Figues et kakis, aussi victimes du gel
Les productions dites « mineures », comme les figues ou les kakis, ont tout autant souffert du gel que les fruits à noyaux et à pépins. Exemple à Loriol chez Pierre Lespect.

A Loriol, Pierre Lespect devrait être en train d’achever sa récolte de figues et débuter celle des kakis. Mais le gel d’avril aura eu raison de sa production. « En kakis, il n’y a pas un fruit. En figues, je travaille avec des variétés bifères1. La production que je récolte habituellement en juillet et qui représente normalement 60 % de mes volumes a été réduite à zéro. La récolte de septembre me permettra tout juste de réaliser 20 à 30 % des volumes annuels », décrit le producteur.
Au début des années 2000, suite à des problèmes de santé, il a choisi d’arrêter la pêche et l’abricot. « Je voulais alléger le travail l’été et étaler davantage la production mais aussi répartir les risques », explique-t-il. Il a donc planté figuiers, plaqueminiers et pruniers. Son exploitation compte aujourd’hui une vingtaine d’hectares, dont huit de vergers sur lesquels sont produits cerises, pommes, kiwis, pruniers, kakis, figues, feijoas et bientôt amandes (3,5 ha plantés en 2020). Une douzaine d’hectares labourables accueillent une rotation luzerne-blé-tournesol.
80 % des volumes perdus suite au gel
Depuis le début de sa conversion en agriculture biologique, en 1995, d’abord sur les cerises puis les abricots et les kiwis, Pierre Lespect travaille avec Agrobiodrôm pour la commercialisation de ses produits. Quasiment 100 % de sa production est livrée à cette SAS2, située à moins de cinq kilomètres du siège de son exploitation. Mais cette année, suite au gel, c’est à peine 20 % de ses volumes habituels, toutes espèces confondues, qu’il pourra espérer commercialiser. « J’ai récolté moins de 20 % en cerises et rien en prunes. Sur les pommes, je devrais faire 60 % des volumes, toutes variétés confondues », détaille-t-il. Quant aux kiwis, qu’il a en partie protégés par aspersion, il espère avoir sauvé la moitié de la récolte mais reste prudent sur ces prévisions.
Au début du mois d’octobre, il ne savait toujours pas s’il pourrait compter sur un soutien du fonds de garantie des calamités agricoles pour les productions considérées comme « marginales ». « J’ai fait remonter [aux services de l’État, ndlr] les pertes de récolte en figues et kakis, indique-t-il. Cette année par exemple, l’absence de récolte en kakis [un hectare en production, ndlr] va représenter la plus grosse perte économique de mon exploitation ». La DDT de la Drôme confirme que le comité national de gestion des risques en agriculture (CNRGA) a reconnu le caractère de calamité agricole pour les pertes de récolte sur poires, coings, pommes, noix, amandes, kiwis, grenades, figues et kakis, ainsi que les pertes de fonds sur grenadiers. Mais le cabinet du ministre de l’Agriculture n'a pas encore rendu son arbitrage sur les pertes de fonds sur baies de goji.
Un signal des pouvoirs publics
Pierre Lespect comptait sur ce signal fort des pouvoirs publics en direction des producteurs qui ont fait le choix de se diversifier. « Nous sommes très loin de fournir les volumes nécessaires au marché français sur ces productions mineures. Il y a des opportunités à saisir pour les jeunes qui veulent s’installer », ajoute-il. Cette diversification peut selon lui apporter des réponses pour limiter les pressions parasitaires qu’il estime de plus en plus difficiles à maîtriser en bio compte tenu de la spécialisation des vergers. Il souligne aussi l’intérêt que peuvent représenter ces productions face au changement climatique pour mieux gérer les besoins en eau tout au long de la saison. « Ecarter certaines espèces de l’indemnisation suite au gel aurait dissuadé les producteurs de les mettre en place sur leurs exploitations », assure-t-il. Une décision qui aurait pu, selon lui, constituer un véritable frein à la diversification.
Sophie Sabot
1 Variétés qui produisent deux fois dans l’année.
2 SAS : société par actions simplifiée.
