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Commercialisation

Des fruits estampillés « commerce équitable »

Huit producteurs de fruits de la Drôme, l’Ardèche et le Gard vont tester cette année le label « Agri-Ethique » sur les cerises, abricots, pêches, nectarines et poires. Objectifs : se démarquer de la concurrence et assurer une juste rémunération de leur travail. 

Des fruits estampillés « commerce équitable »
Sept des huit premiers producteurs engagés dans la démarche Agri-Ethique. Si cette première année est concluante, d’autres producteurs de l’association « Les amis du Domaine de Marcerolles » devraient suivre dès 2022.

« Nous avons besoin que les consommateurs reconnaissent un fruit français produit avec certaines valeurs par rapport à un produit étranger qui arrive à prix cassé », déclare Frédéric Aberlenc, arboriculteur dans le Gard et responsable du bureau de vente « Domaine de Marcerolles ». 

Le 30 mars, sur l’exploitation de Laurent Clut à Châteauneuf-sur-Isère, il a présenté la démarche des producteurs de fruits de l’association « Les amis du Domaine de Marcerolles » autour du commerce équitable. Huit des trente-trois producteurs de l’association vont dès cette année tester le label Agri-Ethique. « Notre association est née après la grêle de 2019. Certains d’entre nous avaient perdu 100 % de leur production et nous avons souhaité nous réunir pour promouvoir nos produits et mieux nous défendre sur les marchés », explique Frédéric Aberlenc. Les producteurs ont alors la possibilité de récupérer une ancienne marque du groupe Creno : « Domaine de Marcerolles ». 

« Chaque producteur de l’association commercialise les volumes qu’il souhaite sous la marque, mais les tonnages doivent être communiqués avant la saison. Pour l’instant, cela représente entre 4 000 et 4 500 tonnes de fruits à destination de la GMS, de grossistes et de l’export (Allemagne, Belgique, Suisse, Italie) », détaille le responsable du bureau de vente. Pour démarquer ses produits sur le marché, le collectif choisit dans un premier temps de s’orienter vers la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). La quasi-totalité des producteurs de l’association devrait l’obtenir avant l’été. « Mais il nous fallait aller plus loin. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers le label Agri-Ethique afin d’engager des partenariats pluriannuels avec nos acheteurs et être correctement rémunérés », souligne Frédéric Aberlenc. 

1 000 tonnes engagées dès cette année

Huit producteurs de l’association vont expérimenter dès cette année le label : quatre se situent en Drôme, deux en Ardèche et deux dans le Gard. Ils ont été choisis pour leur complémentarité en termes de production et de zone géographique. L’association « Les amis du Domaine de Marcerolles » souhaite engager sous le label pour cette campagne environ 1 000 tonnes de fruits. « Avec ce panel de producteurs, nous devrions pouvoir approvisionner les étals de nos clients de fin avril à fin juillet pour la cerise, du 20 mai au 1er septembre pour l’abricot, du 10 juin au 15 septembre pour les pêches et à partir du 14 juillet pour la poire », affirme le responsable du bureau de vente. Il indique que des négociations sont en cours avec deux grandes enseignes nationales qui devraient suivre les producteurs dans la démarche. A la clé, si elles aboutissent, une contractualisation sur trois ans et la garantie d’un prix couvrant les coûts de production, voire plus. « Nous avons estimé par espèce et par calibre nos “prix de revenu” , c’est à dire le prix de revient et ce qu’il faut y ajouter pour notre rémunération », précise-t-il. Laurent Clut, producteur en Drôme et président de l’association insiste : « Notre démarche n’est pas d’aller vers un prix figé mais de définir ce qu’est une rémunération correcte pour chaque producteur. Commerce équitable ne veut pas dire prix fixe. Ce qui est équitable pour les producteurs du Domaine de Marcerolles ne le sera peut-être pas pour un producteur plus au Sud ou pour un producteur du Pilat. » Installé en Gaec avec son fils sur une centaine d’hectares, l’arboriculteur drômois justifie son engagement dans la démarche : « Tenir compte des coûts de production pour définir les prix des contrats constitue à mon sens le meilleur outil pour assurer une équité entre chaque partenaire de la filière. J’aimerais que le consommateur par son acte d’achat fasse non seulement le choix du goût et du local mais agisse aussi comme citoyen en participant à une juste rémunération de notre travail. » A condition que le consommateur identifie la démarche commerce équitable au milieu des multiples certifications et labels qu’on lui propose. C’est le pari d’Agri-Ethique. 

S.Sabot

Agri-Ethique c’est quoi ?

Agri-Ethique c’est quoi ?

A l’origine du label Agri-Ethique, une coopérative agricole de Vendée : la Cava. En 2012, elle instaure un contrat durable avec certains de ses agriculteurs et propose un prix fixe du blé pendant trois ans sur un volume déterminé. En 2013 naît le pacte Agri-Ethique qui va plus loin en impliquant les meuniers et les boulangers. La coopérative décide de proposer ce concept à toutes les coopératives en France et crée la filiale Agri-Ethique. Depuis huit ans, le modèle s’est étendu à d’autres filières : œufs, viande, légumes condiments, légumes secs, miel, lait et désormais fruits avec le domaine de Marcerolles. Plus de 1 500 producteurs au travers de 25 groupements sont engagés dans la démarche. 235 produits sont labellisés pour un chiffre d’affaires estimés, en 2019, à 301 M€. Les boulangeries, filière historique d’Agri-Ethique, représentent 50 % de ce chiffre d’affaires, le reste est réalisé auprès des GMS et circuits spécialisés. Pour entrer dans la démarche Agri-Ethique, le collectif de producteurs doit au préalable s’appuyer sur un mode de production écologiquement et socialement durable : HVE, AB, Label rouge, Zéro résidu de pesticides, Culture raisonnée contrôlée…

Un contrôle annuel est prévu par un organisme indépendant (Certipaq) pour vérifier le respect des engagements économiques, sociaux et environnementaux des acteurs engagés dans la démarche Agri-Ethique. Enfin, les producteurs s’acquittent chaque année d’une cotisation calculée sur le volume engagé dans la démarche. Pour le Domaine de Marcerolles, elle sera de 15 € par tonne jusqu’à 300 tonnes et ensuite 11 €/t. « Nous adaptons la cotisation à chaque filière et aux difficultés qu’elle peut rencontrer », précise Ludovic Brindejonc, directeur général d’Agri-Ethique. 

S.Sabot

Commerce équitable, de quoi parle-t-on ?

Le commerce équitable est défini par l’article 94 de la loi sur l’Economie Sociale et Solidaire de 2014. Il prévoit : 

- des prix rémunérateurs pour les producteurs, basés sur les coûts de production et une négociation équilibrée ;

- un engagement commercial pluriannuel entre les producteurs et les acheteurs ;

- le versement d’un montant supplémentaire destiné au financement de projets collectifs ;

- une autonomie des producteurs par la mise en place d’une gouvernance démocratique dans leurs organisations ;

- la transparence et la traçabilité des filières ;

- la sensibilisation des consommateurs à des modes de production socialement et écologiquement durables.

Certains labels du commerce équitable s’appliquent uniquement aux produits dont les ingrédients sont issus des pays en voie de développement (labels Fairtrade/Max Havelaar et SPP- Symbole des producteurs paysans). D’autres peuvent s’appliquer pour toutes sortes de produits quelle que soit leur provenance géographique : WFTO, BioPartenaire, Fair for Life, Tourisme Équitable. Enfin, deux labels ont un champ d’application uniquement sur les produits français : Agri-Ethique et Bio Equitable en France.