Seul à la tête de l’exploitation familiale basée à Suze, Alexis Gauthier, 21 ans, privilégie des activités diversifiées (poulets de chair, vignes et grandes cultures) pour faire face à l’instabilité et l’insécurité des productions.
Afin de mettre en lumière les jeunes installés, la chambre d’agriculture de la Drôme organise régulièrement des temps forts conviviaux au sein d’une nouvelle exploitation. Le 5 octobre, c’est sur la ferme familiale d’Alexis Gauthier que se sont réunis famille, amis, élus et conseillers départementaux, mais aussi responsables professionnels (Duc, Jaillance, syndicat de la Clairette). Alexis Gauthier, 21 ans, a repris la suite de l’EARL de Chosseon, gérée dernièrement par son père. Après un baccalauréat professionnel obtenu au lycée Val de Drôme, le jeune homme a été salarié sur les deux exploitations familiales, tenues par son père à Suze et par sa mère à Piégros-La-Clastre, de 2018 à 2020. « Je me suis ensuite lancé dans les démarches en vue de mon installation, en me rapprochant notamment de la chambre d’agriculture de la Drôme et du Point accueil installation. Au bout de six mois, j’ai donc rejoint mon père sur l’EARL en juillet 2020, avant de reprendre seul la gérance à son départ à la retraite fin 2020 », énonce-t-il.
Changement de cap
Depuis longtemps, l’exploitation est en polyculture élevage : volailles (années 1960), porcs et truies (dès 1975), atelier vigne lancé en 1980, dindes de chair (1990). « En 2008, les bâtiments d’élevage commençaient à être vétustes. De grosses rénovations ont été réalisées sur les structures pour pouvoir les passer en “poulettes futures repro”, afin de répondre à la demande du volailler Duc avec lequel on travaille depuis de nombreuses années, explique Alexis Gauthier. J’avais fait tout mon prévisionnel sur cette production mais elle s’est arrêtée en 2020 au sein de Duc, faute de débouchés. J’ai donc dû changer ma vision de l’exploitation et passer en poulets de chair. Au bout de trois mois d’exercice, j’ai dû faire un avenant à mon prévisionnel. En effet, les investissements non prévus représentaient 80 000 €, alors que mon prévisionnel d’investissement sur cinq ans était de l’ordre de 50 000 à 60 000 € », explique-t-il.
Aujourd’hui, l’exploitation d’une SAU de 22 hectares comprend donc un élevage de poulets de chair répartis en trois bâtiments d’une surface totale de 2 000 m², un vignoble de 9 ha en AOC Clairette de Die (cépages muscat et clairette) et d’un ha de vigne en renouvellement, et enfin 10 ha de céréales (colza, blé, orge, luzerne, tournesol). « Je travaille également avec ma mère sur son exploitation de 30 ha en grandes cultures, avec l’objectif de garder le foncier au moment de son départ à la retraite ». Une diversification qui permet à Alexis Gauthier d’avoir des rentrées d’argent régulièrement et de réduire les risques. « Dans l’approche des installations et face au facteur risque difficile à prévoir, nous accordons beaucoup d’importance à l’aspect diversification », explique Mathilde Goetz, responsable du pôle entreprise à la chambre d’agriculture de la Drôme.
L’autonomie énergétique en projet
Par ailleurs, en termes de charge de travail, le choix de se lancer en volailles de chair s’avère être un atout aujourd’hui pour Alexis Gauthier. « Cet atelier me permet de me dégager du temps pour être un peu plus autonome sur mes autres cultures », explique-t-il. Seul sur l’exploitation aujourd’hui, il peut toutefois s’appuyer sur les services de son père, retraité, à qui il a fait un contrat saisonnier, ou sur son oncle pour des aides ponctuelles. « J’embauche également des saisonniers pour les vendanges et l’épamprage, par le biais d’Agri Travail (groupement d’employeurs basé à Grâne, ndlr) », souligne Alexis Gauthier.
Cette inauguration a été l’occasion d’évoquer les différentes problématiques des filières, auxquelles les agriculteurs sont aujourd’hui confrontés. La grosse inquiétude provient évidemment des fortes augmentations du prix de l’énergie. Face à cela, le jeune homme envisage de rendre ses bâtiments autonomes en électricité car « ils sont très gourmands en gaz et en électricité. Vu les hausses de prix de l’énergie, la recherche d’autonomie serait un gros avantage sur l’exploitation », dit-il. « Dans de contexte de fortes hausses, nous avons sollicité l’état pour que l’on puisse garder des exploitations viables sur notre territoire et garder des jeunes à l’installation », a prévenu Stéphanie Oliveira, élue à la chambre d’agriculture de la Drôme. Un sujet qui fait d’ailleurs réagir Daniel Gilles, conseiller départemental du canton de Crest : « Face à la conjoncture économique, nous devons être très prudents à ce que l’agriculteur ne soit pas la variable d’ajustement. Tout ne doit pas reposer sur les épaules et sur la trésorerie des exploitants. Ce ne sont pas à eux, ni aux coopératives, de porter cette variable d’ajustement. Il en va aussi de la responsabilité des consommateurs de le prendre à leur charge, afin que les agriculteurs soient rémunérés à leur juste valeur », alerte-t-il, avant de rappeler qu’il y a vingt ans, 30 % des revenus des citoyens de la Vallée de la Drôme étaient consacrés à l’alimentation, contre 8 à 12 % aujourd’hui.