Accès au contenu
Etat des lieux

Le pire gel depuis les années 1970

Le gel qui a touché la France dans la nuit du 7 au 8 avril est d’une extrême violence. Un phénomène climatique « incroyablement inédit » a déclaré le ministre de l’Agriculture au lendemain du sinistre. La Drôme paye un lourd tribu malgré des moyens considérables déployés tout au long de la nuit pour tenter de sauver les productions.

Le pire gel depuis les années 1970
Toutes les productions fruitières ont été touchées par ce gel qui a surpris les arboriculteurs en intensité et en durée. Tous les moyens de lutte ont été déployés mais ni les bougies, ni les tours à vent, ni l'aspersion, ni les FrostGuard n'ont suffi pour sauver les fruits.

Du jamais vu. C’est ce qui ressort de nombreux témoignages. Les températures enregistrées dans la nuit du 7 au 8 avril battent des records. Selon les relevés Météo-France, il a fait presque -6°C à Saint-Bathémély-de-Vals, -6,5°C à Romans, -7°C à Die, -7,5°C à Bourdeaux… Il faut remonter au milieu des années 1970 pour voir un tel épisode de froid en avril. Fruits à noyaux, fruits à pépins, noyers, amandiers, fraises de plein champ, vignes, la liste des cultures touchées en Drôme ne cesse de s’allonger. Les légumes primeurs ou encore la production de plants ont également subi des dégâts.

Un gel fatal pour les fruits

Les arboriculteurs ont déployé tous les moyens de lutte possible. Mais ce gel, extrêmement sévère couplé à une avance de végétation d’au moins quinze jours, n’a laissé sur certains secteurs aucune chance de sauver la production. Dans les Baronnies, les températures sont descendues jusqu’à - 7°C dans les bas-fonds et -4°C en coteaux. « 75 % de la récolte est perdue en abricot, 60 % en cerise, indique Franck Bec, président du syndicat de l’abricot des Baronnies. Pourtant, nous avions tous dépensé un argent fou pour nous protéger ». Tour à vent, chaufferettes, bougies ont été déployées mais ce gel a frappé trop fort et trop longtemps. 

Sur le secteur de la coopérative Lorifruit, aucune production n’a été épargnée. « Les températures sont descendues à -6°C sur Grâne, entre -4 et -6°C sur Loriol et entre -2 et -4°C sur Cliousclat », explique Katia Sabatier-Jeune, présidente de la coopérative. « Pour certains, nous étions déjà à notre cinquième nuit consécutive de lutte contre le gel », souligne-t-elle. Mais l’épisode du 7 au 8 avril n’avait rien à voir avec les autres nuits. « Dès 22 h, l’alerte s’est déclenchée à - 0,4°C. A 6 h 45 le matin, il faisait encore - 6,5°C en température humide », décrit-elle pour son exploitation. Les dégâts sur ce secteur touchent l’ensemble des productions. L’aspersion qui donne habituellement de très bons résultats en pommes et kiwis n’a pas fonctionné. A Loriol, Marc Fauriel a enregistré jusqu’à -5,5°C dans ses vergers. « Là où ont été utilisées des bougies et des éoliennes, on a à peine réussi à gagner 2°C. Ce n’était pas suffisant : - 3°C ça n’a pas pardonné pour les fruits », se désole-t-il. 

De 80 à 100 % de perte dans de nombreux vergers

Plus au nord , Jean-François Chazalet (SCEA Domaine de l'île), arboriculteur à La Roche-de-Glun et Pont-de-l'Isère confirme un gel noir d’une intensité dévastatrice et ceci de 23 heures jusqu'au lever du jour. « Pour les vergers sans protection, les pertes sont totales. Ceux équipés de tours à vent n'ont pas été épargnés car dans ce type de gel où il n'y a pas d'inversion thermique, ce système ne fonctionne pas. Dans les vergers protégés par bougies ou chaufferettes, avec des températures à - 7 ou - 6°C, il fallait une densité d'au moins 500 bougies à l'hectare », ne peut-il que déplorer.

Bruno Darnaud, secrétaire de la chambre d’agriculture en charge de la filière fruit, témoigne des dégâts qu’il a constatés sur la moitié nord du département. « Dans certaines zones intermédiaires entre Valence et Tain, quelques exploitations seraient un peu moins touchées, avec peut-être un espoir de 20 à 30 % de récolte en abricot et en pêche. Par contre, sur le Nord-Drôme, là où les températures sont descendues entre -5 et -6°C, il n’y a plus rien, y compris en poires et pommes », détaille-t-il. Idem en kiwi. Pour Bruno Darnaud, également président de l’AOP « pêches et abricots » de France, il faut encore attendre quelques jours que les coopératives et autres structures de commercialisation fassent remonter le bilan établi avec leurs producteurs pour estimer l’ampleur des pertes, tant au niveau départemental que national. 

S.Sabot

Dégâts en Drôme

Les vignes très impactées au sud-ouest du département

Les vignes très impactées au sud-ouest du département
Le 9 avril, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a constaté les dégâts dans un vignoble à Livron-sur-Drôme.

Le secteur des côtes-du-rhône méridionales a particulièrement souffert. Sur Tulette, Bouchet, Richerenches, Valréas..., il a commencé à geler dès 2 h du matin et jusqu’au lever du jour. Les températures sont descendues à -5°C, jusqu’à - 7°C dans certains bas-fonds. Les pertes sur ces communes peuvent atteindre 80 à 100 % sur certains parcelles, confirment Sandrine Roussin, vice-présidente de la chambre d’agriculture et Sylvie Darves, directrice amont à l’union de coopératives Cellier des Dauphins. Difficile pour l’heure de fournir un bilan complet. D’abord parce que de nouvelles gelées sont redoutées. Ensuite parce qu’il faut attendre que chaque cave ait réalisé un bilan approfondi sur son vignoble. Mais on peut déjà estimer que de nombreuses parcelles en IGP plus gélives du fait de leur exposition, seront privées totalement de récolte.

Une certitude cependant, le Pontias, vent du nord-est, à l’origine d’un micro-climat local, a permis de limiter les dégâts sur Nyons et Vinsobres. Mickaël Jaume, président du comité des vignerons de Vinsobres, estime que, grâce à ce phénomène, les températures sont descendues au plus bas à -1°C sur les surfaces de l’appellation. Seulement 10 % des vignes en appellation Vinsobres auraient été touchées, avec moins de 20 % de dégâts. Mais le bilan est beaucoup plus lourd sur les surfaces en IGP. Leur situation géographique sur la commune les a écartées de l’effet Pontias. Les températures ont atteint par endroit -5°C et 50 % des surfaces ont subi des pertes de 80 à 100 %.

Sur le Diois, le stade phénologique était moins avancé

Sur le territoire de l’appellation Clairette de Die, Nicolas Fermond, conseiller à la cave Jaillance, fournit un premier bilan prudent. « Sur le secteur précoce, de la vallée de la Gervanne jusqu’à Saillans, les températures sont descendues jusqu’à - 5,5°C. On constate pour l’instant de 20 à 30 % de bourgeons brûlés par le gel. Mais il est encore trop tôt pour présager des pertes de récolte », indique-t-il. Sur le haut de l’appellation, d’Aix-en-Diois à Poyols, les températures sont descendues jusqu’à -8°C. « Le stade phénologique était moins avancé et on émet encore des réserves sur les pertes, précise le conseiller. Ce qui nous a partiellement sauvé, c’est d’être un vignoble tardif et d’altitude. Mais rien n’est joué car on attend encore deux épisodes de froid cette semaine. » En 2017, le gel qui avait fait perdre 50 % des récoltes sur le Diois n’était venu que fin avril. 

Au Nord, Pierre Combat, président de l’appellation Crozes-Hermitage, indique que 25 % des surfaces de l’appellation sont touchées de manière très importante, avec plus de 90 % de pertes. Les dégâts les plus importants se situent à l’est de l’appellation, vers Beaumont-Monteux, et au nord de Tain-l’Hermitage. « Certaines exploitations sont touchées à 100 % », avertit Pierre Combat. Ailleurs, les dégâts sont moindres ce qui lui laisse espèrer que ce gel n’amputera que de 20 % les volumes de l’appellation. Mais le président de l’appellation se montre très prudent, rien n’est joué. Le gel peut encore toucher le vignoble dans les semaines à venir.

S.Sabot