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Gel du 7 au 8 avril

Gel : le ministre de l’Agriculture promet des aides sous trois mois

Samedi 10 avril à Larnage puis à Chabrillan, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, a promis des aides d’ici trois mois.

Gel : le ministre de l’Agriculture promet des aides sous trois mois
A Larnage, François Vassy a montré au ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, et aux élus et représentants de la profession agricole, l’impact du gel sur ses abricotiers. « On a eu un gel exceptionnel en intensité mais surtout en durée, » a-t-il expliqué.

A Larnage comme dans l’ensemble de la Drôme, « on a eu un gel exceptionnel en intensité mais surtout en durée, » a expliqué Jean-François Vassy (EARL de la Terrasse) au ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Je n’aurai quasiment rien à récolter. » Toutes ses productions - 24 ha d’abricotiers, 3 de cerisiers, 2,5 de pommiers, 1,5 de poiriers - sont très sévèrement impactées. Malgré le recours selon les parcelles à toute la panoplie des systèmes de lutte anti-gel (irrigation sur et sous frondaison, quatre Frostguard, bougies, tours à vent), rien n’a pu être sauvé. Sur la colline, « autour de chez moi, hors protection, la température est tombée à -3°C. Mais on a eu un courant d’air toute la nuit, sur une durée de sept heures, qui n’a pas permis de faire remonter la températures dans les vergers. » En contrebas, sur un verger de pommiers, il a enregistré -5,9°C. « Il n’y a plus une pomme, je n’ai jamais vu cela. »

Face à pareil sinistre, « on attend un accompagnement rapide, a-t-il dit à Julien Denormandie. On va avoir besoin de trésorerie pour redémarrer et préparer la prochaine saison. Il ne faut pas qu’on attende deux ans pour toucher des fonds. » 

« Il faut un élan national »

Les producteurs ont insisté pour que des aides arrivent très rapidement. Ils ont aussi demandé une mesure de chômage partiel pour les permanents et un dispositif assurantiel plus performant.

Un point de vue largement partagé. « Il faut un dispositif exceptionnel pour de vrai et pas comme à chaque coup après les annonces des mesures classiques qui, on le sait, ne suffisent pas, a insisté le président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Avec le cumul de sinistres d’années en années, ni le fonds des calamités ni l’assurance récolte ne peuvent fonctionner. Il faut des mesures exceptionnelles très rapidement. » Jean-Pierre Royannez plaide pour des aides à la hauteur de celles versées aux restaurateurs et gérants de bars soumis à fermeture administrative pendant la crise du Covid-19. « Pour les exploitations agricoles, ce gel correspond à une “fermeture climatique”. Il faut un élan national. » Et une fois le court terme réglé, « il faudra engager un travail de fond pour rénover entièrement le système des calamités agricoles. »

Fonds exceptionnel, déplafonnement des calamités

Julien Denormandie a rappelé les annonces du Premier ministre, Jean Castex, faites quelques heures auparavant lors d’un déplacement chez un arboriculteur du bassin d’Annonay, en Ardèche. « Le dispositif de calamités agricoles sera déplafonné et un fonds exceptionnel mis en œuvre », a-t-il indiqué sans plus de précisions. Je souhaite que les premières aides arrivent dès le mois de juin. » Pour cela, les ministres de l’Agriculture et du Budget (Olivier Dussopt) ont réuni, lundi 12 avril, les principales organisations agricoles, banques, assurances… (lire par ailleurs).

De son côté, Jean-Pierre Royannez a indiqué qu’« un état des lieux le plus précis possible » allait être engagé par les services de la chambre d’agriculture et transmis au niveau national (à l’APCA) afin d’éclairer les décideurs nationaux sur les mesures d’exception à obtenir. Jean-Pierre Gaillard, président du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, a évoqué le différé de PGE (prêt garantie par l’État) et mis en avant les possibles soutiens bancaires.

L’assurance récolte sujet à débat

Julien Denormandie a été interrogé sur l’assurance récolte. « J’ai passé des nuits sur ce dossier et j’étais même prêt à la rendre obligatoire pour constituer un socle financier. Mais ce type de risque n’est pas assurable sans la solidarité nationale, a-t-il confié. Il faut des centaines de millions d’euros chaque année. Faut-il utiliser les financements de la Pac pour cela ? » Pour les producteurs présents à Larnage, la réponse est « oui » afin de garantir la pérennité des productions spécialisées françaises.

Par ailleurs, l’impact social de cet épisode de gel exceptionnel a été mis en avant par les producteurs, notamment l’arrêt du recrutement de la plupart des 35 000 saisonniers qu’emploie habituellement le secteur agricole drômois. Une mesure de chômage partiel est demandée pour les permanents des exploitations ainsi qu’un accès facilité au fonds de formation Ocapia. « Il faudra aussi aider les coopératives », a souligné Jean-François Vassy.

Pierre Combat, président de l’AOP Crozes-Hermitage, a donné un premier bilan des pertes sur le vignoble local (lire pages 2 et 3). « 25 % des surfaces sont impactées. Mais des exploitations sont totalement sinistrées car frappées par ce gel, par la mévente liée à la crise sanitaire et, en 2019, par la grêle. En Côtes-du-Rhône méridional, la situation est catastrophique. »

Christophe Ledoux

Le ministre interpellé sur le cas des exploitations diversifiées

La visite du ministre de l’Agriculture s’est poursuivie à Chabrillan, sur l’exploitation de Pierre-Christophe Barnier qui cultive dix hectares et demi d’amandiers en agriculture biologique. Cette année, la prévision de récolte était estimée entre 700 et 900 kg d’amandons à l’ha. Mais les températures négatives de la nuit du 7 au 8 avril, jusqu’à -6°C, n’ont laissé aucune chance aux amandes. « Nous avions prévu des ballots de paille prêts à brûler mais j’ai compris que c’était fichu d’avance puisqu’à minuit et demi, il faisait déjà -0.4°C. Je n’allais pas pouvoir contrer le gel. Toute la récolte est perdue », explique Pierre-Christophe Barnier. L’agriculteur évalue la perte sèche à près de 100 000 € de chiffre d’affaires. « La récolte d’amandes aurait dû être une grosse source de revenus cette année », soupire l’exploitant. Un revenu qui aurait été le bienvenu pour faire face aux investissements des mois et années précédents : plantation, bâches, goutte-à-goutte, création d’une casserie à Savasse, etc. « Je vais faire le dos rond et piocher dans ma trésorerie, en espérant que les banques acceptent de différer les emprunts », ajoute-t-il.

Accompagner les exploitations diversifiées

A Chabrillan, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, les élus et représentants agricoles ont pu mesurer l’étendue des pertes causées par le gel sur ce verger d’amandiers.

Une inquiétude palpable, d’autant plus que Pierre-Christophe Barnier a fait le choix de la diversification pour son exploitation d’une superficie totale de 100 ha (plantes à parfum aromatiques et médicinales, maïs et tournesol semences). « Si la diversification a l’avantage de nous aider à traverser certaines problématiques, elle ne nous permet pas de rentrer dans les bonnes cases lorsqu’il s’agit de demander des aides, notamment pour le déclenchement du dispositif de calamités agricoles. Pourtant, nous avons mis pas mal d’argent nous-aussi, même si cette culture en question ne représente que 30 à 40 % de notre chiffre d’affaires», regrette-t-il.

Un souci d’équité qui a également été exprimé par Katia Sabatier-Jeune, présidente de la coopérative Lorifruit, devant le ministre et le cortège d’élus. « Beaucoup d’exploitations se sont diversifiées pour pallier aux éventuels risques climatiques et assurer leur pérennité. Mais quand elles doivent faire face à des difficultés de ce type, elles passent toujours à côté des aides. Il faut les accompagner. »

Des coopératives à soutenir

« Il y a une nécessité absolue d’aider les coopératives », a déclaré Katia Sabatier-Jeune, présidente de Lorifruit.

Elle demande également un soutien fort envers les coopératives, « outil de continuité des exploitations agricoles. C’est un vrai choix des arboriculteurs de vouloir déléguer la technicité, la qualité et le conditionnement à une coopérative. Mais aujourd’hui, c’est tout un pan de l’économie qui tombe, de l’amont à l’aval de la filière arboricole. Il y a une nécessité absolue d’aider également les coopératives ». La présidente de Lorifruit, elle-même productrice d’abricots, kiwis et pommes sur Grâne, a connu une lutte sans merci contre le gel, durant six nuits consécutives. « Malgré 400 bougies à l’ha et les systèmes d’aspersion, très peu de volumes ont pu être sauvés. Nous avons atteint les limites mêmes de protection. Ce sont des investissements conséquents, partis en fumés », dit-elle. « La longueur du gel a été exceptionnelle », souligne Jordan Magnet, secrétaire général des JA Aura, tandis que Léa Lauzier, présidente des JA de la Drôme, a indiqué que « la profession avait été surprise par ces conditions extrêmes ». Producteurs et élus locaux se sont donc unis autour d’une seule voix pour affirmer la nécessité d’une mesure exceptionnelle.

Amandine Priolet