Accès au contenu
Nuciculture

Eviter le tassement  des sols dans les vergers 

À Cras (Isère), la coopérative Coopenoix a organisé une journée technique sur le thème du tassement des sols.

Eviter le tassement  des sols dans les vergers 
Observation du profil du sol dans un plantier de fernor à Cras.

La coopérative Coopenoix a organisé une journée technique sur le tassement des sols dans les vergers de noyers, à Cras, à la mi-juin. Eudes Aarnink, consultant à l’Isara Lyon, et Marc Pelletier, spécialiste des pneumatiques agricoles chez Michelin, ont respectivement présenté les causes du phénomène de tassement et les techniques pneumatiques pour alléger le passage des engins.
Des démonstrations de passage d’engins (tracteur, pulvé, ramasseuse) ont été effectuées dans un plantier de fernor.
Le principal problème lié au tassement du sol est la perte de porosité 
« plus ou moins réversible en fonction de la constitution du sol », explique Eudes Aarnink. Un sol se tasse sous l’effet des conditions climatiques ou de l’activité humaine. Même un sol équilibré, composé à 50% de matière solide et 50% d’air et d’eau, voit sa porosité se réduire sous l’effet du tassement.
Le travail du sol est une des premières solutions pour restaurer un tassement. « Les outils à dents permettent de créer une porosité verticale, indique Eudes Aarnink. Les limites restent la profondeur de travail. » Il est donc difficile d’intervenir sur un tassement profond. 

Trois types de porosité

Les couverts végétaux peuvent être envisagés comme solution mais leur effet se mesure sur le long terme. « En revanche, un couvert sur un sol qui n’est pas tassé contribue au maintien de sa structure », assure le consultant. 
Il précise le fonctionnement du système racinaire d’un couvert : « La plante longe la semelle et descend dès qu’elle trouve une porosité naturelle. Ensuite, la porosité s’écarte de la racine, mais cela prend des années. »
Le spécialiste décrit les trois types de porosité du sol : la porosité tubulaire est le résultat de la vie biologique du sol ; la porosité interstitielle est produite par le travail du sol et la porosité fissurale est due aux alternances sec-humidité. Cette dernière est la moins sensible au tassement.
Lorsqu’un engin passe dans un champ, la zone tassée sous le pneu décrit en profondeur un losange inversé. Le tassement augmente avec le degré d’humidité du sol. Plus la charge sur l’essieu est importante et plus le tassement sera fort.

Le poids et l’humidité

Parmi les préconisations, le consultant conseille de limiter l’accès aux parcelles « des machines qui n’ont rien à y faire ». Les remorques restent dans les chemins où en bordure. Les trémies sont vidées le plus souvent possible. « L’intérêt de disposer d’équipements spéciaux est que le tassement fort reste en surface, et reste mécaniquement récupérable », ajoute Eudes Aarnink.
Des tests effectués pour caractériser le tassement au regard du nombre de passages, indiquent qu’un deuxième passage, sur une même trace, accentue le tassement de surface. 
Conclusion : le poids par essieu tasse plus en profondeur que le nombre de passages. L’humidité accentue le phénomène de tassement. Les chantiers et l’utilisation des matériels sont donc à réfléchir en fonction des ces paramètres.

Sous pression

La R&D du fabriquant Michelin s’est penchée sur la structure des pneus pour diminuer les conséquences du tassement. « Car on ne peut pas changer la pression toutes les 5 minutes », note le spécialiste Marc Pelletier. « Mais il n’y a pas de solution miracle. Il y a autant de méthodes que d’agriculteurs », ajoute-t-il.
Une pression trop faible peut endommager le pneumatique et présente un risque en circulation sur route. Un pneu trop gonflé expose au risque de patinage, de tassement, de coupure, d’arrachement. Il est également moins stable. L’objectif est donc « d’avoir une meilleure répartition possible de la charge sur l’aire de contact ».
Il rappelle quelques principes : augmenter la charge sur un pneu sans en augmenter la pression augmente la surface de contact au sol. Il rappelle que la pression exercée au sol « est sensiblement égale à la pression de gonflage ».

Un fusible

Michelin mène ses tests en garnissant des fosses d’une superposition de couches de terre et de couches de sable. Les premières observations indiquent que le passage des roues a tendance à avoir un effet sur le tassement vertical.
Marc Pelletier décrit le pneu « comme un fusible », entre le sol et l’engin. Sa fonction est de parvenir à une « meilleure répartition au sol de son empreinte pour éviter de le déformer, avec le moins de pression possible ».
Et plus un pneu contiendra d’air et mieux il pourra supporter de charge possible.  
« à pression équivalente, un pneu présente une capacité de charge supérieure s’il est plus grand », souligne Marc Pelletier. Hauteur, largeur et pression des pneus sont donc à considérer avec attention.
Le spécialiste fait valoir la technologie radiale, dont la carcasse à bâtons rompus et les nappes de ceinture assurent 
« une bonne répartition de la charge par cm2 et offrent souplesse des flancs et rigidité de la bande de roulement des pneus  ». Selon le constructeur, ils apportent aussi « une meilleure capacité de traction ». Néanmoins, la technologie radiale est moins bien adaptée aux petits volumes, où prévalent les pneus à carcasses diagonales, comme c’est souvent le cas des engins agricoles de la région.

Charge à l’essieu

La pression des pneus recommandée par le constructeur est fonction de la vitesse de l’engin et donc de son usage  : 10 km/h pour un chargeur, 30 km/h pour des travaux de traction, 40 km/h pour de la route. 
Enfin, il est intéressant de connaître la charge par essieu. C’est le poids du tracteur par essieu, plus le poids de l’outil, plus celui du report de charge. Ce poids se pèse sur une bascule ou se calcule via une application. Là aussi, il convient de se référer aux données constructeur pour  le choix de pression de gonflage. 

Isabelle Doucet

Quand passent les engins

Structure du sol et effet du tassement sous les pneus ont été observés de près dans une parcelle de jeunes noyers. 

À Cras, dans la parcelle plantée en variété fernor au printemps 2022 par Sylvain Bergeron, les experts ont procédé à des démonstrations en présence d’une cinquantaine de coopérateurs de Coopenoix. Avant le plantier, le terrain était en grandes cultures. Il a bénéficié d’un décompactage et d’un labour avant la plantation du verger.
Eudes Aarnink a exploré une coupe d’un mètre de profondeur d’un sol limoneux-sableux et peu argileux, « donc relativement sensible au tassement ». Le sol présente une croûte à 10-12 cm. Il est donc exposé au risque de battance, car l’eau pénètre moins. La partie superficielle est tendre. Cependant, la présence de mottes delta, qui présentent une surface lisse, témoigne d’un tassement. « Mais ce n’est pas catastrophique, rassure Eudes Aarnink. Il y a des racines et des vers de terre. L’enjeu sera que les jeunes noyers parviennent à se frayer un passage et fassent leurs racines », ajoute-t-il.
La semelle de labour se trouve à 30 cm. « C’est encore plus dur en dessous », remarque le consultant.
Au fond de la fosse, à 1,10 m, les galets de la moraine glaciaire constituent la réserve d’eau.
Face à ce diagnostic de tassement important, le consultant envisage deux solutions : « Vivre avec ou mettre un couvert dense qui fait de la racine à moyen terme ».

Sur le terrain