Trufficulture
La truffe, richesse de la Drôme

Premier département trufficole de France, la Drôme compte trois bassins de production du diamant noir ô combien renommé : le Tricastin, le Val de Drôme et la Drôme des Collines. Rencontre avec trois passionnés de ce produit d’exception.

La truffe, richesse de la Drôme
La Baume Saint-Antoine, gérée par Karine et Franck Boissieux, est spécialisée en production de truffes Tuber melanosporum. (crédit photo : La Baume Saint-Antoine)

Karine Boissieux, La Baume Saint-Antoine, Romans-sur-Isère
Une volonté de démocratiser la truffe

Depuis 1993, Karine et Franck Boissieux sont à la tête de La Baume Saint-Antoine, une trufficulture installée dans le dernier quartier rural de Romans-sur-Isère. Elle est située sur le coteau des Balmes, en Drôme des Collines, reconnue comme étant une zone de production de truffes noires - Tuber melanosporum - importante. Une exploitation qui se veut avant tout familiale puisque Franck représente la troisième génération. « Il y a toujours eu des truffes sauvages sur l’exploitation », remarque Karine Boissieux. Passionné de truffes depuis longtemps, le couple cultive douze hectares d’arbres truffiers plantés et trois de truffiers sauvages, en bio. « Nous avons une véritable passion pour ce produit, avec le plaisir de maîtriser les différentes étapes, de l’entretien de nos chênes à la commercialisation de nos truffes », poursuit-elle. Pour l’étape du cavage, les trufficulteurs peuvent s’appuyer sur le travail de leurs trois chiens, de race lagotto romagnolo. 
Par ailleurs, le couple apprécie le contact avec les consommateurs, gourmands de truffes ou simples curieux. Ainsi, depuis 2013, Karine et Franck développent l’agritourisme en ouvrant les portes de La Baume Saint-Antoine au grand public. Les rabassiers romanais accueillent tout au long de l’année des groupes ou des particuliers pour une découverte de la truffe drômoise. « Les offices de tourisme nous aident énormément à commercialiser nos offres découverte », souligne l’exploitante. Au programme de ces visites : histoire de l’exploitation, découverte de la truffière, cavage, repas dans la ferme-auberge... « Nous aimons partager notre passion, parler de notre métier. On s’aperçoit que les gens ont souvent peur de la truffe avec le prix au kilogramme. Nous aimerions bien la démocratiser sans la vulgariser et faire comprendre à tout le monde que la truffe n’est pas réservée à un certain standing, mais bien à tous ». Côté commercialisation, Karine et Franck Boissieux misent sur la vente directe. « Notre cœur de métier est de vendre nos truffes à l’état frais pour les particuliers », prévient-elle, évoquant également un réseau fidèle de restaurateurs. Le complément est mis en conserves, sous forme de brisures ou de truffes entières.  

Amandine Priolet

Damien Froment travaille en agroforesterie les cultures truffières et de plantes à parfum aromatiques et médicinales. (crédit photo : La Ferme du Pourcier)

Damien Froment, La ferme de Pourcier à Saint-Nazaire-le-Désert : reconversion professionnelle réussie

Après dix-huit ans passés dans le domaine des ressources humaines dans la région grenobloise puis lyonnaise, Damien Froment a franchi le cap de la reconversion professionnelle en s’installant dans la Drôme en tant qu’agriculteur. « C’était l’occasion de renouer avec mes racines familiales agricoles (de par ses grands-parents, ndlr) et de partager avec mon beau-frère sa passion pour les truffes », explique-t-il. Ainsi, en 2016-2017, Damien Froment a suivi une année de formation agricole (BPREA) au CFPPA de Nyons (option transformation alimentaire des produits, ndlr), en bénéficiant en parallèle d’un tutorat au sein du domaine de Bramarel tenu par Gilles Ayme à Grignan. « Il m’a appris toutes les ficelles du métier et m’a aidé à me faire connaître dans le milieu », reconnait Damien Froment, qui a pu, par la même occasion, acquérir des connaissances en termes de conserverie de la truffe. Depuis septembre 2017, il a repris La ferme de Pourcier à Saint-Nazaire-le-Désert où il cultive 37 hectares en bio, dont 25 de truffière naturelle de landes et bois et 12 de lavande et lavandin. Les récentes plantations truffières (environ 4,5 ha) sont réalisées en agroforesterie avec les lavandes. « Le griffonnage sur les plants de lavande permet d’aérer le sol, une action favorable au développement des truffes », rappelle-t-il. S’il confie les prestations mécaniques à ses voisins agriculteurs, Damien Froment consacre son temps à développer la partie conserverie. « La trufficulture représente deux tiers de mes revenus. Au-delà de mes ventes de truffes fraîches, je propose des conserves de truffes entières stérilisées en première ébullition. D’autre part, je transforme de l’huile d’olives AOP de Nyons, de l’huile de noix et du sel de Camargue à la truffe ». Ses produits sont commercialisés sous la marque « L’atelier des truffes ». Côté vente justement, Damien Froment mise sur les circuits courts. Il commercialise sa production sur des foires auprès d’épiceries fines ou bien directement en ligne sur son site internet. 
Amandine Priolet

Audrey Chabert a noué une relation de confiance avec les cinq chiens du domaine, de race Springer Spaniel, dressés exclusivement pour le travail dans les truffiers. (crédit photo : Domaine de Cordis)

Audrey Chabert, Domaine de Cordis, Grignan : une transmission entre père et fille

Une histoire de famille. A première vue, rien ne prédestinait Audrey Chabert à rejoindre le monde agricole. Ayant suivi des études d’architecture, la jeune femme avait une tout autre idée en tête. Mais l’occasion de rejoindre son père Didier - ancien nougatier montilien - sur l’exploitation truffière du Domaine de Cordis à Grignan s’est présentée. « Je me suis passionnée pour ce champignon. Apprendre le métier avec mon père a été une joie », déclare-t-elle. Ainsi, depuis 2013 et après une formation au CFPPA de Nyons, Audrey Chabert s’est installée sur la ferme familiale qui compte aujourd’hui une trentaine d’hectares de truffiers (avec un projet d’agrandissement de cinq hectares supplémentaires, ndlr), menés en agriculture biologique. « Nous élevons en grande majorité de la truffe Tuber melanosporum, ainsi qu’une minorité de Tuber brumale aussi appelée truffe noire d’hiver. » 
Pour transmettre leur passion et faire découvrir le milieu - secret - de la truffe, Audrey Chabert et son père attachent beaucoup d’importance aux liens et échanges qu’ils peuvent avoir avec les consommateurs. De décembre à février, ils proposent une chambre d’hôtes pour de courts séjours thématiques autour de la trufficulture. « C’est l’occasion pour nous d’expliquer toutes les étapes de développement du champignon, depuis l’arbre en passant par le cavage, le travail et la relation avec nos chiens dressés exclusivement pour la truffe », explique-t-elle. Une découverte du domaine avant tout pédagogique qu’il est aussi possible d’effectuer  le samedi, une journée qui se termine par la dégustation des produits transformés à la ferme. Car Audrey Chabert met un point d’honneur à utiliser les truffes qu’elle n’aura pas commercialisées en frais pour la confection de produits dérivés (sel, huile, vinaigre, moutarde, sorbet, etc.), sans arômes ajoutés. Une gamme variée, disponible exclusivement en vente directe, à la boutique auprès d’une clientèle de particuliers devenue fidèle ou de clients restaurateurs. « Il est aussi possible d’acheter la récolte truffière du jour sur place, ou par envoi sous-vide via Chronofresh », conclut la trufficultrice. 

Amandine Priolet

Prévision de récolte : la qualité au rendez-vous

Au vu des conditions météorologiques de l’année écoulée, les truffes drômoises ne devraient pas décevoir les papilles des consommateurs. Dans le Diois, « l’été très pluvieux et l’absence de sécheresse estivale ont été bénéfiques au développement des truffes qui seront à bonne maturité pour Noël », souligne Damien Froment, annonçant une récolte précoce de dix à quinze jours par rapport à d’habitude. Même son de cloche du côté de la zone de production du Tricastin, où Audrey Chabert évoque une saison plutôt positive à venir : « un printemps pluvieux, un été rythmé par des épisodes pluvieux et l’arrivée des premiers froids : toutes les conditions climatiques sont réunies pour obtenir cette année des truffes de qualité ». En Drôme des Collines, là aussi, la saison s’annonce belle. « Nous avons eu le temps adéquat cet été et le froid de ces dernières semaines permet de mélaniser la truffe », note Karine Boissieux, remarquant début décembre une maturité avancée par rapport aux années précédentes. 
A. P.