FORMATION
« On peut difficilement s’improviser berger »

En France, il n’existe que quelques formations pour devenir berger. En Auvergne-Rhône-Alpes, les CFPPA Reinach de La Motte-Servolex (Savoie), de La Côte-Saint-André (Isère) et de Die (Drôme) proposent un enseignement commun. Barnabé Achard est le responsable de cette formation berger-vacher d’alpage.

« On peut difficilement s’improviser berger »
Aujourd’hui, environ 80 % des bergers sont salariés. Un métier très complexe qui demande beaucoup de technicité, indique Barnabé Achard, responsable de formation berger-vacher d’alpage. ©DR

Depuis la création de la formation, il y a bientôt vingt ans, observe-t-on une professionnalisation du métier de berger ?
Barnabé Achard : « Oui, on peut le dire. Avant, le gardiennage, c’était soit l’éleveur, soit quelqu’un de la famille, alors qu’aujourd’hui, environ 80 % des bergers sont salariés. Et c’est un métier très complexe. Pour avoir des animaux en bonne santé, productifs, garder une ressource d’alpage suffisante année après année... tout cela demande beaucoup de technicité. Et il faut aussi beaucoup de débrouillardise, être autonome, très organisé, avoir le sens des responsabilités et savoir communiquer. Ça reste possible de se former sur le tas en commençant par être aide-berger mais on peut difficilement s’improviser berger ! » 

Sans compter que le retour du loup rend le gardiennage essentiel...
B. A. : « C’est aussi une dimension du métier qu’on réapprend avec la prédation. Il faut faire des parcs, systématiquement regrouper le troupeau, avoir des chiens de conduite, gérer les meutes de chiens de protection de certains éleveurs. C’est un aspect qui prend de plus en plus de place dans notre formation. »

La professionnalisation est aussi soutenue par les pouvoirs publics, à travers notamment les aides aux formations, au gardiennage...
B. A. : « Effectivement. Sur les filières ovine et caprine, par exemple, le plan loup est un vrai levier pour avoir plus de bergers salariés. Mais il y a des efforts à faire sur certains aspects du métier. Notamment les logements, qui sont encore souvent sommaires, sans eau, ni électricité, ni douche. Quand les jours de mauvais temps s’enchaînent à 2 000 m d’altitude, une douche chaude ça n’est pas du luxe, ça permet de garder le moral ! Plus généralement, c’est un métier qui est encore peu valorisé, alors qu’il demande un investissement important, avec des horaires difficiles, une vie saisonnière pas toujours simple à gérer. »

Malgré tout, les candidats à cette formation sont nombreux chaque année. Quels sont vos critères de sélection ?
B. A. : « Les premiers critères de sélection vont être la maturité du projet, la connaissance du milieu pastoral et plus généralement de l’élevage. C’est un métier qui fait rêver mais quand on prend conscience de la durée, de la fatigue, du travail, des conditions météos... on est loin de l’image du berger contemplatif, la paille au bec. » 

Propos recueillis par Pauline De Deus

Une formation  de six mois

Dispensée entre mai et décembre, la formation dure six mois. Elle a lieu en itinérance sur les quatre départements de l’arc alpin (Savoie, Drôme, Isère et Haute-Savoie), en partenariat avec leurs services pastoraux. Elle s’articule autour de quatre blocs de compétence : prendre soin des animaux, adapter la conduite du troupeau à la ressource fourragère, gérer sa vie en milieu difficile et traire les vaches en alpage. Durant la saison estivale, les élèves réalisent huit semaines de stage en alpage. 

Leur avis

Ils ont intégré la formation cette année

Début mai, douze candidats ont rejoint la formation berger-vacher d’alpage au lycée agricole Reinach à La Motte-Servolex. Des hommes et des femmes aux parcours souvent atypiques, animés par leur goût du grand air, de l’élevage et leur amour de la montagne.

Laurent Tauleigne, 58 ans, originaire de Tarentaise
« Plus jeune, je voulais devenir guide de haute montagne, puis j’ai eu l’opportunité d’entrer dans le groupe Salomon. J’ai ensuite été manager pendant 19 ans chez Nestlé. Le travail me plaisait mais, depuis quelques années, j’avais besoin d’un nouveau challenge, d’apprendre autre chose... J’ai pensé au gardiennage de moutons et une expérience auprès d’un berger m’a conforté dans ce choix. Le travail avec les animaux m’intéresse, je vais d’ailleurs régulièrement donner des coups de main à une voisine qui a des brebis. Pour la partie bovin j’ai plus d’interrogations, mais je ne me ferme aucune porte. Je ne sais pas exactement où va me mener cette expérience, mais c’est aussi ça qui est intéressant ! »


Marion Soullier, 23 ans, originaire de Bretagne
« J’ai un parcours très varié : un bac d’art puis une année aux Beaux-arts, un an de woofing dans des fermes, un diplôme en production horticole, avant de passer par la fac de lettres puis de devenir auxiliaire de vie à plein temps. Dans ce travail, j’était au bord du burn-out... Le métier de berger me tentait et je me suis dit que c’était le bon moment ! Pour l’instant la formation me conforte dans mon choix. Les premières manipulations de brebis m’ont paru assez instinctives, ça m’a rassurée. À l’issue de la formation, l’idée est de faire plusieurs saisons comme bergère le temps de mûrir mon projet et d’avoir plus d’expérience. Ce que je voudrais, dans quelques années, c’est ouvrir ma ferme en maraîchage... L’agriculture c’est un peu ma maison, c’est là où je me sens bien ! »

Anaïs Boonen, 28 ans, originaire de Belgique
« Après un parcours universitaire dans le secteur culturel, j’ai été fonctionnaire dans la province de Liège quelques années. Fin 2020, je suis partie faire un long voyage à pied, à travers la France et l’Espagne. C’est aussi à cette période que j’ai connu mes premières expérience d’élevage. Un an plus tard, j’ai démissionné et commencé à faire des saisons dans différents secteurs. C’est un rythme qui me convient, j’aime voyager, mais je veux faire un travail saisonnier qui me plaît. Le caractère simple de la vie en montagne, tout en me rendant utile au troupeau, ça me semble être la clé ! Je suis contente de prendre le temps d’acquérir les compétences nécessaires au métier de berger. Depuis le début de la formation, ce qui me frappe c’est à quel point l’apprentissage est diversifié. J’ai l’impression que c’est infini ! Pourtant il n’y a plus la notion de travail telle que j’ai pu la connaître quand j’étais fonctionnaire... Je suis dans un environnement que j’aime. »