Piloter son énergie au plus près
À Grenoble, les Rencontres économiques du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes et du Medef, se sont penchées sur les solutions à mettre en œuvre face à l’explosion de la facture énergétique des entreprises.

«Nous avons rarement vu une telle amplitude de prix ayant un tel impact sur les entreprises de tous les secteurs confondus », lance Jean-Pierre Gaillard, le président du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, en introduction des Rencontres économiques 2023 organisées à Grenoble dernièrement, conjointement avec le Medef Isère. Le thème de la soirée portait sur la hausse du coût de l’énergie et les solutions mises en œuvre en entreprise. Tous les experts qui se sont exprimés au cours de la soirée sont unanimes : l’énergie ne retrouvera jamais son niveau d’avant 2022 et demeurera chère.
Stéphane Dahmani, le directeur adjoint du pôle économique du Medef France, a proposé un focus sur les prix de l’énergie. « Dans l’industrie, 48 % des entreprises ont renégocié leurs contrats d’électricité en fin d’année 2022 », explique-t-il. Elles seront 37 % à renégocier fin 2023. 26 % des entreprises qui ont renégocié estiment que leur facture a doublé. L’économiste constate que ces hausses de tarifs pèsent sur les trésoreries. Ses perspectives pour 2023 sont mesurées en raison d’indices économiques « pas très bien orientés ». Le moral des ménages est en berne, la production industrielle ralentit, les commerces et l’hôtellerie-restauration voient leur activité se stabiliser en raison de l’inflation et le tertiaire « n’alimentera plus la croissance en 2023 comme cela a été le cas en 2022 », prévient Stéphane Dahmani.
Investir dans le numérique
2023 sera donc une année encore placée sous le signe de l’inflation - le pic n’ayant pas encore été atteint - et de tensions dans l’industrie et dans l’énergie. Les prix augmenteront encore dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation, des biens manufacturés et des services. Un prix de l’énergie « qui grignote la rentabilité et la marge des entreprises », alors qu’elles sortaient du Covid avec une situation financière saine.
Pour l’économiste, les deux défis à relever en 2023 seront ceux des salaires et de la fiscalité avec la fin du « quoi qu’il en coûte ». Dans l’industrie, les entreprises redoutent la perte de compétitivité. Enfin, Stéphane Dahmani déclare que la croissance qui s’était établie à 2,6 % du PIB en 2022 risque de céder la place à une récession estimée à 0,2 %. Pour faire face à ce contexte chahuté, il préconise des projections sur le long terme, une « réorientation du modèle productif » et des investissements dans le numérique.
« Peu de sites sont digitalisés pour piloter leur énergie », confirme Jérôme Teissier, président de Naldeo, bureau d’études et d’ingénierie spécialisé dans les enjeux de la transition écologique. Il assure qu’un diagnostic énergétique peut apporter à lui seul « un gain de 10 % sur la facture énergétique ». Ses conseils pour les entreprises : réutiliser les déchets, les rebuts de production comme systèmes de combustion, récupérer la chaleur, électrifier certains process, installer des panneaux photovoltaïques, explorer les filières méthanisation, hydrogène etc.
Faire des arbitrages
Certaines entreprises ont dû s’adapter à la vitesse grand V, comme la Sata qui gère les domaines skiables de l’Alpe d’Huez, des Deux Alpes et de La Grave. « Nous nous sommes transformés en traders », assure Fabrice Boutet, son directeur. Au mois de juillet 2022, il a vu les coûts de l’énergie grimper d’un à dix. L’entreprise a « réussi » à passer de 2 à 12,5 millions d’euros de facture énergétique. Pour cela, toute la panoplie de la résilience a été déployée : diagnostic énergétique des bâtiments, écogestes, adaptation de la vitesse des remontées mécaniques dans un premier temps. « Sur le long terme, nous nous sommes engagés dans un diagnostic complet des installations », explique le responsable. La réflexion porte sur la neige de culture, les échanges de chaleur, les dameuses à hydrogène, les bâtiments d’altitude équipés de panneaux photovoltaïques, etc. Mais ces investissements obligent l’aménageur à faire des arbitrages. Certains projets ont été remis à plus tard. Toutefois les ascenseurs valléens, portés par les contrats de plan Etat-Région et dont l’objectif est de tendre vers une montagne « zéro voiture et zéro pollution » en misant sur les télécabines qui partent directement des vallées, verront bien le jour.
Isabelle Doucet