Remontées mécaniques fermées, des agriculteurs impactés
La fermeture des remontées mécaniques dans les stations de ski n’est pas sans conséquences sur le monde agricole. Exemples.

A Saint-Martin-en-Vercors, Nicolas Villard (53 ans) a 50 hectares et produit du lait bio avec 25 à 30 vaches laitières de race abondance, montbéliarde et villarde (deux) pour le Bleu du Vercors-Sassenage AOP et le Saint-Marcellin IGP. L’été, il met des génisses en alpages. En plus de son métier d’agriculteur, depuis 24 ans, il est conducteur de remontées mécaniques (télésièges) dans la station de Villard-de-Lans, en Isère, l’hiver pendant environ quatre mois. Un agriculteur pluriactif sur une partie de l’année, donc.
Actuellement, sur les onze agriculteurs en activité de sa commune, Nicolas Villard est le seul à avoir cette double activité l’hiver. Et, à la station de Villard-de-Lans, « ils sont de moins en moins à y travailler car, aujourd’hui, beaucoup sont en Gaec et concentrent leur activité sur une production ». Mais mener de concert ces deux activités demande d’être bien organisé, surtout lorsqu’on est éleveur laitier. « Je fais en sorte de ne pas trop avoir de vêlages en hiver et d’avoir la moitié ou au pire des cas un quart des vaches taries afin de me libérer du temps pour aller travailler à l’extérieur », explique Nicolas Villard. Il se lève à 5 h du matin, donne à manger et trait ses vaches puis part travailler à Villard-de-Lans, en traversant les gorges de la Bourne par tous les temps, et arrive à la station de ski vers 8 h 15-8 h 20. Le soir, les remontées mécaniques ferment à 16 h 30. Après le nettoyage, le rangement..., il repart en direction de son exploitation vers 17 h-17 h 15. Environ une demi-heure plus tard (selon l’état des routes), il est dans l’étable et en ressortira entre 20 h et 20 h 30. Les journées sont longues. « C’est la routine ». Et lorsqu’il y a des vêlages, ses nuits sont écourtées… Mais, son père, 80 ans, qui habite sur place, « est là en cas de problème » pendant la journée.
Privé d’un bon complément de revenu
Cette activité saisonnière représente, pour Nicolas Villard, « un bon complément de revenu et un moyen d’acquérir des points pour la retraite complémentaire. Pour moi, c’est bien intéressant jusqu’à maintenant ». Il considère aussi son travail de conducteur de remontées mécaniques comme un moyen « de rencontrer du monde, ça change les idées ». Alors, pour toutes ses raisons, il « préfère avoir deux vaches en moins » et aller travailler à Villard l’hiver. « On dit qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, commente-t-il encore. En plus, il faut produire du lait en hiver mais il coûte cher. Ces dernières années, les sécheresses en été et le manque de neige en hiver ont bien impacté mon revenu. » Et maintenant, c’est la Covid qui vient perturber l’activité des stations de sport d’hiver, donc la sienne.
Alain Aubanel, producteur de Ppam et distillateur à Chamaloc, signale d’autres impacts de la fermeture des remontées mécaniques. Dans les familles qui vont à la neige, certains skient et d’autres pas. Parmi ces derniers, certains profitent de leur séjour pour faire des visites. « On l’a très bien vu pendant les vacances de Noël 2019, constate-t-il. Du monde est venu visiter notre distillerie. Il en a été de même pour la Cave de Die Jaillance. Cette année, nous ne les aurons pas. » Par ailleurs, les saisonniers actuellement empêchés de travailler dans les stations de ski ont droit au chômage partiel. Mais qu’en est-il pour ceux qui sont en même temps agriculteurs ? Autre problème soulevé par Alain Aubanel : sur le secteur de Die notamment, « beaucoup d’agriculteurs en vente directe fournissent des restaurants, qui sont en ce moment fermés ». C’est donc aussi, pour eux comme leurs autres fournisseurs, un gros manque à gagner.
Annie Laurie