La grenade, un “ super fruit ” qui séduit
Arbres adaptés à l’évolution climatique, les grenadiers fleurissent de plus en plus dans les vergers du sud de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Fruit oublié, la grenade revient peu à peu sur le devant de la scène. Si l’Iran et l’Inde – où se situe la majeure partie de la production mondiale NDLR - autoconsomment l’ensemble de leur production, les principaux pays exportateurs de grenades sont la Turquie, Israël ou encore l’Espagne. En France, la production se relance depuis une dizaine d’années, en particulier dans le sud de la France (Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Provence Alpes Côte d’Azur). Les grenadiers fleurissent aussi dans le sud de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en Drôme et en Ardèche notamment.
L’EARL Clair Fruits, basée à Loriol-sur-Drôme, est la première exploitation du secteur à s’être lancée dans la culture de grenadiers en 2017. © Sunagri
En 2017, l’EARL Clair Fruits, gérée par Christian et Adrien Clair à Loriol-sur-Drôme, a implanté 2,5 hectares (ha) de grenadiers de variétés Acco, Kandahari, Hermione et Wonderful. « Nous avions dans l’idée de trouver une parade au changement climatique et de nouveaux moyens de production. Nous étions les premiers dans le secteur à faire de la grenade », avoue Adrien Clair. Avec un investissement de départ moyen de 9 000 €, l’EARL vise à terme un rendement de 30 à 35 tonnes (t) de fruits. Une culture à valeur ajoutée que le jeune arboriculteur entend bien développer sur son exploitation. « J’ai planté de nouvelles variétés pour les tester et augmenter à moyen terme la superficie du verger. »
Aujourd’hui, la filière française représente près de 500 ha. Pour la développer davantage, un groupe de producteurs s’est constitué en février 2023 pour créer le syndicat France Grenade. Il a pour mission « de promouvoir la grenade française sous toutes ses formes (…). La volonté des créateurs du syndicat est portée autour de la valorisation d’une production locale et de qualité, ancrée dans les territoires et permettant le développement d’une agriculture biologique et durable », peut-on lire sur le site internet du syndicat. À terme, les producteurs engagés visent l’appellation d’origine pour la grenade du sud de la France. En parallèle, plusieurs pépiniéristes se sont spécialisés dans le grenadier, en particulier dans le Vaucluse ou le Gard.
Une culture résiliente au changement climatique
Mais comment les vergers de grenadiers se conduisent-ils ? Les arbres s’adaptent à tout type de sol, même si « sa tolérance à la salinité présente un certain intérêt pour l’utilisation de terres difficiles non valorisables autrement. Le grenadier exige toutefois dans tous les cas un sol aéré », explique Anne-Laure Dossin, chargée de mission à Bio de Provence-Alpes-Côtes-d’Azur, dans une fiche technique réalisée dans le cadre du projet DiversiGo 2021-2023. « La culture demande peu de main-d’œuvre, ce qui est intéressant de nos jours », déclare Adrien Clair.
De plus, l’espèce se montre plus résiliente que certains autres fruits face au changement climatique. Plante héliophile, le grenadier apprécie en effet une exposition plein soleil pour que les fruits atteignent la maturité nécessaire entre début septembre et mi-novembre. « C’est une culture qui résiste bien aux grosses chaleurs et qui demande peu d’eau en été. En revanche, le goutte-à-goutte est nécessaire au printemps, avant et pendant la floraison », souligne Adrien Clair. De plus, les grenadiers sont « peu sensibles aux maladies et aux attaques de ravageurs. En France, 95 % de la production est d’ailleurs conduite en agriculture biologique », indique Enora Jacob, animatrice du syndicat France Grenade.
Des vertus thérapeutiques importantes
D’autant plus que la grenade est qualifiée de « super fruit » grâce à sa forte concentration en antioxydants, recherchés pour prévenir des maladies cardiovasculaires ou des cancers.
Au-delà de ses bénéfices sur la santé, la grenade est un fruit zéro déchet. Elle peut donc être consommée fraiche ou en jus, mais son écorce séchée permet également d’en faire des infusions ou des teintures. Aussi, ses pépins, riches en oméga 5, sont traditionnellement utilisés en huile cosmétique ou comme additifs alimentaires. « Les débouchés sont principalement la vente directe ou les magasins spécialisés. Nous avons encore un gros travail de communication et de promotion de la grenade bio française à faire auprès des grandes et moyennes surfaces (GMS) et des consommateurs en général », note Enora Jacob. « C’est encore une culture de niche, mais la consommation, comme la production, augmente chaque année », conclut Adrien Clair.
Amandine Priolet
La filière Grenade française*
• Pic de plantation : 2019-2021.
• En pleine production en
2025-2026.
• 95 % des plantations en agriculture biologique.
• Environ 200 producteurs en France.
• Surface de grenadiers estimée en France : 500 hectares (dont 250 ha en Provence-Alpes-Côte d’Azur).
• Production française estimée en 2023 : 2 500 tonnes.
• Production française estimée en 2026 : 5 000 tonnes.
* Données : Syndicat France Grenade.
Figues, kakis, feijoas… une diversité fruitière intéressante
Outre les traditionnels vergers d’abricotiers et de pêchers, certains arboriculteurs font le pari de la diversité en implantant de nouvelles espèces de fruits. C’est le cas de l’EARL Le Fruitier du Val de Drôme créée en 1984 à Loriol-sur-Drôme. En agriculture biologique depuis 1995, l’exploitation gérée par Pierre Lespets a pris un tout autre tournant dans les années 2000. « J’ai arraché mes vergers vieillissants de pêchers et d’abricotiers en 2004, pour des raisons économiques et techniques. Je me suis alors concentré sur mes autres productions, à savoir les cerises (1 ha), les prunes (1 ha), les figues (0,3 ha), les pommes (0,8 ha), les amandes (5 ha), les kiwis (1,2 ha), les feijoas (0,2 ha) et les diospyros kakis fuyu (0,5 ha) ».
Des fruits parfois oubliés, à l’image des kakis fuyu ou des feijoas (goyaves). « Ces fruits sont arrivés sur l’exploitation par accident », se plaît-il à dire. Et pourtant, l’arboriculteur a toujours aimé les défis. « J’aime bien me renseigner auprès des conservatoires sur les variétés anciennes. On m’a parlé du feijoa, et cela m’a donné envie d’essayer. J’ai planté les premiers arbres il y a douze ans. Il m’a fallu attendre cinq à six ans pour commencer les récoltes. Aujourd’hui, le rendement moyen est d’environ 20 t/ha », indique-t-il.
Une meilleure valeur ajoutée
Les kakis fuyu, quant à eux, ont été plantés dès 1985. Sur un demi-hectare, il produit aujourd’hui près de 10 t. Le producteur reconnaît : « Au-delà de la taille des arbres et de la récolte, ces espèces demandent très peu d’actions. M’occuper de ces cultures est un réel plaisir. La valorisation est également bien meilleure ». Toutefois, depuis deux ans, l’arboriculteur fait face à la mouche, un ravageur. « Je constate de gros dégâts sur mes kakis ainsi que sur mes figuiers. Je n’ai pas encore identifié s’il s’agissait de la drosophila suzukii ou de la mouche méditerranéenne des fruits... », explique-t-il. Pour la commercialisation de sa production, l’EARL Le Fruitier du Val de Drôme s’appuie exclusivement sur une société de producteurs bio, Agrobiodrom, basée à trois kilomètres de l’exploitation. « Les fruits partent en direction des grossistes, des magasins spécialisés bio, des cuisines centrales et à l’export », explique-t-il. Quant à la demande de ces fruits moins développés, Pierre Lespets estime « qu’elle est présente, mais n’évolue pas du fait du manque d’offres ». Il se dit d’ailleurs prêt à échanger avec de nouveaux installés sur la conduite de ces vergers différents. « J’encouragerai volontiers tout jeune qui s’installe à se renseigner sur ces types de fruits qui ne sont pas forcément très développés mais qui apportent une vraie valeur ajoutée à l’exploitation », conclut-il.