ÉTANGS
Pour une gestion raisonnée des étangs

Patrimoine naturel et exceptionnel, beaucoup d’étangs ont des impacts positifs sur les cours d’eau.

Pour une gestion raisonnée des étangs
Les étangs sont souvent perçus comme des boîtes noires pourtant ils sont importants pour les écosystèmes. ©Avocat jean, CC BY-SA 4.0

La gestion des étangs, au sein d’un réseau hydrographique, « est complexe et source de tensions », a indiqué Quentin Choffel, docteur en géographie et cogérant du bureau d’études Ecolimneau lors du Salon des étangs qui s’est tenu fin mai à La Côte-Saint-André (Isère). Il considère quatre aspects propres aux étangs sur cours d’eau : leur qualité vis-à-vis de leur température, mais aussi de leur teneur en nitrate, phosphore et pesticides ; leur vidange et ses effets ; le cours d’eau du point de vue de sa biodiversité et enfin leur gestion. Le scientifique explique que les étangs, créés par l’Homme, sont perçus de façon négative car susceptibles de perturber le cours d’eau. « Ils sont vus comme une boîte noire, déclare-t-il. On ne sait pas ce qu’il y a à l’intérieur. » Son cabinet s’est donc attaché à mesurer l’impact des plans d’eau. Il prévient : il n’y a pas de conclusions globales et beaucoup de cas particuliers. Mais les scientifiques ont souhaité « montrer que les étangs ont souvent peu d’impacts, et pour beaucoup ils ont des impacts positifs ».
À commencer par l’incidence thermique. Il est communément admis que la température de l’étang est de 2 °C supérieure à celle du cours d’eau. Seuls les premiers kilomètres en aval sont concernés, rarement jusqu’à 10 km. Mais thermomètre à l’appui, les équipes d’Ecolimneau ont constaté que ces températures ne s’additionnent pas sur une chaîne d’étangs ! Autrement dit, dix étangs à la suite, ce ne sont pas +20 °C pour le cours d’eau. Des phénomènes d’atténuation sont même observés. Car dans un étang, en fonction de sa profondeur, de son exposition, du déversoir, les écarts de températures peuvent être significatifs. « Certains réchauffent, d’autres refroidissent », conclut Quentin Choffel.

Atténuation des contaminants

Il s’est ensuite penché sur les pesticides, constatant « une vraie atténuation », comme l’attestent plusieurs études.
Le phosphore et l’azote connaissent ces mêmes phénomènes d’atténuation. « En zone agricole, les étangs ont un effet positif par atténuation des contaminants, par stockage et élimination. » La photolyse, c’est-à-dire la décomposition chimique par la lumière, est responsable de la disparition des polluants. Le bureau d’études a également évalué les protocoles de vidange des étangs, les comparant à « une petite crue ». L’objectif était d’analyser la capacité de la vidange à modifier le cours d’eau à l’aval. « Il faut sortir de l’idée d’opérer doucement pour ne pas faire de colmatage, mais plutôt faire une vidange pour nettoyer le cours d’eau et avoir un effet morphogène ». Il estime que la vidange ne modifie pas la forme du cours d’eau, en améliore sa qualité ainsi que son faciès sédimentaire. Bref, un vrai nettoyage. « Mais attention aux vidanges, les services de l’État n’aiment pas quand elles sont mal faites », a-t-il mis en garde. En revanche, le scientifique reconnaît que l’impact sur la biodiversité n’a pas été mesuré. Pour autant, le plan d’eau représente un soutien au système d’étiage, a-t-il insisté, et a son importance du point de vue écologique. Enfin, Quentin Choffel a plaidé pour une gestion raisonnée, avec des impacts positifs qu’il convient de mieux valoriser et « des impacts négatifs qui ne sont pas une fatalité ».

Isabelle Doucet

BIODIVERSITÉ

Qui peuple les étangs ?

Joël Robin, enseignant chercheur à l’Isara Lyon, a passé beaucoup de temps entre prélèvements et analyses pour quantifier la biodiversité des étangs piscicoles. Il est parti de la plus petite espèce jusqu’à la plus grande, établissant une liste singulière.
- Phytoplancton (diatomées et Cie) : 15 à 90 espèces selon les étangs, 55 en moyenne. 
- Plantes aquatiques : 0 à 29 espèces, 11 en moyenne, dont certaines sont menacées. « Mais un petit étang peut parfois se comparer à un lac en matière de biodiversité végétale », assure le chercheur. 
-  Les invertébrés : 30 à 165 espèces, 82 en moyenne. 
- Les libellules sont un cas particulier : 6 à 28 espèces, 14 en moyenne, certaines sont menacées au niveau européen.
- Les amphibiens, « parents pauvres de la diversité aquatiques », se font de plus en plus rares : 0 à 7 espèces
par étang seulement, 4 en moyenne. « Ils ont été dézingués en quarante ans », constate Joël Robin. Certaines espèces de tritons, rainettes ou crapauds sont menacées au niveau européen. 
- Les oiseaux : plus de 160 espèces en Auvergne-Rhône-Alpes, nicheuses ou de passage. 
Pour conclure, le scientifique explique que tous les étangs sont différents et que « c’est le pool d’étangs qui fait la biodiversité ». Il ajoute : « Nous avons le devoir de gérer et de choyer cette biodiversité car beaucoup trop d’espèces ont disparu. » Il insiste sur le fait que conserver la biodiversité n’est pas contradictoire avec une intervention sur les étangs. « Un étang ne s’autogère pas, reprend-il. Il convient de le conserver en le gérant. » Car 60 % des étangs ont disparu en Europe depuis le début du XXe siècle, qui sont autant de réserves de biodiversité. 
I. D.