EXPÉRIMENTATIONS
Des leviers afin d’améliorer la fertilité des sols en agriculture biologique
En marge de la 9e édition du Salon Tech&Bio, Joséphine Peigné, enseignante-chercheuse à l’Isara, a présenté diverses solutions afin de prendre soin de son sol en agriculture biologique.
En 2018, Camille Rolland et son père Robert se sont portés volontaires pour implanter du mélilot (légumineuse) dans leur verger de pommes bio situé dans les Hautes-Alpes. Cette expérimentation, menée dans le cadre du projet Absolu* avait plusieurs
objectifs : améliorer la structure du sol, lutter contre les campagnols et offrir une ressoure mellifère. Afin de mener le projet à bien, 6 000 m² de parcelles ont été divisés en deux. Une moitié a servi de témoin et était seulement composée d’un enherbement naturel avec une flore variée, l’autre était composée du mélange de mélilot et de trèfle blanc. Le mélilot a été semé en avril 2019, avec un ajout de trèfle blanc dans l’inter-rang. Au bout d’un an d’implantation, la
population de vers de terre a légèrement augmenté dans le système innovant comportant du mélilot. L’augmentation
la plus significative a eu lieu dans l’inter-
rang. Concernant la dégradation de la matière organique, « la parcelle en test (système innovant, NDLR) et la parcelle témoin ont toutes deux montré une bonne dégradation, surtout sous le rang », explique Joséphine Peigné,
enseignante-chercheuse à l’Isara. Entre février et juin 2020, les responsables du projet ont observé un faible reliquat d’azote minéral au sein des deux
parcelles. Seul le rang en système
innovant en possédait davantage. La
différence majeure est la présence d’azote dans les arbres : cette dernière s’est montrée bien plus disponible dans la plante en système innovant. Les
différentes observations ont également montré que le mélilot engendrait un feuillage plus vert et une meilleure vigueur des arbres.
Le non-labour
en grandes cultures
En agriculture biologique, améliorer la santé de son sol est également possible
à travers les travaux du sol. Lors d’une autre expérience de terrain portée
sur grandes cultures (blé), l’Isara a comparé quatre systèmes de travail du sol différents : un labour traditionnel
(0-30 cm) avec inversion du sol et
rasettes, un labour agronomique
(0-18 cm) avec inversion du sol et sans rasettes, un travail du sol superficiel (0-17 cm) sans retournement et un travail du sol très superficiel (0-7 cm). Après plusieurs années de tests et de pratiques sur des sols sableux, le plus fort taux de matière organique dans le sol a été retrouvé dans le travail très superficiel, quelle que soit la
profondeur de sol mesurée : 22,90 g/kg
sur 0 à 20 cm ; 30,5 g/kg sur 0 à 7 cm ; 22,9 g/kg sur 7 à 15 cm et 19,56 g/kg sur 15 à 30 cm. Cette teneur a drastiquement chuté lorsque le travail du sol se fait en labour traditionnel : 15,53 g/kg sur 0 à 20 cm ; 17,06 g/kg sur 0 à 7 cm ; 16,53 g/kg
sur 7 à 15 cm ; 16,56 g/kg sur 15 à 30 cm. Mais travailler très superficiellement le sol augmente sa prise en masse dans les horizons non travaillés. Cette action nécessite donc de mettre en œuvre des leviers tels que le recours aux couvertures végétales du sol, afin de potentiellement remédier à ce problème par la biologie du sol.
Tester l’apport de compost et de vermicompost
En 2020, un essai mené à Civrieux (Rhône),
a cherché à démontrer les effets d’un apport en digestat, compost et vermicompost de biodéchets sur des cultures d’orge, de sarrasin et de blé. Au début de l’expérimentation, les sols étaient représentatifs des zones de grandes cultures au nord de Lyon : limoneux, sableux et argileux avec texture relativement équilibrée, avec une densité 1,24 (0-10 cm) et 1,40 (10-20 cm) ainsi qu’un pH de 6,3 et une matière organique à 1,53 %. Après deux années d’essai, l’Inrae et l’Isara ont remarqué qu’il n’y avait pas eu d’effet sur la densité du sol (0 à 10 cm), ni sur la rétention en eau et le stockage de la
matière organique. Néanmoins, le compost à forte dose a augmenté de façon
significative le potassium échangeable et le phosphore total. Le même phénomène
s’est produit avec le vermicompost, qui, à forte dose, a augmenté le calcium et le magnésium échangeables et a permis une abondance de lombriciens adultes supérieure au témoin. Selon Joséphine Peigné, l’apport de couverts, de matière organique et les travaux du sol sont autant de leviers capables d’améliorer
la santé du sol. Mais leurs résultats peuvent être contrastés selon les
propriétés et le type de sol. Travailler de concert entre agriculteurs et chercheurs est donc primordial. n
Léa Rochon
* Le projet Absolu (2019-2020) a été financé par le fonds Danone Ecosystem et conduit par l’Itab, en partenariat avec l’Isara, l’Inra, le Grab et la Frab Nouvelle-Aquitaine.