Pastoralisme
CNR : l’activité pastorale comme  mode d’entretien des digues du Rhône

Faire revivre le pastoralisme en vallée du Rhône : telle est l’ambition de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) depuis une dizaine d’années. Elle confie aux éleveurs et troupeaux du territoire l’entretien de ses digues 
et de ses berges.

CNR : l’activité pastorale comme  mode d’entretien des digues du Rhône
Cet automne, plus de 5 500 bêtes (ovins et caprins réunis) ont entretenu les berges et digues des sept aménagements de la CNR, ici à Beauchastel (Ardèche). ©Terraterre

Concessionnaire du Rhône depuis 1934 et aménageur des territoires, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) est le premier producteur français d’énergie 100 % renouvelable issue de l’eau, du soleil et du vent. Dans le cadre de ses plans de missions d’intérêt général, la CNR a confié l’entretien de ses digues et de ses berges à des éleveurs locaux et à leurs troupeaux. « Nous avons à cœur de jouer un rôle de soutien à la filière agricole », présente Priscilla Gonzales, chargée de mission environnement à la direction territoriale Rhône Saône de la CNR. La gestion pastorale concerne ainsi un vaste territoire, de Pierre Bénite (Rhône) à Vallabrègues (Gard), en passant par Saint-Vallier, Beauchastel, Montélimar, Logis-Neuf et Avignon, soit 570 hectares pâturés. « La CNR a la volonté, à l’échelle de la vallée du Rhône, de faire en sorte que les berges du Rhône soient réappropriées par l’activité pastorale. Nous avons besoin d’un entretien de végétation très strict de nos digues qui sont nos ouvrages de sûreté sur lesquels nous faisons des observations qui nous permettent de déceler, si besoin, d’éventuels soucis. Nous veillons ainsi à ne pas détériorer la construction des digues, en évitant notamment le développement des ligneux », détaille Priscilla Gonzales.

Limiter les interventions mécaniques

Ainsi, depuis de nombreuses années, la CNR contractualise avec des éleveurs par le biais du bureau d’études Terraterre, spécialisé dans l’aménagement du territoire rural, la mise en avant des enjeux agricoles et la gestion pastorale. « En 2012, la direction régionale Rhône Isère, basée à Bourg-lès-Valence, nous a contactés à la suite d’interrogations sur des alternatives à l’entretien de végétation mécanique par des troupeaux. L’objectif était de réduire les coûts liés aux interventions mécaniques et d’avoir une gestion moins interventionniste sur la végétation, tout en étant dans des secteurs fréquentés et où la pose de clôtures n’est pas possible pour permettre le déplacement des agents de la CNR », explique Karine Martin, gérante de Terraterre. Après des études de faisabilité et la réalisation de plans de gestion, les premiers troupeaux sont arrivés en 2014. « Depuis, les troupeaux, ovins ou mixtes ovins-caprins, interviennent à deux reprises au cours de l’année, au printemps puis en automne. Cela permet de répondre à des contraintes de certains éleveurs qui manquent de foncier », précise Karine Martin.

Des interventions biannuelles encadrées

Pour autant, le pastoralisme en bordure de Rhône présente quelques contraintes pour les éleveurs : « le domaine de la CNR est libre d’accès par tous les usagers de la nature, hormis les véhicules à moteur. Du fait de la libre circulation, beaucoup de promeneurs ou de joggeurs se baladent avec leurs animaux, ce qui peut avoir un impact important sur l’activité pastorale, et notamment des problèmes de cohabitation avec les chiens de troupeau. C’est pourquoi les éleveurs ne sont pas autorisés à amener des chiens de protection, mais seulement des chiens de conduite », ajoute Priscilla Gonzales. Aujourd’hui, les digues et berges de la CNR sont entretenues en priorité par le pastoralisme. « Nous demandons la consommation la plus complète possible des différentes strates, à commencer par la strate herbacée et les rejets de ligneux. 
Cependant, le troupeau ne va pas consommer toutes les espèces. C’est pourquoi nous utilisons encore l’entretien mécanique pour la gestion des refus », indique Priscilla Gonzales. « Le cahier des charges stipule de contraindre le troupeau, sans l’affamer, pour qu’il consomme au maximum les espèces invasives et/ou exotiques comme le robinier, la renouée du Japon, le cornouiller sanguin, le peuplier, l’amorpha, etc. », ajoute Karine Martin. Depuis 2014, la gestion pastorale des digues de la CNR a conduit à une véritable montée en compétences, avec des prélèvements de plus en plus importants. « Au départ, les éleveurs et les bergers étaient assez frileux sur la capacité des troupeaux à venir manger sur les digues, pour des raisons de boiteries, de mortalité, etc. L’expérience nous montre qu’il n’y a pas plus d’incidence que sur des parcours de pâturage classiques », conclut l’experte agricole. L’arrivée du pastoralisme sur les berges du fleuve Rhône joue également un rôle pédagogique auprès des autres usagers de la nature, les riverains redécouvrant le plaisir des promenades dans un environnement vivant et naturel. 

Amandine Priolet

EN CHIFFRES /
La gestion pastorale de la CNR, c’est :
7 aménagements ; 570,53 ha pâturés
Au printemps : 4 881 brebis ; 292 chèvres
À l’automne : 5 198 brebis ; 410 chèvres

PRÉSERVATION

Une gestion pastorale en faveur des orchidées

Dans le cadre du développement du pastoralisme en vallée du Rhône, deux aménagements de la CNR sont au cœur d’un programme tout particulier. En effet, « nous faisons de la gestion pastorale sur des sites en faveur de la préservation des orchidées, à Arras-sur-Rhône (Rhône) et à Sablons (Isère) », explique Priscilla Gonzales, chargée de mission environnement à la direction territoriale Rhône Saône de la CNR. Sur ces deux sites se trouvent de nombreuses espèces d’orchidées et des populations assez importantes. « Nous sommes donc entrés en partenariat avec la société française d’orchidophilie Rhône-Alpes (SFO RA) pour travailler sur la préservation de la ressource et des habitats », poursuit-elle. Jusque-là, le site d’Arras-sur-Rhône était trop régulièrement entretenu, empêchant ainsi l’expression des orchidées.
À Sablons en revanche, les populations d’orchidées étaient menacées par la dynamique des ligneux, due à un manque d’entretien. Après avoir effectué une expérimentation sur la mise en place des fauches tardives, la CNR teste actuellement les effets de la gestion pastorale sur ces sites. « La gestion pastorale doit viser la période de développement de la végétation qui correspond aussi à la période de développement des orchidées.
La gestion pastorale peut avoir un impact important sur les orchidées vis-à-vis de la consommation du troupeau et du piétinement », alerte Priscilla Gonzales. De ce fait, les critères de dimensionnement du troupeau, de période et de durée du pâturage, doivent permettent de définir les pratiques les moins impactantes sur les populations d’orchidées. Pour ce faire, des suivis floristiques sont régulièrement réalisés par la SFO RA.

A. P.

“ Cela m’a permis d’augmenter mon cheptel ”
Nicolas Bos, éleveur à Crépol (Drôme), fait une heure de route pour emmener, deux fois par an, son troupeau ovin et caprin pâturer les berges et digues de la CNR. © AD_SS

“ Cela m’a permis d’augmenter mon cheptel ”

Grâce aux surfaces pâturées le long des digues et berges du Rhône contractualisées avec la CNR, Nicolas Bos, éleveur ovin dans la Drôme, a pu augmenter la taille de son troupeau.
Éleveur à Crépol, en Drôme des collines, Nicolas Bos est à la tête d’un troupeau ovin et caprin. « Avec 80 hectares de SAU, j’étais un peu restreint pour faire pâturer mes bêtes. De plus, j’envisageais d’augmenter la taille de mon cheptel. Mon cousin, éleveur également, m’a parlé d’une convention de partenariat avec la CNR. J’ai donc déposé ma candidature », explique-t-il. Ainsi, depuis 2016, il fait pâturer ses bêtes le long des digues de la CNR. « J’ai commencé à emmener mes bêtes sur l’aménagement de Montélimar mais cela devenait trop compliqué avec les autres usagers (cyclistes, promeneurs avec des chiens, etc.). Finalement, le secteur de Logis-Neuf (Drôme), plus calme, s’est libéré. J’amène donc mon cheptel là-bas deux fois par an, depuis trois ou quatre saisons, périodes à laquelle j’embauche un berger », explique Nicolas Bos. 
Il participe ainsi à l’opération de pâturage des digues et berges de la CNR grâce à ses 700 brebis et 35 chèvres, entre le 1er avril et le 15 juin, puis deux mois dans l’automne. « Pendant ces périodes-là, je sais que je suis tranquille. Mes bêtes ont de quoi se nourrir sur une longueur de 11 km. Entre deux, je les emmène en estive en Savoie. Durant l’hiver, je leur donne du foin en provenance de mes prairies », précise-t-il. « Clairement, ce contrat avec la CNR a été une bonne opportunité qui m’a permis d’augmenter mon cheptel. Si je n’avais pas trouvé ces surfaces de pâturage supplémentaires, je n’aurais pas pu agrandir mon troupeau », conclut-il. 

A.  P.