Des haies, des brebis… selon une approche bénéfice/risque

La société évolue et les pratiques agricoles aussi. « Bien que notre mission première reste de produire de l'alimentation, cela n'empêche pas de rester dans un modèle figé, explique Christian Nagearaffe, nuciculteur à Montmiral. Je me suis donc interrogé : qu'est-ce que je peux changer pour moins utiliser de produits phytosanitaires et favoriser la biodiversité fonctionnelle sans mettre en péril mon exploitation ? » Sa réponse s'est construite selon une approche bénéfice/risque. Par exemple, pour l'anthracnose, quels bénéfices et risques y'a-t-il à ne plus traiter ?
Ses deux stations météo lui ont permis de collecter des données propices aux analyses. Avec une hygrométrie faible, la pression de bactériose et d'anthracnose est moindre sur ses vergers. « Ces conditions peuvent me permettre d'agir différemment », explique-t-il. A contrario, le manque de ressource en eau (pompage limité à 20 mètres cubes par heure) pénalise certaines de ses noyeraies. De même, les pentes parfois fortes rendent la mécanisation difficile et la pose de confuseurs en nacelle impossible.
« Au regard de la situation climatique de mes vergers et le fait que je tolère un pourcentage acceptable de pertes, sans entamer mon potentiel, j'optimise les traitement en fonction par exemple des captures dans les pièges », précise Christian Nagearaffe. Les IFT (indice de fréquence de traitement) de son verger ont évolué depuis 2014, la part des produits phytosanitaires homologués AB devenant prépondérante.
« Comme un passage de broyeur »
Cette démarche de progrès a connu, en 2020, une nouvelle étape avec l'arrivée de 500 brebis dans ses noyeraies. « Cela me permet d'éviter un broyage, de gagner un passage de désherbage sur le rang et de fertiliser, indique-t-il. Et, à plus long terme, de faire évoluer la flore qui pousse sur le rang. » Le nuciculteur espère limiter les espèces invasives. La technique mise en œuvre est celle du pâturage tournant dynamique, avec présence d'un berger. « C'est comme un passage de broyeur », fait-il remarquer. L'expérience sera reconduite l'an prochain. L'exploitant précise : « Pour que ça fonctionne bien, il faut un parcellaire bien adapté et avoir impérativement un accès à l'eau pour les moutons ». Il conseille aussi de s'associer avec un voisin, cela facilite la démarche. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait avec Jean-Noël Chaquet, nuciculteur bio à Montmiral, lequel accueille des moutons sur ses vergers depuis plusieurs années.
« Des réservoirs de biodiversité »
L'implantation de haies en 2002-2003, dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) est un autre élément dans l'évolution de la conduite du verger de Christian Nagearaffe. « La première approche était de protéger les noyers du vent, dit-il. Mais je me rends compte que ces haies ont d'autres intérêts, notamment pour constituer des réservoirs de biodiversité. » Il souhaiterait d'ailleurs pouvoir analyser cette biodiversité et les effets qu'elle procure sur les noyers. Mais cette compétence semble ne pas encore exister. Quoi qu'il en soit, les haies, même si elles peuvent avoir des inconvénients, ont l'avantage de faciliter les traitements car, même avec un léger vent, il ne constate aucune dérive en bordure.
Christophe Ledoux
L’exploitation /
- 42 ha de noyers : 90 % franquette; 10 % fernor. 2 îlots : 20 ha irrigués, 20 ha en métayage non irrigués.
- Production de noix et de cerneaux.
- Noyeraie de coteau à faible densité et aérée. Sol argilo-calcaire (pH: 7,5 - 8,3).
Objectif : obtenir un rendement moyen suffisant tout en préservant la biodiversité et en limitant au maximum les interventions (mécaniques ou phytosanitaires. Cela se traduit par des IFT faibles et l’utilisation de produits phytosanitaires homologués agriculture biologique.
Données économiques en cliquant ici