Santé
Des chiens d’assistance pour jeunes diabétiques

A Livron-sur-Drôme, Acadia est la première structure en France à former des chiens d’assistance pour jeunes diabétiques insulino-dépendants.

Des chiens d’assistance pour jeunes diabétiques
Comme déjà dix autres chiens, Oasis a été formé par l’association Acadia à détecter les variations de glycémie. « Oasis assiste Axel et ressent ses variations de glycémies vingt minutes avant la crise, c’est incroyable », confie la maman d’Axel.

À la suite d’une hospitalisation de Théo-Vic, petit garçon de tout juste deux ans habitant à Loriol, sa famille apprend qu’il est atteint du diabète de type 1. Cette maladie auto-immune est due à l’arrêt de production de l’hormone insuline par le pancréas. Pour Solène et Arnaud, ses parents, une nouvelle organisation s’impose afin d’éviter à leur enfant tout risque de malaises et de comas. Toutes les deux heures, de jour comme de nuit, des contrôles glycémiques sont nécessaires. Après des recherches sur internet, ils découvrent à l’étranger l’existence de chiens formés à détecter par l’odorat les variations de glycémie et à prévenir le malade et ses proches. Ils se rendent au Canada puis aux Etats-Unis dans l’objectif d’en adopter un pour le ramener en France. Mais rapidement ils se heurtent à plusieurs difficultés dont celles du coût (25 000 dollars) et de la langue (le chien a été éduqué en anglais). De retour en France, après en avoir parlé à d’autres parents d’enfants diabétiques, germe alors l’idée de ramener ce savoir-faire éducatif dans notre pays. C’est ainsi que naît l’association Acadia en 2015 à Livron-sur-Drôme.

Six à dix mois de formation

Acadia s’est appuyée sur Jennifer Cattet, une formatrice franco-américaine de renommée mondiale. « Venue spécialement des Etats-Unis de 2017 à 2018, elle a ainsi pu transmettre son savoir-faire à trois éducateurs canins, explique Florine Munier, responsable de l’association. Les trois années suivantes, elle est revenue pour en former une dizaine d’autres. »

Six à dix mois sont nécessaires pour éduquer un chien d’assistance. La première étape consiste à sélectionner l’animal dans un refuge SPA (ou auprès d’autres associations de chiens d’assistance en cas de réforme). Après quelques évaluations, le chien est ramené au domicile de l’éducateur pour deux mois de tests plus poussés. Une quinzaine de comportements de base (sociabilité, motivation au travail, confiance, obéissance...) sont étudiés afin de valider un premier niveau d’éducation. Des tests de santé sont aussi réalisés par un vétérinaire. « Nous ne privilégions aucune race, on cherche des chiens ni trop petits, ni trop grands, indique Emeline Bonnet, éducatrice canin et prestataire d’Acadia depuis trois ans après avoir été formée par Jennifer Cattet. L’objectif est de s’assurer qu’il puisse être chien d’assistance. » Si tel est le cas, débute alors un travail sur l’olfaction et l’alerte.

Olfaction et alerte

Pour apprendre à discriminer une hypoglycémie d’une glycémie normale, l’entraînement du chien se fait avec des boîtes contenant des capsules de sueur de personnes en crise d’hypoglycémie et en glycémie normale. L’ensemble du parcours de formation du chien s’étale sur six à dix mois. A tout moment, le chien peut être réformé. Dans ce cas, Acadia recherche des adoptants. © www.edenphotographyanimalier.com.jpg

Lors de ce deuxième niveau, « on apprend au chien à discriminer une hypoglycémie d’une glycémie normale », explique Emeline Bonnet. Chaque jour de la semaine, à raison de deux à trois séances de travail de cinq à dix minutes, le chien est amené à renifler des boîtes contenant diverses capsules. A l’intérieur de celles-ci, de la sueur de personnes en crise d’hypoglycémie ou en glycémie normale. « Comme pour les chiens dédiés à la recherche de stupéfiants ou tout autre travail sur les odeurs, on leur apprend à marquer un échantillon spécifique au milieu de plusieurs autres », ajoute Emeline Bonnet. Spontanément, le chien pourra ainsi détecter toutes les variations (hypo ou hyperglycémie).

Parallèlement, l’animal acquiert les comportements d’alerte comme le « poke » qui consiste à donner à la personne en anomalie glycémique un coup de museau très insistant sur la cuisse ou sur le bras. « On apprend au chien à ne pas s’arrêter tant que le bénéficiaire ne réagit pas », précise l’éducatrice. Le chien peut aussi être formé à pousser un bouton d’alarme situé dans la maison.

Une centaine de demandes

La suite de la formation est plus spécifiquement consacrée à l’aide médicale. Au cours de ce troisième niveau, « on apprend au chien à aller chercher une trousse à pharmacie, aider la personne à se relever, chercher de l’aide auprès d’une autre personne..., pousuit Emeline Bonnet.

Pour les familles désirant un chien, l’attente peut durer plusieurs années. « Nous enregistrons actuellement une centaine de demandes pour dix chiens en formation, indique Florine Munier. Nous souhaiterions pouvoir faire plus mais cela nécessite notamment des moyens. » Chaque chien formé coûte 20 à 25 000 euros (prestation de l’éducateur canin, alimentation, soins vétérinaires…). « Notre modèle économique est basé sur l’appel aux dons de particuliers, d’entreprises et de fondations  précise-t-elle. Acadia reste propriétaire du chien, celui-ci étant mis à disposition gracieusement des familles sous la forme d’un contrat renouvelable chaque année. Nous avons aussi développé un système de parrainage avec certaines entreprises sur le principe “un chien pour un enfant”. »

Christophe Ledoux

En savoir plus : Acadia, Centre Domazane, 295 Chemin des Buis, 26250 Livron-sur-Drôme - mail : [email protected] - web : www.acadia-asso.org

Le chien acquiert les comportements d’alerte comme pousser un bouton d’alarme situé dans la maison ou encore faire un « poke », c’est-à-dire donner à la personne en anomalie glycémique un coup de museau très insistant sur la cuisse ou sur le bras. Il apprend aussi à aller chercher une trousse à pharmacie, aider une personne à se relever, chercher de l’aide... © www.edenphotographyanimalier.com

A l’intérieur, en plein air, dans des lieux publics, « lors de la formation, nous mettons les chiens dans toutes les conditions », indique Emeline Bonnet, éducatrice canine pour Acadia.

Témoignage : "L’arrivée d’Oasis est un soulagement"

La vie de Raphael et Edwige Desprez, céréaliers à Ville-Saint-Jacques en Seine-et-Marne a été chamboulée il y a trois ans lorsque le diagnostic de diabète de type 1 a été posé sur leur fils, Axel. Trois mois plus tard, ils découvrent Acadia et tentent une demande d’adoption de chien d’assistance. « Nous avons été contactés après plus d’un an », raconte Edwige. Après plusieurs échanges avec l’association, par skype, un rendez-vous est leur est donné en juin 2020 à Livron. « On a rencontré l’équipe, les chiens et à la fin de l’été, Acadia nous a recontactés pour nous dire qu’Oasis nous attendait », confie-t-elle. Au fil des mois, sans le savoir, ils ont franchi les étapes les menant vers l’adoption d’un chien d’assistance.

La remise d’Oasis, chienne labrador formée par Emeline Bonnet, s’est faite en octobre. « C’était au moment des semis et Acadia nous a demandé de venir en famille pendant dix jours afin que tout le monde apprenne à vivre avec Oasis, se souvient Edwige Desprez. Avec mon mari, même si cela n’a pas été simple, nous nous nous sommes organisés. Dès notre arrivée dans la Drôme, Acadia nous a remis la chienne. On a commencé par des exercices simples (assis, couché...), des balades. Puis au fil des jours, on a appris différentes commandes ainsi qu’à savoir gérer les acquis. »

Réformée des chiens guides d’aveugles, Oasis veille désormais sur Axel. Tous deux sont devenus très complices. Pour les parents d’Axel, c’est un soulagement. Pour partager leur expérience, la famille a créée une page Facebook « Oasis, Axel, le diabète et du fun ».

Le retour à la maison s’est fait sans aucune difficulté. « C’est comme si Oasis avait toujours été là, elle comprenait tout », se souvient Edwige Desprez. Chargée de la comptabilité de l’exploitation, c’est elle qui gère le contrôle de la glycémie d’Axel, de jour comme de nuit. L’arrivée d’Oasis est un soulagement. « Elle n’est pas encore performante la nuit car c’est une grosse dormeuse, explique Edwige. Je continue de me lever la nuit et quand je constate qu’il y a une hypo ou une hyperglycémie, je la réveille pour qu’elle se rende compte du problème, ce qu’elle sent de suite en allant appuyer sur un bouton d’alerte situé dans la chambre d’Axel et qui sonne dans notre chambre. » Cet entraînement commence à porter ses fruits puisqu’Oasis a déjà fait quatre à cinq alertes spontanées. « A terme, j’espère bien pouvoir redormir des nuits complètes. La journée, Oasis ne loupe aucune alerte, ce qui est un vrai soulagement. J’arrive par moment à ne plus contrôler Axel. On se sent très chanceux. »

C. Ledoux