Eleveurs ovins : des trajectoires singulières pour assurer la relève
Confrontée au vieillissement de ses éleveurs, la filière ovine bénéficie pourtant d’un taux de renouvellement plus dynamique que d’autres secteurs. Un phénomène analysé récemment à l’occasion de la conférence Grand Angle ovin proposée par l’Idèle (Institut de l’élevage).

Traditionnellement organisé en présentiel, le cycle de conférences « Grand Angle » proposé par l’Idèle s’est tenu à distance en mai dernier. La filière ovine a ouvert le bal de cette série 2021 où une fois n’est pas coutume, de nombreux thèmes ont été balayés (état du marché, impact du Brexit, organisation du travail, techniques de pâturage, alimentation, sélection…). A l’heure, où la moitié des éleveurs ovins ont plus de 50 ans, la question du renouvellement des générations a fait l’objet d’un focus approfondi. « Travailler sur l’attractivité du métier, la compétitivité et la vivabilité est un enjeu majeur si nous voulons assurer un avenir à la filière ovine française », indique Brigitte Singla, éleveuse de brebis laitières dans l’Hérault, présidente de la commission filière ovine de l’Idèle et secrétaire générale de la FNO. Pour disposer d’une vision objective des forces en présence, Christophe Perrot, chargé de mission économie et territoires à l’Idèle, a passé au crible les données de la MSA enrichies par celles de la BDNI : « Le point de départ de ces travaux s’explique par des résultats déroutants des analyses MSA qui signalent des singularités du secteur ovins-caprins. En effet, entre 2010 et 2019, cette population n’a diminué que de 0,2 % par an contre 1,3 % pour les agriculteurs en général.
Le secteur ovins-caprins bénéficie du meilleur taux de remplacement, de l’ordre de 80 à 100 % quand le secteur bovins lait et mixte plafonne autour de 50 % ». Un travail d’analyse et d’isolement des données, entre ovins et caprins notamment, a permis d’affiner cette approche démographique.
Un turn-over plus important
Au final, on arrive en ovins viande à un taux de remplacement (entrants/sortants) de 94 % et un taux de renouvellement de 9 % avec toutefois de fortes disparités selon les régions. Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes avec en tête Drôme et Ardèche, sont les territoires où la dynamique d’installations est la plus forte. « Ce taux de renouvellement élevé cache un phénomène de turn-over sensiblement plus important que dans les secteurs bovins lié à une plus grande fréquence des carrières courtes (10-15 ans) voire très courtes (moins de 5 ans) », précise Christophe Perrot. Ce renouvellement est le résultat de 506 installations par an avec des systèmes très différents où les tailles de cheptel varient du simple au triple selon la forme juridique. Si la filière ovine n’échappe pas au vieillissement de ses éleveurs, il est toutefois moins marqué que dans d’autres filières à la faveur de l’allongement des carrières des exploitants en place, de la progression d’installations tardives, fruit de l’arrivée des Nima (lire ci-dessous), et d’installations de jeunes stimulées par une politique agricole commune plus attractive et de politiques à l’installation plus favorables depuis 2013 notamment.
Un décalage entre offres et demandes
Reste que l’enjeu du renouvellement des générations, des actifs et du potentiel de production est bien réel quand on sait qu’entre 24 et 38 % des brebis viande sont actuellement gérées par des éleveurs de plus de 50 ans. Cet enjeu se heurte toutefois à des vents parfois contraires. « Il existe un double décalage : entre les souhaits de nombreux candidats à l’installation et l’offre de fermes où il y a de plus en plus souvent de places (dans une forme sociétaire) à reprendre ; et entre les projets agricoles des récents installés ou certaines trajectoires d’exploitations et les attentes des filières longues pour approvisionner les outils de transformation », analyse Christophe Perrot.
Sophie Chatenet
ZOOM SUR / Nom de code : Nima

N.I.M.A. ou Nima. Encore un acronyme dont est friand l’univers agricole qui désigne les personnes « Non issues du monde agricole » qui font le choix de l’installation en agriculture. En 2017, plus de 62 % des 21 278¹ porteurs de projets qui ont poussé la porte d’un Point infos installation étaient des Nima. C’est dire si une part importante de l’avenir de l’agriculture est entre leurs mains. La Confédération nationale de l’élevage (CNE) a commandé un travail exploratoire pour analyser les parcours de ces publics qui choisissent les filières ruminantes. « On a des parcours et des personnes très variées.
Il n’y a pas de profil spécifique et des apports multiples possibles », explique Alizée Chouteau de l’Idèle. Les seuls dénominateurs communs semblent être la volonté de reconversion. « On retrouve peu de Nima en formation initiale » et la présence d’un déclencheur « inspirant » : un grand-père, un ami, un oncle… qui est ou a été agriculteur.
En quête de sens…
Le projet d’installation est vécu par la plupart des Nima comme un dessein plus large, le choix d’une vie qui répond souvent à une quête de sens. « Leurs projets sont souvent qualifiés d’atypiques. Ils répondent à des souhaits personnels et doivent souvent composer avec des contraintes techniques ou financières sans pour autant correspondre exactement aux offres de reprises ». Dans ce contexte, l’étude a souligné quatre axes de travail majeurs pour ne surtout pas laisser ces nouveaux publics au bord du chemin : mieux s’armer pour accompagner les projets atypiques, simplifier le parcours à l’installation, faire mieux coïncider l’offre et la demande dans le cadre des reprises d’exploitation, et enfin, faciliter leur intégration dans le réseau agricole.
S. C.
* La même année, la MSA répertoriait 13 052 nouvelles immatriculations de nouvelles et nouveaux installés.
Brigitte Singla, présidente de la commission filière ovine de l’Idèle et secrétaire générale de la FNO

TÉMOIGNAGE : « La filière ovine est riche de la diversité de ses systèmes. La demande est forte pour de l’agneau français. Il nous faut donc produire plus et mieux en tenant compte de la durabilité de nos élevages, en maîtrisant nos coûts de production et en travaillant sur la résilience de nos fermes face au changement climatique. La montée en gamme est nécessaire pour atteindre 30 % d’agneaux commercialisés sous signes officiels de qualité contre 17 % actuellement. Pour relever tous ces défis, nous devons nous appuyer sur les programmes de recherche et développement à décliner sur le terrain. »