RECYCLAGE
Capillum, de la tête à la terre

Donner une seconde vie aux cheveux, c’est le pari que s’est lancé la start-up Capillum, basée à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Grâce à leurs fibres naturelles, les chevelures humaines collectées auprès de 2 200 salons de coiffure français trouvent une nouvelle utilité dans un tapis de paillage naturel.

Capillum, de la tête à la terre
Pensé pour les jardiniers, ce tapis de paillage naturel et biodégradable est fabriqué à partir de fibres capillaires destinées à être jetées. © Capillum

L’histoire naît sur les bancs de l’école. En avril 2019, Clément Baldellou et James Taylor décident de transformer leur projet étudiant en projet de vie : recycler des cheveux pour en faire un tapis de paillage alternatif utilisable en maraîchage, en arboriculture, en horticulture et en sylviculture. « Nous cherchions à construire un modèle économique durable basé sur une matière première recyclable. Un jour, nous avons pensé aux cheveux et l’aventure a commencé », raconte Clément Baldellou.

À l’origine, des cheveux

Partant du principe qu’en général, « tout ce qui vient du corps a des vertus intéressantes », les deux associés se lancent un grand défi. « Le cheveu est l’une des rares matières au monde imputrescible et biodégradable. Tous les jours, un million de Français vont chez le coiffeur, générant plus de quatre-mille tonnes de déchets capillaires par an. Ils représentent 60 % de leurs déchets et s’ils ne sont pas recyclés, ils partent à la poubelle », reprend le cofondateur de l’entreprise. « Nous sommes convaincus que toute personne peut avoir un impact écologique réel avec quelque chose d’aussi simple qu’une coupe de cheveux. » Capillum a, à ce jour, collecté plus de soixante-dix tonnes de cheveux et en a recyclé à peu près quarante tonnes. Des centaines de collectes ont été effectuées par quelque deux-mille coiffeurs éco-responsables partenaires, équipés par l’entreprise de bacs et de sacs de recyclage. Une fois récupérés, les cheveux sont micro-massifiés dans une vingtaine d’entrepôts en France et les produits sont finalisés et packagés par les résidents de l’Esat Pierre Doussinet à Romagnat (Puy-de-Dôme) dans une volonté de favoriser l’insertion des personnes en situation de handicap.

Clément Baldellou et James Taylor, les deux fondateurs de l’entreprise auvergnate Capillum. © Capillum

Un paillage biodégradable et répulsif

Après un financement participatif qui a permis de récolter plus de 18 000 €, le double de la somme visée sur la plateforme KissKissBankBank, et après avoir obtenu le retour positif de deux-cents jardiniers amateurs, les deux associés visent désormais une clientèle professionnelle agricole. Ils proposent à la vente, via leur boutique en ligne, un rouleau de paillage facilement découpable de 5 m par 80 cm (24,90 €) et des disques de paillage de 38,5 cm de diamètre (5 €) adaptables aux plantes en pot, arbres, arbustes et rosiers. « Ces deux alternatives au plastique, à base de cheveux et de laine de mouton effilochée, limitent l’arrosage soit en ralentissant l’évaporation de l’eau soit en fixant l’humidité de l’air. On estime qu’un kilogramme de cheveux permet d’économiser deux-cents litres d’eau. Sa présence permet aussi de limiter le désherbage. Le cheveu représente un apport d’azote et de soufre, que l’on retrouve dans sa kératine, favorable à la croissance des plantes », indiquent les fondateurs de la jeune start-up. Biodégradables, ces paillages naturels représentent une bonne barrière contre les limaces et les escargots qui n’apprécient pas la structure écaillée du cheveu. L’odeur de l’homme présente aussi la particularité de repousser les cervidés. « Le cheveu est un répulsif qui était utilisé dans le temps par les chasseurs. Certains viticulteurs les emploient encore pour protéger leur domaine des ravageurs », ajoute Clément Baldellou. L’entreprise clermontoise, qui travaille à ce jour avec un industriel dans le nord de la France, vise à créer un outil de transformation local basé dans la région Auvergne-Rhône-Alpes dans les dix-huit mois à venir. Une ambition qui rejoint sa volonté initiale : celle de privilégier une économie circulaire ayant un impact carbone le plus faible possible, de la coupe des cheveux jusqu’à la production finale de ses tapis de paillage alternatifs.

Alison Pelotier

Capillum, le choix de Volvic et de Valras-Plage

Capillum a pour l’heure tissé deux partenariats avec des collectivités territoriales : la ville de Volvic (Puy-de-Dôme) et celle de Valras-Plage (Hérault). « Pour l’entretien de ses espaces verts, Volvic utilisait d’autres paillages moins écologiques. Nous avons fait rentrer quelques coiffeurs de la ville dans la démarche pour que les cheveux de leur clientèle soient exploités localement », explique la start-up. La ville de Valras-Plage utilisera aussi prochainement ces tapis de paillage dans le cadre d’une démarche entreprise par les élus valrassiens axée sur la diminution et la valorisation des déchets. 
La Poste partenaire du recyclage de cheveux
La Poste s’est aussi associée au projet de Capillum, les facteurs pouvant collecter les cheveux recueillis par les salons de coiffure volontaires. « Quand ils déposent le courrier, ils repartent souvent à vide. Ils peuvent désormais en profiter pour collecter les sacs que nous récupérons par la suite », ajoute-t-il. La formule complète qui permet d’être équipé d’un bac et de sacs de recyclage, de bénéficier de la collecte des cheveux directement au salon et d’avoir un accès gratuit aux points d’apport volontaire ainsi qu’une présence sur la carte interactive de Capillum coûte 99 € HT par an pour les professionnels.
A. P.

Les autres missions de Capillum
Capable d’absorber jusqu’à huit fois son poids en hydrocarbures, le cheveu est utilisé par Capillum pour dépolluer les eaux et les sols. ©DR

Les autres missions de Capillum

 
Le cheveu étant composé à 95 % de kératine, de nombreux travaux ont permis à Capillum de pouvoir l’extraire. L’entreprise s’est engagée dans la recherche médicale autour des soins de la peau pour des applications biomédicales et dermo-cosmétiques qui amélioreront la qualité et l’efficacité des soins. « La kératine présente dans le cheveu a des vertus ultra-nutritives qui permettent l’amélioration des soins, par exemple la régénération de la peau des grands brûlés », indique Clément Baldellou. Son entreprise a aussi choisi de mettre à disposition les déchets capillaires dans le but de dépolluer les eaux et les sols. Le cheveu est en effet capable d’absorber naturellement jusqu’à huit fois son poids en hydrocarbures. Une caractéristique qui lui permet de nettoyer les eaux et les sols des zones portuaires polluées.
A. P.