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VINS IGP

Une viticulture durable  pour plus de résilience

L’Ardèche accueillait le 7 juillet le congrès national des vins IGP de France. Au menu des discussions cette année, le thème de la durabilité.

Une viticulture durable  pour plus de résilience
Afin de faire cohabiter durabilité et rentabilité, le congrès national des vins IGP de France a été l’occasion de réfléchir sur la stratégie de filière à bâtir.

«Face au contexte, certains auraient la tentation de baisser les bras, résume Gérard Bancillon, président de la Confédération des vins IGP. Or, on peut ouvrir des voies d’adaptation et de résilience dans nos exploitations. La durabilité est une de ces voies. » Et la durabilité peut aussi ouvrir de nouvelles opportunités, comme le souligne Marie-Cécile Damave, ingénieur agronome. « Les viticulteurs sont déjà engagés dans l’agriculture durable. Ils adoptent des pratiques économes en eau et en énergies, avec l’agriculture de précision notamment. Ils favorisent le stockage du carbone dans les sols. Ils sont de plus en plus nombreux à faire évoluer leurs modes de production en recourant aux outils biosourcés comme les biostimulants, les biofertilisants, les solutions de biocontrôle, ou encore les variétés sélectionnées. » Selon l’économiste, ces nouvelles pratiques ouvrent des marchés complémentaires lucratifs et valorisants, comme le marché des « carbon farming », l’écotourisme, Ferm to Farm, la méthanisation. À charge pour les exploitants de nouer de nouveaux partenariats, avec une « première étape qui est de faire réaliser des bilans carbone subventionnés ».

Les NBT, une solution ?

L’Europe est également attendue au tournant sur la question des nouvelles technologies génomiques (NBT en anglais, pour « new breeding technic ») et de leur autorisation. Les NBT désignent un ensemble de techniques développées depuis une vingtaine d’années, et permettant de modifier le génome d’un organisme d’une manière très ciblée pour lui conférer une caractéristique précise. Depuis plusieurs années, des voix demandent leur autorisation afin d’innover en matière de résistances des cépages aux maladies et à la sécheresse. « Une méthode qui pourrait être tout à fait complémentaire avec les recherches plus classiques sur les cépages résistants », affirme Marcel Kuntz, chercheur à l’Institut de biosciences et biotechnologies de Grenoble. Certains y voient également une alternative pour sortir des produits phytosanitaires sans changer de cépage. Or, en Europe, les NBT sont depuis 2021 soumises à la même réglementation que les OGM, avec une interdiction de mise sur le marché.
« Cela risque de nous pénaliser à l’export », souligne Marcel Kuntz, qui rappelle que « la Chine et les Etats-Unis ont déjà déposé de nombreux brevets issus de ces techniques ». Alors qu’une nouvelle législation sur les plantes issues de ces techniques doit voir le jour au niveau européen, Bruxelles a lancé une consultation publique sur la question, ouverte jusqu’au 22 juillet. Le président Emmanuel Macron a pris position en faveur d’une adoption des NBT.

La durabilité, un engagement collectif

Afin de faire cohabiter durabilité et rentabilité, quelle stratégie de filière bâtir ? Hubert Dubien, président du comité national des appellations d’origine laitières (Cnaol) a partagé l’expérience de la filière laitière. Pour s’adapter aux nouvelles exigences des consommateurs, les 51 appellations laitières (46 fromages, 3 beurres et 2 crèmes) s’engagent dans la démarche « AOP laitières durables ». « Au-delà des exigences des cahiers des charges de l’AOP, cette nouvelle démarche comprend dix-huit engagements qu’elles comptent prendre pour apporter plus de transparence aux consommateurs, et s’inscrire dans un modèle durable, témoigne Hubert Dubien. Qu’il s’agisse de repenser la gestion de la ressource en eau, de recourir à de nouveaux itinéraires techniques, d’adopter de nouveaux cépages ou encore d’intégrer la viticulture dans l’ère du numérique, ce n’est qu’à travers une démarche collective au niveau de la filière que la voie du changement s’amorcera », conclut-t-il.

J.-P. J.

Europe : la réforme des IGP suscite des craintes

La révision du système des indications géographiques protégées (IGP) est à l’ordre du jour de l’Europe. « Il y aura des mesures techniques : renforcement des contrôles, accréditation obligatoire des organismes privés certificateurs, renforcement des obligations concernant l’étiquetage... », explique l’avocate Stéphanie Pelet. Ces mesures sont censées renforcer la protection des IGP. Mais le texte suscite des inquiétudes sur son volet de mise en conformité avec les principes de l’OMC. « Aujourd’hui, la Commission européenne sous la pression de l’OMC semble prête à traiter les IGP comme un simple droit de propriété intellectuelle. La gestion des IGP va désormais être déléguée à l’office de l’UE pour la propriété intellectuelle (EUIPO) qui intervient notamment en matière de marques, explique Irène Tolleret, députée européenne et vigneronne. Une telle approche signifierait la privatisation de notre système et la fin de la spécificité des IGP. Nous perdrons ce qui fait l’intérêt des IGP, leur volet multidimensionnel, et pour se rapprocher du système des marques commerciales. » Les discussions doivent aboutir au plus tard le 1er janvier 2023. 

« Nous demandons une aide à la distillation de crise »

« Nous demandons une aide à la distillation de crise »

Quels sont les grands enjeux auxquels doit faire face la filière ?
Gérard Bancillon : « L’urgence est celle des stocks invendus, estimés à 4 millions d’hectolitres de vins IGP. Les vins IGP sont des vins à fort roulement, sans stock, produits et consommés dans l’année. La plupart sont écoulés moins d’un an après la vendange, le plus souvent avant l’été. À la veille de la nouvelle récolte, nous demandons une nouvelle aide à la distillation de crise, comme nous l’avions obtenu lors de la crise Covid. Cela permettrait de faire rentrer de la trésorerie sur les exploitations et d’assainir les marchés. L’autre question urgente est celle de l’assurance. Suite aux épisodes de gel et de grêle, les primes explosent et le fonds de solidarité ne peut abonder que des pertes limitées. Un projet de loi est en cours d’examen par le Parlement pour rendre le dispositif assurantiel plus performant et incitatif. »
Côté consommation, comment se portent les vins IGP ?
G. B. : « Les IGP ont toujours une bonne image auprès du public. Nous jouissons d’un bon ratio qualité/prix, d’une image renouvelée au niveau du packaging, des cépages et des circuits de distribution, et surtout d’une implantation territoriale forte. Les rosés ont toujours de plus en plus de succès : ils correspondent aussi aux goûts des nouveaux consommateurs, demandeurs de vins plus sucrés et moins alcoolisés. »
Qu’en est-il au niveau international ?
G. B. : « Au niveau du négoce international, la confédération des IGP et la FNSEA demandent l’application stricte des « clauses miroirs » au niveau européen. Nous sommes en concurrence avec des pays qui n’ont pas les mêmes exigences environnementales, sanitaires ou de production, ce qui crée une concurrence déloyale ! Nous sommes aussi attentifs à la réforme des IGP en cours au niveau européen, pour ne pas aller vers une dérive libre-échangiste qui pourrait couler la filière comme d’autres par le passé. Nous demandons également des assouplissements règlementaires, et notamment de pouvoir actionner le VCI (volume complémentaire individuel) ou la réserve individuelle. Cela permettrait aux vignerons de mettre en réserve, lors des années de vendange abondante, un stock de vin non commercialisable cette année-là, qui peut ensuite être commercialisé les années de basse récolte. Cela nécessite des capacités de stockage coûteuses, qui ne sont pas forcément prévues pour les vins IGP. »