Réseaux sociaux
Alexandre Morel influenceur agricole sur Tik Tok
En bleu de travail, les bottes aux pieds en train de conduire les vaches au pré accompagné de ses bosserons, à première vue, Alexandre Morel est un jeune agriculteur comme les autres. Pourtant, sur les réseaux sociaux, ses vidéos cumulent plusieurs milliers de vues et plus de 85 000 abonnés.
Bientôt installé en Gaec avec son père, Alexandre Morel élève 70 vaches laitières montbéliardes et simmentales en AOP comté à Verjon dans l’Ain. Il y a deux ans, dans le cadre d’un devoir à rendre durant ses études, il a publié sa première vidéo sur Instagram. « Ça m’a plu et j’ai vu que ça marchait », se souvient-il. Plus tard, pendant le confinement, il s’est inscrit sur Tik Tok, un autre réseau social. Au début, il ne fait que surfer sur les vidéos des autres, puis se met à en publier petit à petit. « J’ai commencé par expliquer mon quotidien, puis avec les manifestations agricoles qui ont débuté en Allemagne l’année dernière, j’ai aussi raconté nos difficultés en tant qu’agriculteur. » Et son smartphone l’accompagne partout, en saison l’été, dans la cour de ferme ou sur son tracteur. S’il ne manque jamais une occasion de le dégainer pour publier une vidéo, il ne prépare jamais à l’avance ce qu’il va dire. Particulièrement à l'aise à l'oral, il peut se permettre d'improviser. « C’est un peu comme je le sens, sur le moment », avoue-t-il.
Bientôt installé en Gaec avec son père (au milieu) sur la ferme familiale à Verjon, Alexandre Morel (à gauche), peut aussi compter sur la présence de son frère dans ses vidéos. ©MB
Le jeune homme signe aujourd’hui plusieurs partenariats
Certes souriant, spontané et naturel, Alexandre Morel est aussi rigoureux sur les réseaux sociaux qu’il l’est dans la vie de tous les jours. Comme il nettoie son tracteur à la brosse à dents, il prend soin de choisir ses moments de diffusion aux heures qui cumulent le plus de connexions : « Soit le matin à 7 heures, soit le soir à 18 heures ou le mercredi après-midi », entre autres. « En moyenne il me faut vingt minutes par vidéo, parfois je réussis du premier coup, mais je peux aussi la refaire plusieurs fois avant qu’elle ne me convienne. J’essaie toujours d’être présentable, mais je n’en fais pas trop non plus, j’essaie de rester authentique », ajoute-t-il.
Un mode de fonctionnement « semi-professionnel » qui lui permet aujourd’hui de signer plusieurs partenariats. Avec le lycée agricole de Montmorot (Jura) tout d’abord où il a fait ses études, mais aussi avec d’autres enseignes comme Adivalor.
En 2023, il remporte un trophée de l’influence
Avec les millions de vues générées par ses vidéos, Alexandre Morel a suffisamment de popularité pour monétiser son contenu. « Environ 200 € en moyenne par mois, mais tout dépend du nombre de vidéos que je fais et du nombre de vues », explique-t-il. Pas de quoi encore s’offrir la voiture de ses rêves, mais au moins d’investir dans du matériel vidéo. Avec l’argent gagné grâce aux réseaux sociaux, il a déjà acheté un drone et peut désormais se filmer avec un iPhone 13 Pro en « mode cinématique ». « Je fais ça parce que j’aime faire des vidéos sur Tik Tok, d’ailleurs quand la plateforme a lancé le mode “monétisé”, je ne m’y suis pas mis tout de suite, puis comme j’ai vu que mes vidéos prenaient, je me suis dit que c’était dommage de ne pas en profiter. »
Magie de l’algorithme, son influence grandit chaque jour. À tel point qu’il s’est aujourd’hui fait un petit nom dans la communauté des influenceurs agricoles français avec lesquels il a parfois noué des relations. « Nous sommes une quinzaine en France environ », comptabilise-t-il. L’année dernière, Alexandre a même remporté le Trophée de l’espoir de l’influence agricole aux Farming Reality et entend reparticiper au concours cette année.
Pas faux-modeste – Alexandre Morel a conscience de son succès – le jeune homme n’en garde pas moins le sens des réalités. Comme il le dit très simplement, « je suis juste un gars qui fait des vidéos et qui vend de la bière au bal ». À tout juste vingt ans, Alexandre Morel a les rêves de n’importe quel jeune homme de son âge, suspendu entre les responsabilités qui l’attendent avec la reprise de l’exploitation à la succession de sa mère, et ses envies d’évasion et de voyages. À l’aise dans ses bottes comme devant une caméra, il sait ce qu’il veut. Le ton tantôt espiègle au côté de son jeune frère Stanislas, tantôt pédagogique, il raconte son quotidien de jeune éleveur.
Deux types d’internautes
Comme souvent sur les réseaux sociaux, ses contenus ne remportent pas toujours le succès escompté et il doit aussi composer avec les invectives de certains internautes. « Certains me disent en message privé qu’ils aimeraient bien m’exploiter comme j’exploite mes bêtes par exemple. Certains aiment bien aussi me tacler parce que je m’affiche avec un gros chenillard alors que je suis en AOP comté, mais je ne filme pas que chez moi et je montre ce que je veux », argue-t-il. Dans ces cas l’envie de rétorquer à chaud n’est jamais bien loin, mais le jeune homme, sans garder sa langue dans sa poche, sait faire preuve de sang-froid et privilégie toujours la pédagogie. Étonnamment peut-être, la grande majorité des internautes qui suivent Alexandre sur ses réseaux ont entre 18 et 30 ans et sont majoritairement domiciliés dans les grandes villes, notamment à Paris. Il rencontre aussi un certain public à l’étranger, entre autres en Belgique, Suisse, Allemagne et même au Canada. Aujourd’hui, le jeune agriculteur cumule plus de 85 000 abonnés. De la cour de ferme à Tik Tok ou de la réalité à la virtualité, il n’y a qu’un bouton sur lequel appuyer, mais Alexandre Morel le clame haut et fort : « Je suis agriculteur avant tout ».
Margaux Balfin
Des projets plein la tête
S’il tente aujourd’hui de nouveaux formats sur les réseaux sociaux – il s’essaye entre autres aux vlog (blog vidéo) avec son frère depuis quelque temps – Alexandre Morel a aussi de nombreux projets pour son avenir d’agriculteur. Son installation à la succession de sa mère est prévue au 1er juillet prochain, mais il n’a pas attendu pour s’investir. Engagé auprès de Jeunes agriculteurs de son canton, il prépare activement la prochaine Fête de l’agriculture qui se tiendra à Treffort en août. Sur sa ferme, il ne manque pas non plus d’inspiration. Avec ses parents, ils ont déjà inauguré une première extension du bâtiment d’élevage cet hiver. Avec son père, il prévoit également d’investir dans un nouveau séchoir en grange et de développer des prestations en itinérance. « L’idée, c’est d’emmener la presse directement chez le client », avance-t-il. Un projet de toiture photovoltaïque est également envisagé. Père et fils recherchent aujourd’hui au maximum l’autonomie alimentaire et prévoient même de s’engager dans la prochaine usine de trituration Nutralp qui sera inaugurée à Bâgé-Dommartin en juin prochain.