Génolavande : la génomique au service de la lavande
Développer de nouveaux outils permettant la caractérisation et la sélection des variétés de lavande, tel est l’objectif du programme Génolavande mené par l’Iteipmai. Tolérance au dépérissement, rendement intéressant et production d’huile essentielle de qualité sont les critères recherchés.

L’institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles (Iteipmai), installé à Montboucher-sur-Jabron, a ouvert ses portes le 18 juin aux professionnels agricoles et partenaires de la filière pour une présentation et une restitution des résultats obtenus dans le cadre du projet Génolavande. Ce projet CasDar* (2018-2020, prolongé jusqu’en septembre 2021 du fait des impacts de la crise sanitaire de la Covid-19 sur sa réalisation) vise à développer des outils et connaissances nécessaires à la mise en place de programmes de sélection assistée par marqueurs (SAM) pour l’amélioration de la lavande fine (Lavandula angustifolia). Il est le fruit de la collaboration entre l’Inrae d’Evry, le Crieppam et l’Iteipmai, financé par le ministère de l’Agriculture et le Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF). « Les programmes de SAM permettent d’améliorer le gain génétique en augmentant la précision et l’intensité de la sélection », souligne Guillaume Frémondière, responsable caractérisation et valorisation des ressources génétiques à l’Iteipmai.
Pour ce faire, deux actions phares sont menées. La première consiste en la réalisation d’une analyse d’association, à partir d’une collection de ressources génétiques, afin d’identifier des marqueurs moléculaires associés au rendement et à la qualité de l’huile essentielle, à la tolérance au stress biotique et à la tolérance au stress abiotique. La deuxième action consiste à développer des outils de SAM, en l’occurrence une carte génétique et un protocole de croisement dirigé.
Définir le stade optimal de pollinisation
Dans ce contexte, une collection d’étude « adulte » de Mévouillon a été construite, clonée et installée sur deux sites aux conditions pédoclimatiques contrastées. Objectif : distinguer l’effet de l’environnement de l’effet génétique sur les caractères mesurés. Un catalogue de descripteurs a également été construit afin de pouvoir caractériser au mieux les collections. « Pour le développement des outils de SAM, en 2018 et 2019, les protocoles de croisements testés ont permis de définir les stades de floraison de la lavande et d’identifier la meilleure méthode et le meilleur stade de castration. Les essais mis en place en 2020 ont permis d’explorer le stade optimal de pollinisation. Ainsi, nous avons observé qu’une pollinisation manuelle 72 heures après castration donne de meilleurs résultats en termes de nombre de graines obtenues (21 % de réussite) qu’une pollinisation 48 h après castration (15 % de réussite) », ajoute Guillaume Frémondière. Des travaux complémentaires se poursuivent pour continuer d’optimiser la pollinisation.
En parallèle, l’expérimentation a permis d’établir une descendance en ségrégation, obtenue à partir de l’autofécondation de Maillette. L’an passé, les ADN de cette descendance ont été extraits et génotypés grâce aux connaissances acquises dans le projet Génolavande.
Des croisements entre variétés
« Ces données ont permis de construire une carte génétique et d’ordonner ainsi les marqueurs moléculaires dans le génome de la Maillette », indique-t-il. La suite des travaux permettra d’envisager des croisements ciblés dans le but d’obtenir un descendant combinant les traits d’intérêt de ses deux parents. Actuellement, des croisements entre les variétés Diva et Maillette sont en cours. « L’objectif est d’obtenir des descendants faciles à bouturer, tolérants aux stress biotiques et abiotiques (comme le clone Diva) et produisant une huile essentielle dont le profil est recherché sur la marché (comme le clone Maillette) », prévient le responsable de l’expérimentation. Une analyse sera réalisée dès le stade plantules (avec les outils de génotypage) puis sur les premières fleurs (par chimiotypage). Seuls les individus présentant les marqueurs - génotypique et chimiotypique - recherchés seront ensuite plantés. Ces travaux font l’objet d’un programme spécifique financé par FranceAgriMer et le CIHEF : le projet SELAV. « La filière est assez dynamique, avec des perspectives d’amélioration continue. Nous cherchons à créer des variétés d’avenir qui entreront dans la filière plants sains », conclut Guillaume Frémondière.
Les résultats de ces projets seront portés à la connaissance des professionnels de la filière, sur le site internet : www.iteipmai.fr
Amandine Priolet
* CasDar : Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural.

Expérimentation / Dodileo, un projet axé sur le stress hydrique des plants
Parmi les essais en cours sur la station expérimentale de Montboucher-sur-Jabron, l’équipe de l’Iteipmai travaille sur le programme Dodileo (Dendrometric Observations of Drought Impact in Lavender for Essential Oil). Ce projet, financé par la Fondation Givaudan et qui s’étale sur trois ans (2021-2023), est l’une des suites du programme RECITAL (réponses aux évolutions climatiques par l’innovation et les techniques alternatives dans les lavanderaies). Il vise à déterminer les effets agronomiques de sécheresses modérées à fortes sur la lavande et le lavandin.
Le stress hydrique peut en effet avoir un impact considérable sur la croissance et la survie des plants. C’est ce qu’ont montré les travaux de Lia Lamacque, docteure en Écophysiologie végétale. Elle a utilisé des dendromètres [lire également ci-dessous] pour suivre l’état hydrique d’un plant de lavande. Ces travaux ont pu mettre en évidence qu’une perte de diamètre de 21,15 %, signe d’une sécheresse sévère, entraîne la mort de la plante. A terme, le programme Dodileo permettra de proposer un système d’aide à la décision aux producteurs pour le pilotage de leurs cultures sur la gestion de l’eau, de caractériser la diversité génétique sur les espèces ciblées et leur sensibilité au stress hydrique, d’évaluer l’impact d’itinéraires culturaux innovants et de développer des indicateurs standards pour suivre l’évolution du changement climatique d’années en années.
A. P.
Reconnaissance : une ancienne salariée de l’Iteipmai primée

Lia Lamacque, doctorante en écophysiologie végétale à l’UMR Piaf Inrae et ancienne salariée de l’Iteipmai, a été primée lors du 24e prix Jeune chercheur de la Ville de Clermont-Ferrand, mettant en avant le talent de communication de jeunes docteurs issus de l’Université Clermont Auvergne et Associés (UCAA). « L’enjeu de ce concours était de vulgariser nos travaux de recherche afin de rendre accessible notre sujet scientifique au plus grand nombre », explique la jeune femme originaire de Corrençon-en-Vercors (38). Reconnue par ses pairs, Lia Lamacque, a remporté le prix Limagrain Auvergne-Rhône-Alpes. « Je suis très heureuse d’avoir gagné ce prix qui met en avant la collaboration entre l’Iteipmai et mon laboratoire de l’UMR Piaf », se réjouit-elle. Face au jury, le 23 juin dernier, la jeune femme a présenté les résultats de sa thèse (2017-2020) sur le stress hydrique en lavanderaies, qui fait partie intégrante du projet RECITAL (réponses aux évolutions climatiques par l’innovation et les techniques alternatives dans les lavanderaies). Cette thèse est articulée autour de deux volets : l’impact des paramètres climatiques sur le développement de la lavande et du lavandin et l’évaluation de l’impact de la sécheresse en plein champ et de l’impact de différents couverts végétaux sur la physiologie du lavandin et notamment sur son état hydrique. Au fil de ses recherches, Lia Lamacque a notamment développé l’utilisation de dendromètres – déjà employés en arboriculture -, de type PépiPIAF, afin de mesurer les variations du diamètre des tiges et suivre en continu l’état physiologique des plants. « Grâce à cet outil, on peut désormais caractériser la mortalité d’une plante », conclut-elle.