Après une vie faite d’exploits, l’aviatrice régionale Marie Marvingt décède il y a soixante ans dans un relatif anonymat. Retour sur une vie durant laquelle elle a été surnommée « la reine de l’air ».
Ses faits d’armes ont fait d’elle « la fiancée du danger », « la reine de l’air ». Des surnoms que Marie Marvingt a hérité de ses exploits
sportifs dans de nombreuses disciplines : tir, alpinisme, natation, cyclisme... Mais aussi de son engagement militaire et médical, toujours animée par la devise « Savoir vouloir, c’est pouvoir ». Dès son plus jeune âge, à Aurillac (Cantal) où elle est née le 20 février 1875, Marie Félicie Élisabeth Marvingt est initiée au sport par son père, fonctionnaire de La Poste. Félix-Constant mise, en effet, tout sur sa fille et lui apprend à nager en même temps qu’à marcher. La rivière cantalienne Jordanne lui sert alors de bassin d’entraînement. Elle s’aguerrit en y nageant plusieurs kilomètres par jour jusqu’en 1880 où la famille retournera dans leur région d’origine en Lorraine pour s’installer à Metz puis à Nancy.
Championne de natation
Ici, Marie n’en oublie pas son entraînement sportif. Elle ajoute une pincée de jeu dans son programme en s’initiant aux arts du cirque et se révèle être une excellente cavalière et voltigeuse. Ses aptitudes lui permettent même d’être la première femme à réaliser un saut périlleux sur un cheval. Ses exploits ne s’arrêtent pas là. Elle commence, en effet, à faire parler d’elle à Nancy, en étant l’une des premières femmes à décrocher son permis de conduire. Et en 1908, elle va encore plus loin. Même si, depuis 1799, les femmes ne sont pas autorisées à porter des pantalons, et encore moins à participer au Tour de France, Marie brave l’interdit avec filouterie, prenant le départ des 14 étapes du Tour quelques minutes après ses homologues masculins. L’expérience acquise sur des courses précédentes lui permet de boucler la compétition sur les vingt-sept jours impartis tandis que seulement un tiers des hommes la termine... Même si la presse en fait peu écho à l’époque, du fait notamment du caractère non-officiel de la course de 4 488 km, elle devient ainsi, officieusement, la première femme à terminer la Grande boucle et hérite du surnom de « Marie casse-cou ».
À l’aise sur terre, elle l’est aussi dans l’eau. C’est une redoutable nageuse, devenant, en juillet 1906, la vainqueure des 12 km de la traversée de Paris à la nage, dans une combinaison de couleur, qui lui vaut le sobriquet d’« Amphibie rouge ». Depuis 2019, une piscine dans le quatrième arrondissement parisien porte son nom en souvenir de cet exploit majuscule. Elle récidive en 1907, en remportant la traversée de Toulouse à la nage. Elle ira jusqu’à militer auprès du gouvernement pour rendre obligatoire la natation dans les écoles.
Pionnière de l’alpinisme tricolore
Mais ce que la sportive préfère par-dessus tout, ce sont les sports de montagne. En 1903, elle est la première femme à escalader la Dent du géant, ce qui lui vaut une récompense décernée par la reine mère Marguerite d’Italie. Elle étoffe son palmarès sportif en étant, à nouveau, la première femme à accomplir la traversée Charmoz - Grépon en compagnie de deux guides de Chamonix. Elle est alors mise à l’honneur par le magazine français Femina, qui la décrit comme l’une des pionnières de l’alpinisme tricolore. En deux ans, entre 1908 et 1910, elle engrange plus d’une vingtaine de médailles d’or à Chamonix, en ski, en patinage artistique, de vitesse, en saut et même en bobsleigh ! L’ascension de montagnes alpines françaises et suisses, jusque-là pré carré des hommes, ne lui fait pas peur. Sa passion l’incite à s’impliquer dans la création de la première école de ski civile de France. Cette sportive accomplie est distinguée par des pairs qui lui décernent en 1910 la médaille d’or de l’Académie des sports qui, pour la première et dernière fois, attribue ce prix « toutes disciplines » à celle en qui ils voient « la première sportswoman du monde ». Le journaliste Armand Rio y voit, lui, « la fiancée du danger », comme il la qualifie dans l’édition du 15 avril 1913 de Lectures pour tous. Si on fait les comptes, elle cumulerait 34 récompenses dans des disciplines diverses et variées, ce qui ferait d’elle la Française la plus médaillée de l’histoire.
Marie Varnieu
Sport, armée, aviation... Marie Marvingt a brillé dans de nombreuses disciplines et reçu de nombreux honneurs.
En savoir plus sur Marie Marvingt
Plusieurs sites internet retracent l’intégralité de l’histoire de Marie Marvingt et, au-delà de ses exploits de guerre et sportifs, racontent la suite de sa carrière, notamment comme journaliste et conférencière.
Les pieds sur terre, la tête dans les nuages
Marie Marvingt est la première femme au monde à décrocher les quatre brevets de pilote. Elle deviendra Poilue pendant la Première Guerre mondiale.
En parallèle du sport, Marie Marvingt s’initie à l’aviation, d’abord avec un ballon sphérique, à l’aéroclub de France. La jeune femme franchit un cap en apprenant à piloter aux côtés de Blanchet, Bachelard et Barbotte. Elle décroche son brevet de pilote de ballon libre en 1901 et vole accompagnée la même année. En solo, ce sera en 1907, à bord de L’Étoile filante, son propre ballon de 1 200 m3. Elle sera la première femme au monde à décrocher les quatre brevets de pilote (ballon libre, avion, hydravion et hélicoptère). Elle finit par piloter seule son aéroplane monoplan baptisé Antoinette. C’est avec cet appareil qu’elle devient titulaire du brevet de pilote de l’aéroclub de France, et par là même, la troisième femme au monde à obtenir son brevet de pilote. Alors que la Première Guerre mondiale éclate, la jeune femme souhaite s’engager dans l’armée, en tant que pilote.
Sous les traits de Beaulieu
Malgré une réponse négative, elle remplace au pied levé un pilote blessé et soigné par la Croix rouge, où elle exerce en tant qu’infirmière en chirurgie. Elle participe à des missions de bombardements aériens au-dessus de la base aérienne allemande 128 Metz-Frescaty. Un fait d’arme qui lui vaut d’être décorée de la croix de guerre 14-18. Malgré tout, la Grande muette refuse de l’engager et c’est déguisée en homme qu’elle rejoint les tranchées et le 42e bataillon de chasseurs à pied, sous le pseudonyme de Beaulieu. Il faudra à peine six mois pour qu’elle soit démasquée à cause d’une mèche de cheveux rebelle... Mais son expérience sur le terrain militaire et ses études de médecine séduisent le maréchal Foch, qui l’autorise à intégrer le troisième régiment des chasseurs alpins en tant qu’infirmière cette fois et correspondante de guerre, dans les Dolomites. Durant six mois, elle évacue des blessés sur des brancards, à ski... Avant de devenir Poilue, la jeune femme avait planché sur la conception d’un avion ambulance avec l’ingénieur Louis Béchereau. Les plans sont faits et confiés à la société de production des aéroplanes Deperdussin. Mais son dirigeant est accusé de détournement de fonds et fait capoter le projet. Pour elle, l’avion-ambulance peut être « l’œil du médecin chef ». Les prémices des futurs moyens de secours aériens.