OLÉAGINEUX
Bilan de la campagne tournesol en 2023 

Le 12 décembre, Terres Inovia a organisé une demi-journée technique à Pusignan (Rhône) dédiée à la production de tournesol en Auvergne-Rhône-Alpes. L’occasion de revenir sur les points qui ont marqué la campagne 2023.

Bilan de la campagne tournesol en 2023 
En 2023, la surface de tournesol produite à l’échelle nationale a diminué de 3 % par rapport à 2022. ©Terre Inovia

En 2023, la surface de tournesol cultivée s’est montrée en léger retrait en Auvergne : 20 580 ha, soit une baisse de 10 % par rapport à 2022, contre 3 % à l’échelle nationale. Le territoire rhônalpin s’en est mieux tiré avec 23 920 ha, soit une hausse de 12 %. 
À l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les températures se sont situées en dessous des normales, notamment lors des semis. La récolte a également été marquée par une situation hydrique non limitante jusqu’à fin juin et début juillet, pour ensuite connaître un pic de chaleur intense fin juillet. Malgré une fin de cycle marquée par du stress biotique important, le rendement régional est jugé de moyen à satisfaisant.

Un rendement régional moyen situé à 26 q/ha

En Auvergne-Rhône-Alpes, la moyenne de rendement est estimée à 26 q/ha, avec une bonne expression du potentiel pour la majorité des parcelles. Seules quelques disparités subsistent, bien que ces dernières soient moins marquées qu’en 2022. Les écarts de rendement par départements varient de 17 q/ha pour l’Ardèche, à 29 q/ha dans l’Ain. Ces différences s’expliquent notamment par différentes dates de semis et l’impact des nombreux orages survenus à partir du mois d’août. Enfin, le bon maintien de l’indice foliaire a permis d’éviter des décrochages, excepté pour les semis tardifs. En 2023, la pression des maladies est restée contenue. Terres Inovia a tout de même relevé un nombre important de parcelles touchées par le phoma pieds secs. Trois symptômes ont été observés : le noircissement du collet, le dessèchement progressif de la plante et le flétrissement du capitule. Ces derniers apparaissent par foyer et de façon aléatoire. Lors de la campagne, la quasi-totalité des parcelles enquêtées ont été impactées, avec une moyenne de 25 % de plantes touchées.

L’émergence du fusarium en Limagne

Les ingénieurs ont également observé la présence de fusarium, une maladie qui provient d’un champignon dans le sol. Les boursouflures observées au niveau du collet entraînent une nécrose progressive des tissus, se traduisant par un rougeoiement. Ce phénomène relativement peu connu est surtout présent dans les plaines de la Limagne et dans le Sud-Ouest. Il est initié durant la phase végétative (de 4F au stade bouton étoilé) et provoque une atrophie racinaire. La dernière découverte faite par les professionnels est liée aux phyllodies : une déformation du capitule qui présente des fleurs ligulées ou des feuilles en son cœur. Sur les cinq parcelles suivies dans l’Allier et le Puy-de-Dôme, ce problème est apparu lors de la phase d’initiation florale (de 8F au stade bouton étoilé), dans un contexte d’amplitudes thermiques supérieures à 15 °C et de températures inférieures à 5 °C. Le principal impact des phyllodies est l’augmentation du nombre d’impuretés récoltées.

Léa Rochon avec Terres Inovia

FOCUS

Les bénéfices des couverts en interculture

Certains producteurs l’ignorent : sauf dérogation particulière, la réglementation impose une couverture des sols en période pluvieuse en zone vulnérable. Si les couverts d’interculture peuvent offrir de multiples services écosystémiques, il n’existe pas de combinaison de couverts « miracles ». Une règle prévaut néanmoins : un couvert réussi doit répondre aux services attendus sans pénaliser la réussite de la culture suivante. Le mélange à base de légumineuses (50 %) permet de maximiser les services écosystémiques avant la culture de tournesol. Le gain de rendement, estimé à + 10 %, permet d’amortir les coûts liés aux couverts. Il est alors essentiel de semer dans de bonnes conditions, selon les précipitations annoncées et l’humidité du sol. La destruction du couvert doit ensuite tenir compte de son développement (C/N < 15, pas de grenaison, deux mois minimum avant le semis du tournesol) et de certains paramètres pédoclimatiques, comme la praticité des parcelles. En définitive, l’intégration des couverts d’interculture doit être gérée de la même façon qu’une culture à part entière de la rotation.

Léa Rochon avec Terres Inovia

Un contexte plutôt favorable à la production d’oléoprotéagineux

Tandis que le marché mondial de l’huile s’annonce tendu dans les prochaines années, la demande en protéines d’origine française et européenne gagne du terrain. Mais l’augmentation des charges constitue autant de freins et de signaux contradictoires. Les marchés des oléoprotéagineux sont en pleine évolution. Malgré une stabilisation intervenue depuis le mois de juillet, les prix des engrais restent à des niveaux 
nettement plus élevés qu’avant 2021. Le coût de la mécanisation subit, quant à lui, une inflation historique. Cette hausse est liée à l’augmentation des coûts des matières premières et des marges en régime d’inflation. Pour le tournesol, la récolte 2023 a été marquée par une marge brute en importante baisse, par rapport aux excellentes années 2021 et 2022. Elle reste tout de même supérieure à la moyenne 
2016-2020. Selon Terres Inovia, la campagne 2024 devrait connaître une marge proche de celle de 2023. Concernant le soja irrigué, la marge a été résistante, surtout lorsque l’irrigation a été réalisée en fin de cycle et que la pression parasitaire a été contenue. Mais la forte variabilité des prix et du rendement ne permet pas d’envisager une projection pour l’année 2024. 
La récolte 2023 s’est donc terminée dans un contexte de forte augmentation des charges, conjuguée à des marchés en retrait. Ce qu’Alexis Verniau, ingénieur à Terres Inovia, appelle un « effet ciseau », après deux très bonnes campagnes.

Des incertitudes sur la production de soja et d’huile de palme

À l’international, la campagne de commercialisation 2023-2024 annonce une bonne disponibilité en colza et en tournesol. Malgré la guerre, les capacités d’exportation de l’Ukraine et de la Russie semblent maintenues. La Russie a même connu une récolte de tournesol record. En Australie, la tendance est bien différente. Ce pays est lourdement impacté par la sécheresse provoquée par El Niño. « Ce phénomène climatique est une succession de grosses sécheresses et de gros orages qui impacte les productions australiennes », explique l’ingénieur. Résultat ? Une récolte de colza australien divisée par trois. El Niño fait également vivre des sueurs froides aux producteurs de soja sud-américain et d’huile de palme en Asie du Sud-Est. « L’Indonésie et la Malaisie ont peu de main-d’œuvre pour replanter leurs palmeraies vieillissantes, ce qui va retarder la production », affirme le professionnel. La demande en biodiesel pour les transports par poids lourds connaît également une hausse au niveau mondial. Autre facteur clé : la végétalisation de l’alimentation en plein développement dans un certain nombre de pays occidentaux. Autant d’éléments qui vont tirer le marché des oléagineux vers le haut. Mais les producteurs doivent garder en tête que le plan de retrait de 75 substances actives pour les protéagineux peut être un frein à leur développement.

Léa Rochon avec Terres Inovia