PHYTOSANITAIRES
Expérimenter de nouvelles technologies pour les futurs vignerons

S’appuyant sur les prototypes construits dans le cadre du projet Dephy Expecophyto Sud-Ouest (2012-2018), le projet NextGen’Viti (2019-2024) propose une combinaison de nouvelles technologies et méthodes de protection phytosanitaire. En test dans le Rhône, le Gers et le Tarn, il vise à réduire drastiquement l’utilisation des produits phytosanitaires dans les vignes, sans pénaliser l’organisation du travail ni la rentabilité des systèmes étudiés.

Expérimenter de nouvelles technologies pour les futurs vignerons
Le robot de désherbage intercep Naïo Technologies Ted V1. © Ecophytopic

L’objectif du projet NextGen’Viti (NGV) est d’obtenir un indicateur de fréquence de traitements (IFT) phytosanitaires bas. Les équipes souhaitent éliminer complétement les herbicides et les insecticides, excepté en cas de traitement obligatoire de la flavescence dorée imposé par l’État. Quant aux fongicides, la réduction visée est d’au moins 60 %. « Le but est de n’utiliser ces phytosanitaires qu’en dernier recours, tout en gardant des résultats agronomiques et économiques acceptables, via des principes agroécologiques et la baisse de l’utilisation d’énergies fossiles », explique Christophe Gaviglio, ingénieur à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Durant les quatre années d’essai déjà réalisées, les équipes ont remarqué que, par rapport à la parcelle de référence, la parcelle NGV était égale ou inférieure en IFT total, et très nettement inférieure en IFT conventionnel. « Nous ne sommes pas toujours à au moins 75 % de réduction d’IFT, mais nous y travaillons », assure l’ingénieur. Les indicateurs ont montré une forte sensibilité aux conditions annuelles, qui peuvent impacter l’état du feuillage avant la récolte. « Nous réussissons à maîtriser l’IFT et à avoir une récolte, mais en termes d’état du feuillage, il y a des différences, détaille le professionnel. Nous n’avons pas une maîtrise totale comme sur le système de référence, mais nous avons une marge de progrès. » Enfin, les rendements et points de récolte sont inférieurs sur les systèmes à bas niveau d’intrants par rapport au système de référence, notamment en 2021 où il a beaucoup plu en été. « Cette année-là a été particulièrement difficile, elle illustre la sensibilité au climat pour mettre en œuvre des stratégies à très bas niveau d’intrants », précise Christophe Gaviglio.

L’introduction d’un robot de désherbage

Deux nouvelles technologies sont principalement testées. Pour entretenir les sols au niveau du rang de vignes, les équipes ont utilisé deux versions du
robot de désherbage Ted, développées par Naïo Technologies. « Par rapport à l’entretien du rang de vignes, le désherbage mécanique peut être une substitution acceptable au désherbage chimique, affirme l’ingénieur. Mais la limite, c’est le temps de travail et la consommation énergétique associés à cette pratique… La robotique se place en substitution sur ces deux inconvénients. » Par hectare, Ted demande deux à trois heures d’intervention mais n’a pas besoin d’être rechargé durant la journée. Son coût d’utilisation est fixé à environ 20 000 € par an.

Biocontrôle et pulvérisation fixe, un duo gagnant

Le second changement notable est l’installation d’une pulvérisation fixe, du fabricant Netafim. Les pulsars pulvérisent, au-dessus de la canopée, une bouillie de produits de  biocontrôle. Selon Christophe Gaviglio, certaines limites sont notables : « Une fois que la canopée est très développée, nous avons une moins bonne interception et répartition de la bouillie ». De plus, la longueur des tuyaux implique des volumes morts et des récupérations de produits importants en bout de chaîne qu’il faut apprendre à gérer. La pression peut également varier dans les canalisations, ce qui peut être problématique pour avoir une pulvérisation de qualité.
Bien que le projet ne soit pas tout à fait terminé (2019-2024), Christophe Gaviglio peut d’ores et déjà en présenter quelques résultats. Le premier constat est que, lors d’années à très haute pression, la lutte biologique et le biocontrôle s’avèrent insuffisants. Le système de pulvérisation fixe a montré son potentiel pour les premiers traitements, mais dès que le feuillage est plus fourni, son efficacité est fortement réduite. Les équipes sont néanmoins satisfaites de l’utilisation combinée de produits de biocontrôle et de la pulvérisation fixe. « Seul le soufre, qui est un produit de biocontrôle utilisé en vigne en début de saison pour lutter contre le black-rot, s’est montré plus difficile à utiliser en pulvérisation fixe et laisse des dépôts », étaye l’ingénieur. Enfin, l’usage de robot a beaucoup aidé à entretenir les sols, mais son équation économique est complexe. Cet outil reste onéreux par rapport à sa mission de désherbage sur le rang.

Léa Rochon

Trois sites viticoles en expérimentation 
Sur les trois sites expérimentés, l’un se situe dans le Beaujolais. © Ecophytopic

Trois sites viticoles en expérimentation 

• Cépage gamay (rouge) dans le Beaujolais : AOP 50 hl/ha et plantation de 8 000 pieds/ha en taille courte avec un objectif qualitatif sur la récolte.
• Cépage braucol (rouge) dans le Tarn : AOP 50 hl/ha et plantation de 
4 500 pieds/ha avec un objectif qualitatif sur la récolte.
• Cépage colombard (blanc) dans le Gers : IGP Côtes-de-Gascogne 100 hl/ha et plantation de 3 500 pieds/ha avec un objectif de production plus élevé.
Mécanismes de réduction des pesticides utilisés
• Enherbement et travail du sol pour une moindre sensibilité aux maladies cryptogamiques.
• Mesures prophylactiques d’aération de la zone de la grappe avec enlèvement des feuilles et éclaircissement.
• Substitution des herbicides par le désherbage mécanique et des fongicides par des produits de biocontrôle appliqués par pulvérisation fixe.
• Limitation de la pénibilité par la robotique.
• Diminution de la pression exercée par les ravageurs grâce à la lutte biologique et au maintien de l’habitat des auxiliaires. 

Christophe Gaviglio : “ Nous prêtons beaucoup d’attention à l’apparition du black-rot ”
Christophe Gaviglio de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) spécialisé en agroéquipement et viticulture de précision.

Christophe Gaviglio : “ Nous prêtons beaucoup d’attention à l’apparition du black-rot ”

Avez-vous remarqué la présence d’oïdium sur les parcelles NextGen’Viti testées ?
Christophe Gaviglio : « S’il apparaît, il est noté. Mais nous prêtons beaucoup plus d’attention à l’apparition du black-rot en début de saison. Au sein du site test installé dans le Sud-Ouest, nous observons également la présence de mildiou, mais nos stratégies sont efficaces pour lutter contre cette 
maladie. »

Quels sont les principaux dégâts observés ?
C. G. : « En 2021, nous avons remarqué beaucoup de dégâts liés au black-rot, tandis que 2022 a été une année plus tranquille en termes de maladies 
cryptogamiques. Cela s’explique par le fait que l’année 2022 a été marquée par un temps sec et des températures excessives. Ce qui a néanmoins entraîné des problèmes de production liés à l’état hydrique de la plante. »

Quel est l’impact des mesures de destruction des sources inoculables* sur les maladies fongiques ?
C. G. : « Par rapport aux thématiques botrytis, l’effeuillage fonctionne bien puisqu’il évite une accumulation d’humidité. L’élimination des feuilles sur lesquelles nous avons des symptômes est intéressante, mais la quantité de travail à déployer est colossale. » 
Propos recueillis par Léa Rochon

 

 

* Caractère d’un germe ou d’une maladie qui peuvent être transmis par inoculation.

Favoriser l’activité  des chauves-souris
L’installation de nichoirs permet de pérenniser la présence de chauves-souris. © Ecophytopic

Favoriser l’activité  des chauves-souris

Au cours du projet NextGen’Viti les équipes de recherches favorisent les auxiliaires de cultures, via la présence de chauve-souris. « Nous facilitons les nichées de chauve-souris, car ces animaux sont les prédateurs des papillons eudémis et cochylis qui pondent sur les grappes et provoquent des dégâts sur la récolte », explique Christophe Gaviglio, avant d’affirmer que cette activité de prédation minimise le besoin en traitement de la parcelle. Pour caractériser les vols de chauves-souris au-dessus des parcelles  d’essais, les équipes ont utilisé un enregistreur ultrasons Peersonic. Les enregistrements ont montré que les vols sont concentrés sur des axes déterminés par le paysage et la présence de haies d’arbres et d’abris possibles. « L’activité de prédation des chauves-souris concerne l’ensemble de la parcelle, mais elle est inférieure en son cœur, détaille l’ingénieur. Cette baisse de fréquentation est due au fait que ces endroits sont éloignés des structures repères des chauves-souris. » 
L. R.