CONSOMMATION
Les projets alimentaires territoriaux en quête d’adaptation

Les projets de structuration locale des filières alimentaires se sont multipliés et professionnalisés. Les porteurs de projet s’interrogent sur l’introduction de circuits longs, leur coordination nationale et une évolution réglementaire.

Les projets alimentaires territoriaux en quête d’adaptation
Moins de dix ans après leur création en 2014 par la loi d’avenir agricole, on compte désormais 430 projets sur tout le territoire. ©X_Remongin_agri.gouv.fr

L’engouement suscité par le dispositif des projets alimentaires territoriaux (PAT), qui vise à améliorer l’accès des Français à une alimentation durable dans les structures gérées par les collectivités, amène les porteurs de ces initiatives à réfléchir à la façon de s’adapter. « Moins de dix ans après leur création en 2014 par la loi d’avenir sur l’agriculture, on compte désormais 430 projets sur tout le territoire, avec une forte accélération depuis le plan France Relance », s’est réjoui Laurent Duval, le co-président de Terres en villes, lors du premier Carrefour des PAT qui a réuni plus de 300 porteurs de projets le 30 juin à Paris. Selon le coorganisateur de la journée, « sept Français sur dix demeurent sur un territoire porteur d’un PAT, même si peu le savent aujourd’hui ». Constitués initialement pour rapprocher la production de la consommation dans une relation d’économie durable et essentiellement tournés vers l’approvisionnement de la restauration collective en produits locaux, ces dispositifs soutenus par les pouvoirs publics ont vu leur vocation s’élargir à la lutte contre la précarité alimentaire, la promotion de la santé par l’alimentation ou encore l’aménagement foncier. Une évolution qui nécessite d’intégrer l’ensemble des acteurs de la filière alimentaire. « Nous devons faire participer l’ensemble de l’écosystème, la production, la transformation et la distribution et pas seulement les circuits courts », a précisé Laurent Duval en introduction des débats. « Cela constitue une petite révolution intellectuelle, car les projets d’origine étaient militants. Or pour être efficaces, nous avons besoin que les circuits longs entrent dans la dynamique », a poursuivi le coprésident de Terres en Villes qui s’est dit favorable à la création d’une norme pour ce dispositif et à un « France PAT » au niveau national.

Les chambres d’agriculture, partenaires et acteurs

Les chambres d’agriculture, qui accompagnent les trois quarts des projets en France, collaborent de plus en plus avec de nouveaux acteurs, « par exemple avec les associations d’aide alimentaire ou avec les professionnels de la logistique », a relevé Arnaud Delestre, président de la chambre d’agriculture de l’Yonne. « Ces projets s’inscrivent dans les objectifs du projet stratégique des chambres, entre autres, de maintenir le nombre d’actifs agricoles sur les territoires, d’accompagner les transitions agricoles, ou encore de conforter des projets de filières voire d’en construire de nouvelles en fonction des besoins ».

L’éclosion des projets nécessite également d’en renforcer la coordination, ont plaidé différents intervenants. « La métropole de Saint-Étienne et l’agglomération Loire Forez avaient chacune un projet de légumerie pour approvisionner leurs cantines », a témoigné David Fara, vice-président de Saint-Étienne Métropole, en charge de l’agriculture, de la transition agricole et alimentaire. « On a décidé de se parler pour n’en faire qu’une seule ». « La croissance fait qu’on a besoin aujourd’hui d’une véritable plateforme d’échange et de mutualisation entre les projets », a assuré le sénateur du Nord, Frédéric Marchand, coauteur en 2022 avec Dominique Chabanet du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (GAAER) d’un rapport sur l’avenir des PAT à la demande du Premier ministre. « Cela pourrait être utile par exemple pour réfléchir à l’avenir des abattoirs locaux. » L’auteur de la mission d'évaluation a également plaidé en faveur d’une reconnaissance de la compétence des collectivités en matière d’alimentation, une initiative largement soutenue par les porteurs de projet. « Il suffirait pour cela de modifier le Code général des collectivités territoriales en indiquant que les collectivités partagent cette compétence et participent au développement d’un système alimentaire local, durable et résilient et à la lutte contre la précarité alimentaire », a-t-il expliqué. « Cela nous permettrait de mettre en cohérence nos différentes politiques sociales, de disposer d’une plus grande légitimité pour rassembler les acteurs mais aussi de mobiliser plus de moyens financiers et humains », a abondé Frédérique Denis, présidente de la Commission développement durable au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

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