes œuvrent sur Aqit-sensor, la caméra hyperspectrale de Carbon Bee. Pour ce projet novateur, l'entreprise a déjà été récompensée. Le 27 août à Avignon, elle a décroché le premier prix national de la viticulture et du numérique. Avec ce prix, lui est offerte une formation à la chambre de commerce de San Francisco, utile pour partir à la conquête du marché américain (règles douanières...). Deux membres de Carbon Bee feront le voyage fin janvier. Ils en profiteront pour examiner la possibilité de s'adapter aux problématiques de la viticulture de la Napa Valley (notamment la sécheresse). Un mois plus tard, le 26 septembre, la start-up a remporté le trophée 2016 de l'entreprise décerné par la communauté d'agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes dans la catégorie de l'innovation technologique.
Carbon Bee est, en outre, candidate dans la catégorie « innovation » des CA d'or du Crédit Agricole Sud-Rhône-Alpes, qui seront remis le 6 décembre à Valence. Les internautes peuvent voter pour son projet ou celui de l'un des 35 autres candidats (avant le 15 novembre sur https://www.ca-sudrhonealpes.fr/cador2016.html).
A. L.