PORTRAIT
Des récits de voyage pour financer son futur troupeau
En cours d’installation en élevage ovin lait en sud Ardèche, Valentin Anconiere a édité en 2021 ses récits de voyage sur la cordillère des Andes, dans le but de recueillir des fonds pour la création de sa ferme. Il vient également de réaliser un court-métrage amateur sur son dernier périple dans les Alpes.
De l’environnement à l’agriculture, il n’y a qu’un pas. C’est en tout cas le chemin qu’a pris Valentin Anconiere, âgé aujourd’hui de 25 ans, après avoir obtenu un diplôme de gestion et protection de la nature dans le Puy-de-Dôme. Déçu des perspectives de travail qui lui sont offertes, ce jeune homme originaire de Seine-et-Marne envisage de « protéger autrement l’environnement ». Le woofing le mènera à travailler bénévolement dans de petites exploitations en Corrèze, en Dordogne, dans l’Allier, puis dans l’élevage ovin et caprin d’Édith et Jean-Marc Dupuis à Balazuc (sud Ardèche). Il y tient la place de berger pendant une dizaine de mois en 2018. « J’ai pris ces expériences de woofing comme une formation. À Balazuc, j’étais avec les brebis durant toute la journée. Être berger, paysan, c’est un mode de vie qui se choisit, en lien avec la nature et les cycles, en intervention directe sur le milieu. C’est devenu finalement ma façon à moi de protéger l’environnement », explique-t-il.
Par cette prise de conscience et une homosexualité désormais assumée, Valentin Anconiere entreprend alors un voyage en Amérique du Sud en janvier 2019, « pour réfléchir à la vie, tuer l’enfant qui se noyait par le poids de son secret, pour revivre et renaître », confie-t-il. Cap sur le grand sud des Amériques, où il voyage en auto-stop sur la cordillère des Andes pendant 90 jours. Des chemins sauvages et grandioses. Depuis Ushuaïa (Argentine) jusqu’au salar d’Uyuni (Bolivie), en passant par Santiago du Chili, plus de 300 personnes le prennent en stop. Le jeune homme multiplie les rencontres avec les locaux, se confronte à la vie dans les glaciers, la forêt, la plaine, la ville… Il se retrouve dans des haciendas chiliennes, auprès d’apiculteurs argentins… « L’environnement joue un rôle sur l’humain. C’était mon premier voyage, seul, en sac à dos. J’écrivais tous les jours. Ces récits étaient seulement pour mes parents au départ, mais je me suis prêté au jeu de l’écriture, à la prise de photos, puis je me suis dit que ce serait intéressant de l’utiliser pour financer notre projet agricole avec mon compagnon. »
La Ferme de la Pampa : « un lieu qui raccroche à la nature »
Son compagnon, Julien Sueur, Valentin Anconiere l’a rencontré à Balazuc durant son expérience de berger. Ce dernier est alors en parcours d’installation en viticulture, oléiculture et maraîchage. Ensemble, le couple dessine un projet agricole commun, celui de la « Ferme de la Pampa ». Une ferme agroécologique diversifiée où ils élèveraient des brebis laitières pour produire des yaourts et des glaces, vendus en circuits courts et en direct sur la ferme. Ils projettent d’élever 40 brebis de race lacaune, adaptée aux espaces secs de pâturage du sud Ardèche. Leur lait présente aussi des atouts pour la production de yaourts et de glaces. Ils ont acquis 6 hectares à Lagorce et Grospierres en 2022 et 15 ha en fermage à Lagorce, ajoutés aux 3 ha qu’ils acquerront en septembre à Saint-Alban-Auriolles. Ils s’orientent vers « une ferme à taille humaine, autonome en alimentation via les surfaces pâturables des alentours et l’achat de deux parcelles au sol plus profonds et plus riches pour effectuer la fauche, avec une bergerie, une salle de traite, un espace de stockage de foin et d’aliments, un atelier de transformation et un magasin de vente, le tout réuni dans un même bâtiment de 625 m2 qui disposera sur sa toiture d’un système de récupération d’eau de pluie et de panneaux solaires, expose Valentin Anconiere. L’idée est aussi de créer une terrasse suspendue qui donne sur nos prairies naturelles et le rocher de Lagorce pour y vendre nos glaces, servies sur place. Un lieu qui raccroche à la nature. » Le troupeau sera désaisonné pour produire du lait d’octobre à fin mai. Objectif : adapter leur système au contexte de réchauffement climatique, à la disponibilité du pâturage, au bien-être animal (pas de lactation l’été) et se libérer du temps pour la commercialisation des produits en saison touristique. Quelques ruches ont été placées pour polliniser leurs pâtures. Ils souhaitent également implanter un petit verger de variétés locales (pêchers, figuiers, amandiers) entretenu par leurs poules qui permettent de diversifier leurs activités.
Des Alpes françaises jusqu’à la mer Adriatique
Dès le départ, le jeune couple réfléchit à recueillir des fonds pour la création de leur ferme. Valentin réunit ses récits de voyages sur la cordillère des Andes dans un livre : « Pour ne pas oublier », paru en 2021 et tiré à un millier d’exemplaires. Il est vendu à prix libre sur les marchés et s’est placé sur les étals de divers festivals de voyages et d’aventures comme le festival Allo La Planète à Joyeuse. Les retombées financières contribuent au financement de leur futur troupeau de brebis laitières. Depuis cinq ans, Valentin Anconiere travaille aussi en saison chez le maître artisan glacier Thierry Aigon à Vallon-Pont-d’Arc où il a pu acquérir une solide expérience dans la conception des glaces. En 2022, « en quête de liberté et d’oxygène », il décide de partir sur les estives dans les Alpes, à la rencontre des bergers notamment. Il cultive aussi l’envie de réaliser un court-métrage amateur de ce périple, afin de communiquer autour de son projet agricole. « Depuis les Alpes françaises, de Briançon jusqu’au Mont-Blanc, j’ai tracé ma route en direction des Alpes suisses vers les glaciers de Zermatt. En auto-stop, j’ai rejoint les Dolomites italiennes puis le parc du Triglav en Slovénie. Après une semaine de pluie, j’ai finalement mis le cap vers le sud, la Croatie, jusqu’à la mer Adriatique qui marque la fin de mon voyage », retrace-t-il. Sur cet itinéraire, il a effectué une journée d’auto-stop contre quatre jours de marche en solitaire dans les montagnes, muni d’un sac de 11 kg, eau et nourriture compris. Son court-métrage intitulé « Sur le fil des Alpes » offre à découvrir les paysages alpins et partager les rencontres faites en chemin. Il vise à soutenir financièrement la Ferme de la Pampa, plus particulièrement l’acquisition d’un système de récupération d’eau de pluie d’une capacité de 200 m3 et l’implantation du verger. « Cette expérience m’a permis aussi de me former aux techniques de film et montage vidéo. » Des compétences que Valentin Anconiere entend utiliser pour partager le quotidien de la Ferme de la Pampa avec la clientèle.
En attente de validation de leur demande de prêt bancaire, le couple espère entamer les travaux de terrassement, de raccordement en eau et d’électricité en octobre prochain, la construction de la bergerie en janvier et accueillir leurs brebis en août 2024.
Anaïs Lévêque
De gauche à droite : Valentin Anconiere et Julien Sueur, sur le site de leur future ferme agroécologique (Ferme de la Pampa) à Lagorce. Ils projettent d’élever des brebis laitières destinées à la production de yaourts et de glaces. © Valentin Anconiere
PROJECTIONS : « Sur le fil des Alpes »
Une première projection du court-métrage « Sur le fil des Alpes » (45 mn) de Valentin Anconiere a eu lieu le dimanche 18 juin à Ruoms. Une aventure en solitaire et en auto-stop, depuis le sud de l’Ardèche jusqu’à la mer Adriatique en Croatie. D’autres projections sont prévues en Ardèche après le mois de septembre au cinéma d’Aubenas, des Vans, de Rosière, Lussas…
« Sur le fil des Alpes » pourrait rejoindre la sélection de la prochaine édition du festival du film de voyage et d’aventure « What A Trip » de Montpellier, ou encore l’édition 2024 du festival « Allo La Planète » de Joyeuse (Sud Ardèche).
Séance à prix libre. Bande annonce à découvrir sur YouTube.