Circuits courts
Entre producteurs et consommateurs, la confiance s'installe

Durant la période de confinement, consommateurs comme producteurs ont bousculé leurs habitudes. La mise en place de systèmes de drive, les livraisons à domicile et l’affluence des clients dans les magasins de producteurs en attestent.
Entre producteurs et consommateurs, la confiance s'installe

S'adapter. C'est ce que tout un chacun doit faire en cette période de confinement liée à la pandémie du Covid-19. Il convient alors pour tous de modifier ses habitudes et de bousculer ses emplois du temps parfois bien cadrés. C'est le cas pour les consommateurs certes, mais aussi pour l'ensemble des producteurs locaux qui n'ont d'autres choix que de trouver de nouvelles méthodes de vente.
Le drive, par exemple, fait ses preuves et n'est plus réservé aux grandes et moyennes surfaces (GMS). « Le drive des Artisans », mis en place par l'association Cœurs Gourmands, en témoigne. « L'annonce de la fermeture des restaurants était dramatique pour les artisans et les petits producteurs. Il fallait trouver une solution pour sauver leur activité », annonce Frédéric Bau, directeur de la création chez Valrhona, à l'initiative de ce concept.
Ainsi, une douzaine de fromagers, producteurs de fruits et légumes, restaurateurs, chocolatiers, pâtissiers... se sont réunis pour ravitailler les habitants du bassin de Tain-Tournon. « Nous sommes tous des artisans du goût et il était impensable que toutes ces personnes, qui nous donnent du bonheur toute l'année, crèvent... », alerte-t-il.

Le drive, élargi aux producteurs et artisans

Une douzaine de fromagers, producteurs de fruits et légumes, restaurateurs, chocolatiers, pâtissiers... se sont réunis pour ravitailler les habitants du bassin de Tain-Tournon. Une douzaine de fromagers, producteurs de fruits et légumes, restaurateurs, chocolatiers, pâtissiers... se sont réunis pour ravitailler les habitants du bassin de Tain-Tournon.Une douzaine de fromagers, producteurs de fruits et légumes, restaurateurs, chocolatiers, pâtissiers... se sont réunis pour ravitailler les habitants du bassin de Tain-Tournon.

Ainsi, du mercredi au samedi, les consommateurs peuvent passer leurs commandes sur le site de l'association, puis aller retirer leurs produits devant les enseignes Intermarché à Tain-l'Hermitage ou à Saint-Jean-de-Muzols. « Cela permet de réduire les points de vente, ainsi que les allées et venues. Les consommateurs jouent le jeu, tout comme les restaurateurs qui proposent des menus peu onéreux en semaine. » En moyenne, environ 320 commandes sont passées chaque week-end, avec un pic à 440 pour la période de Pâques. « L'idée est bien d'aider les artisans et producteurs à écouler leurs stocks et à maintenir une activité, même s'ils sont loin de leur chiffre d'affaires habituel. Il faut maintenant espérer que cette période serve à quelque chose et que les clients prennent conscience de la chance qu'ils ont d'avoir des artisans et des producteurs locaux autour d'eux... », conclut Frédéric Bau.
D'autres structures misent sur la livraison à domicile. C'est le cas de la SARL Valla Fruits, à Saint-Marcel-lès-Valence : « Avec le bouche-à-oreille et l'effet des réseaux sociaux, ce nouveau système de vente a explosé : de 150 paniers la première semaine, nous en sommes aujourd'hui à 400, avoue Frédéric Valla. Nous ne pouvons d'ailleurs pas aller au-delà car cela réclame une logistique importante : préparation des paniers, des tournées, chargement du camion... ». Victime de son succès, « La ferme des Blancs - Les Vergers de Marcelle » a même dû employer quelques connaissances, actuellement en chômage partiel. « Par la force des choses, et pour répondre à une demande d'une certaine tranche d'âge, nous réfléchissons à poursuivre les livraisons à domicile après le confinement », prévient Frédéric Valla.

La livraison, une demande forte du marché

Sébastien Bost, gérant de La Ferme Eurreuse, a également mis en place un système de livraison de ses fromages. C'est son épouse, Agathe, qui assure la distribution des commandes : « Nous avons créé un site internet sur lequel est référencé l'essentiel de nos produits. Ma femme s'occupe des livraisons, à raison de deux fois par semaine », indique-t-il. Une solution qui s'est avérée indispensable dans ce contexte : « Nous travaillons en grande majorité avec la cuisine centrale de Valence. Etant donné que tout est à l'arrêt actuellement, il nous fallait trouver d'autres réseaux de distribution », explique Sébastien Bost. Au regard du succès enregistré, le couple d'agriculteurs s'interroge sur la suite à donner à cette initiative, bien au-delà du confinement : « On se rend compte qu'on répond à une forte demande du marché, les gens en sont satisfaits. Ainsi, on se pose la question de savoir si nous allons poursuivre, après le confinement, nos livraisons ».

La Ferme Eurreuse s'est lancée dans la livraison de ses fromages dans plusieurs communes autour d'Eurre. La Ferme Eurreuse s'est lancée dans la livraison de ses fromages dans plusieurs communes autour d'Eurre.

Les magasins de producteurs profitent également de cet élan pour le manger local. Sébastien et Agathe Bost proposent aussi leurs produits à Loriol-sur-Drôme (A travers champs) et à Crest (La Charrette). Et le constat est sans appel : « Les achats ont augmenté dans ces points de vente. Si le nombre de clients reste proportionnel à la normale, on s'aperçoit en revanche que le panier moyen augmente ».
Quant aux producteurs qui privilégient la cueillette à la ferme, là encore l'adaptation est de mise. « Ce mode de fonctionnement est interdit mais certaines dérogations ont été mises en place par certains départements en ayant fait la demande, comme c'est le cas en Ile-de-France. En revanche, nous n'avons pas eu de remontées particulières à cet égard sur notre département », note Séverine Mounier, en charge des circuits courts à la chambre d'agriculture de la Drôme. « La réglementation actuelle n'autorisant pas les libres cueillettes, nous récoltons pour vous », ont par exemple annoncé Jean-Louis et Christine Chizat, gérants de La Cueillette de L'Herbasse à Granges-lès-Beaumont, sur leur site internet. Un système de drive est ainsi proposé à la ferme.

Les caveaux résistent tant bien que mal

Au caveau de la cave coopérative Costebelle, à Tulette, on regrette forcément les visiteurs : « A cette période, nous recevions généralement des clients du Cantal ou de l'Isère, qui venaient passer la journée et profitaient de cette sortie pour s'arrêter au caveau », prévient Michèle Delevaux, la responsable. Pour autant, la cave reste ouverte tous les matins, afin « de permettre aux clients de venir chercher leurs commandes ». Pour David Contensuzas, gérant du Domaine Almoric à Allan, la situation est là aussi délicate : « L'activité est moindre du fait de l'absence de la clientèle de passage. Tant que les gens ne pourront pas se déplacer, ce sera compliqué de relancer l'activité. Pour le mois de mars, nous avons enregistré une baisse de 40 % de notre chiffre d'affaires ». Malgré tout, le Domaine Almoric peut s'appuyer sur des clients fidèles. « Nous tenons, du lundi au samedi, une permanence de 11 h à 12 h 30 pour pouvoir répondre aux commandes de nos clients habituels, qui continuent de venir. Ceux qui ne pourraient éventuellement pas se déplacer durant ces créneaux peuvent venir sur rendez-vous. D'autre part, nous avons l'avantage de pouvoir travailler avec des distributeurs (GMS), ce qui nous permet d'assurer un minimum de vente », souligne-t-il.
Une situation somme toute inédite qui permettra peut-être aux consommateurs d'acheter davantage des produits frais et locaux et soutenir, ainsi, les producteurs de la région qui ont dû s'adapter à de nouveaux modes de commercialisation.

Amandine Priolet

Témoignages /

Comment consomment-ils au temps du confinement ?

Marianne, Les Tourrettes, prothésiste dentaire : « Je me fais livrer mes fruits et légumes à domicile »
" Je prenais habituellement mes courses au drive mais, avec le confinement, il manquait beaucoup trop de produits. J'ai donc choisi d'aller dans la grande surface la plus proche pour me procurer les produits de première nécessité. Sinon, je me fais livrer mes fruits et légumes locaux à domicile, que j'ai préalablement choisi sur le site internet de mon primeur du village voisin. Nous avons aussi créé un jardin potager pendant cette période de confinement. Enfin, en ce qui concerne la viande, nous allons chez le boucher le plus proche, même si nous y allons moins souvent que d'habitude. "
Patricia, Tain-l'Hermitage, logisticienne
" Dès le début du confinement, j'ai privilégié l'usage du drive afin d'éviter d'aller au supermarché. En complément, pour le frais, j'ai continué de me rendre sur un point de vente directe où tous les produits proposés sont locaux. Avec l'affluence, les commandes pour le drive sont devenues de plus en plus compliquées car la plupart des créneaux horaires étaient indisponibles. Aussi, je me suis réorientée vers des distributeurs locaux à savoir une petite épicerie bio, mon point de vente directe habituel ainsi que le marché le samedi matin. "
Christine, Valence, jeune retraitée
" J'ai toujours privilégié les achats de proximité, hors des grandes surfaces. Le confinement n'a donc pas fait changé mes habitudes. Comme j'ai désormais davantage de temps, je fais mes courses plusieurs fois par semaine pour avoir des produits très frais. Près de mon domicile, il y a une épicerie bien achalandée. Et je vais aussi au marché de mon quartier. Et puis, nous avons un jardin, ce qui nous procure beaucoup de plaisir et de bons produits. "

 

L'agritourisme en souffrance

Angélina Mroz, à la tête de La Table d'Angèle - Ferme Mroz, regrette que la Région n'aide pas les fermes auberges pendant cette crise sanitaire. Angélina Mroz, à la tête de La Table d'Angèle - Ferme Mroz, regrette que la Région n'aide pas les fermes auberges pendant cette crise sanitaire.
Alors que le déconfinement se profile, il est encore bien difficile d'imaginer ce qu'il se passera dans les mois à venir. Pour autant, la saison touristique débute généralement au mois d'avril pour les nombreux gîtes, fermes auberges... de la Drôme. La Table d'Angèle - La Ferme Mroz, située à La Motte-Chalancon, propose depuis plus de dix ans trente couverts. Si les lieux sont désertés en cette période de confinement, l'avenir est encore flou. Et les aides ne sont pas au rendez-vous. Angélina Mroz, la gérante de la ferme auberge, s'offusque de voir que La Région ne se préoccupe pas de la survie de l'agritourisme. « La Région a mis en place un plan d'urgence spécifique au tourisme et à l'hébergement. Si nous sommes considérés comme restaurateurs, ce qui nous obligent à fermer en cette période, nous ne disposons pas du bon code NAF* aux yeux de la Région. Pourtant, la restauration traditionnelle en fait partie. Je pense qu'il n'y a rien de plus traditionnel qu'une ferme auberge ! Malheureusement, dans ce contexte, nous ne pouvons pas bénéficier de l'aide. Nous sommes nombreux, agriculteurs, à avoir développé l'agritourisme sur nos fermes, notamment sur des territoires reculés. Aujourd'hui, c'est scandaleux de ne pas être soutenus. Nous sommes les oubliés dans l'histoire », conclut-elle.
A. P.
* NAF : nomenclature d'activité française.