Transition écologique
CarbonConnect : connexion entre agriculture et entreprises

L’événement CarbonConnect, qui s’est déroulé le 16 mars au Village by Crédit Agricole Centre-Est à Champagne-au-Mont-d’Or (Rhône), a permis de faire se rencontrer des agriculteurs et des entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes en vue d’accélérer la transition bas carbone.

 

CarbonConnect : connexion entre agriculture et entreprises
Les exploitations peuvent mettre en place des pratiques agroécologiques : la revitalisation des sols permet par exemple de décupler leurs capacités à séquestrer du carbone. © DR

Une entreprise peut réduire son empreinte carbone en soutenant financièrement des projets qui lui permettent de compenser ses émissions résiduelles de gaz à effet de serre (GES). D’ici 2030, chaque entreprise devra les réduire de 40 %. Parallèlement, l’agriculture, qui représente 20 % des émissions de GES, est un levier de contribution carbone territoriale. En effet, les exploitations peuvent mettre en place des pratiques agroécologiques : revitaliser les sols permet par exemple de décupler leurs capacités à séquestrer du carbone. La marge de progression est importante. En France, à peine 1 % des crédits carbone achetés par les entreprises françaises sont affectés à des projets sur l’Hexagone. C’est dans ce contexte que l’événement CarbonConnect est né en 2022 dans les Hauts-de-France sous l’impulsion de l’entreprise TerraTerre. Celle-ci vise à connecter les agriculteurs engagés dans la transition écologique et les entreprises qui cherchent à contribuer à cette neutralité carbone. Le forum qui s’est tenu le 16 mars à Champagne-au-Mont-d’Or (Rhône), au Village by Crédit Agricole Centre-Est, a répondu, le temps d’un après-midi, à l’enjeu de mettre en relation les entreprises qui souhaitent adopter une stratégie de contribution bas carbone à l’échelle du territoire et les agriculteurs engagés dans une transition agroécologique.
Pour dérouler le programme de ce forum, TerraTerre s’est associée à FarmLEAP, France Carbon Agri Association (FCCA), Crédit Agricole Centre-Est, Village by Crédit Agricole Centre-est, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la chambre régionale d’agriculture. Plus de 250 personnes ont participé à ce mix entre conférences plénières et ateliers thématiques animés par des experts.

Le rôle de l’agriculture

Lors de la conférence plénière d’ouverture, Samuel Vandaele, agriculteur en Seine-et-Marne et président de France Carbone Agri Association, est revenu sur le rôle essentiel de l’agriculture dans l’atténuation des effets du changement climatique. « Nous produisons une alimentation saine, sûre et durable pour nos concitoyens et nous avons aussi ce rôle primordial de faire en sorte que nos sols captent et stockent davantage de CO2. Cela va nous permettre d’utiliser moins d’intrants et de favoriser la biodiversité. Nos motivations pour tendre vers ces pratiques agroécologiques sont l’image, car nous faisons voir l’agriculture sous un autre angle, et l’économie car nous gagnons en résilience et en autonomie sur nos exploitations. »
Gilbert Guignand, agriculteur en Haute-Loire et président de la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, a insisté sur la diversité de l’agriculture régionale. « C’est une chance sur laquelle nous pouvons capitaliser », a-t-il dit. Et de citer des exemples d’initiatives carbone en région comme « l’association Dunater qui travaille sur la rémunération des agriculteurs engagés dans ces démarches et le plus apporté sur la dotation jeune agriculteur (DJA) pour les jeunes qui souhaitent s’engager dans une démarche de progrès (par exemple, la certification bas carbone) ».
Marion Leguiel, représentant le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a mis en avant la garantie de robustesse de ce label bas carbone piloté par l’État et le volet collectif primordial de ces démarches. « Le monde agricole a l’habitude de travailler en groupe, cela peut se faire à l’échelle de la filière, mais aussi du territoire. C’est une dynamique à lancer à plusieurs pour pouvoir échanger et progresser. »
La volonté est là, l’appui existe, notamment de la part des chambres d’agriculture. Reste à trouver les financeurs des projets pour faire décoller ce marché émergent du carbone.

Emmanuelle Perrussel

Témoignage

Cinq ans de progrès

L’une des conférences a porté sur le processus de mise en place d’un projet bas carbone sur une ferme et ses avantages agronomiques et économiques. Explications de Thaïs Virely, de la chambre d’agriculture du Rhône, et de Mikaël Gonin, éleveur laitier à Amplepuis (Rhône).

Pour se lancer, Mikaël Gonin, éleveur laitier en Gaec avec son frère à Amplepuis (Rhône), a commencé par faire réaliser un diagnostic Cap’2ER* sur son exploitation, à la suite de déficits fourragers chroniques. Une approche technique qui lui a plu puisqu’elle « ressemble à une photo de nos pratiques ». Ce diagnostic de l’empreinte carbone a pointé plusieurs problématiques. « Sur notre exploitation, il manquait des outils d’économie d’énergie, nous élevions trop d’animaux improductifs, nos choix fourragers n’étaient pas assez adaptés au changement climatique, nous rencontrions des problèmes d’aménagement de bâtiment et nous ne disposions d’aucune source d’énergie renouvelable », a précisé Mikaël Gonin qui a travaillé avec l’appui de la chambre d’agriculture pour élaborer un plan d’action. « Pour la mise en place d’un projet bas carbone, l’agriculteur pourra bénéficier d’un appui technique tout au long des cinq ans de la démarche. Il est accompagné par la chambre d’agriculture, le porteur de projet (Dunater) et France Carbone Agri Association. Un constat à mi-parcours est réalisé sur les pratiques mises en place et le suivi des indicateurs. Le bilan final du Cap’2ER précède l’audit de vérification indépendant au bout des cinq ans. La dernière étape est la reconnaissance des crédits carbone », a détaillé Thaïs Virely, conseillère élevage bovins lait à la chambre d’agriculture du Rhône.
Le projet de l’éleveur d’Amplepuis comporte plusieurs axes d’amélioration : implanter de la luzerne pour gagner en autonomie protéique, 
diminuer les achats de tourteaux de soja, réduire la fertilisation azotée et le labour, faire baisser l’âge du premier vêlage et augmenter l’engraissement des génisses, changer de pratiques d’épandage sur les surfaces où c’est possible et mettre en place des panneaux photovoltaïques. Le gain carbone estimé est d’environ 390 t CO2 et la vente de ces crédits carbone devrait correspondre à une rémunération complémentaire de 11 000 € au bout des cinq ans. Selon Mikaël Gonin, le gain est aussi technique (moins de dépendance aux achats de tourteaux et développement du coproduit viande) et environnemental (diminution de l’empreinte carbone, davantage de stockage de carbone et moins d’émissions d’ammoniac). « Je pense que nous aurions entrepris ces changements, mais pas forcément à ce rythme-là. Cette démarche est valorisante et nous redonne de la fierté dans nos pratiques. L’agriculture française est la plus durable au monde, à nous de faire en sorte que ce modèle perdure », a-t-il conclu. 

E.P.

* Cap’2ER  : Calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants. Ce diagnostic a pour objectif d’évaluer les impacts environnementaux à l’échelle d’une exploitation d’élevage bovins lait ou bovins viande et d’identifier des leviers d’action pour répondre aux défis climatiques, énergétiques, économiques…