AGRONOMIE
L’agriculture de conservation des sols face aux changements climatiques

Ce jeudi 17 février, à Chabeuil, a lieu la projection du film « Bienvenue les vers de terre » sur l’agriculture de conservation des sols. Sarah Singla, agricultrice, ingénieure agronome et formatrice échangera avec la salle sur les enjeux de ces pratiques : protection des sols, adaptations aux changements climatiques…

L’agriculture de conservation des sols face aux changements climatiques
Une journée technique sur l’agriculture de conservation des sols est organisée le 1er mars par la chambre d’agriculture de la Drôme et l’association drômoise d’agroforesterie (lire encadré ci-dessous). ©AdobeStock

Sarah Singla, tout d’abord qui êtes vous ? Comment en êtes-vous venue à l’agriculture de conservation des sols ? 

Sarah Singla : « Je suis agricultrice en Aveyron sur 100 ha en triticale semence, blé, sarrasin, dactyle semence, vesce semence, prairies, luzerne, avoine… Je prends également des animaux en pension d’avril à octobre. Une dizaine d’hectares de blé et sarrasin sont valorisés en farine en vente directe. Je me suis installée en 2010 sur la ferme familiale qui est en agriculture de conservation des sols (ACS) depuis 1980. Je suis née là-dedans, je n’ai jamais vu de charrue sur la ferme. C’est d’ailleurs l’une des plus anciennes exploitations de France en ACS, ce qui permet de montrer que ça fonctionne sur le long terme. Pour mon père, à l’époque, l’objectif était de réduire l’érosion et les coûts de production. »

Comment définir en quelques mots l’agriculture de conservation des sols ? 

S.S. : « S’inspirer de la nature, couvrir le sol au maximum pour le protéger et le perturber au minimum avec des outils métalliques. Pour se lancer, il faut toujours commencer par la formation, notamment pour comprendre les couverts végétaux. On ne mettra pas les mêmes compositions en fonction des cultures que l’on veut installer ensuite. Aujourd’hui, on a la chance de disposer de nombreux résultats partout en France sur ce sujet. C’est pourquoi, afin d’éviter tout échec, il est préférable d’aller voir des producteurs qui pratiquent déjà cette agriculture pour bien identifier les points de vigilance. »

A qui s’adresse l’ACS ? 

S.S. : « A tous les producteurs, qu’ils soient maraîchers, arboriculteurs, viticulteurs, céréaliers, en bio, pas en bio... La couverture des sols, c’est valable pour tous, avec ou sans travail du sol d’ailleurs. Aujourd’hui, c’est chez les céréaliers et les éleveurs qu’on a le plus de recul sur l’ACS mais elle trouve aussi un écho en viticulture, en cultures industrielles (carotte, pomme de terre, haricot, flageolet…), en arboriculture... En France, on sait qu’environ 60 % des producteurs couvrent leur sol et on estime que 4 à 5 % de la surface est en ACS. »

Quels sont les enjeux et les bénéfices de cette pratique ? 

S.S. : « Les enjeux sont multiples. D’abord par rapport aux attentes sociétales : produire de la nourriture, aider à la lutte contre le réchauffement climatique en stockant du carbone dans les sols, avoir une eau beaucoup plus propre qui s’infiltre dans les parcelles plutôt que de ruisseler et provoquer des inondations, maintenir la biodiversité… En termes de bénéfices, la première motivation aujourd’hui des producteurs en ACS, c’est l’adaptation aux changements climatiques. On est passé d’un enchainement de quatre saisons (printemps, été, automne, hiver) à une succession saison sèche - saison des pluies. On s’aperçoit que les parcelles en ACS ou qui pratiquent les couverts végétaux sont toujours plus résilientes et s’en sortent mieux lorsqu’il y a de gros aléas climatiques. 

L’autre point important pour les exploitations, c’est de devenir encore plus résilientes vis-à-vis des énergies fossiles. C’est un système qui consomme beaucoup moins de gasoil à l’hectare et qui use moins le matériel. On peut ainsi réduire les coûts de production, tout en gardant la même productivité, ce qui permet d’améliorer la marge et donc d’avoir des fermes plus rentables. En 2017, la chambre d’agriculture de l’Aveyron a comparé un système en labour et un en semis direct sur maïs. Le second a permis d’économiser plus de 100 euros à l’hectare sur les charges de mécanisation sachant que le rendement a été équivalent (résultats de l'étude ici). »

L’agriculture de conservation des sols nécessite le recours au glyphosate. Comment le justifier auprès de l’opinion publique ? 

S.S. : « L’agriculture est une histoire de désherbage depuis 12 000 ans. A partir du moment où l’homme a voulu se sédentariser, il fallait enlever les plantes déjà en place pour faire pousser du blé. Le premier outil de désherbage a été le feu, le deuxième le travail du sol avec le versoir de la charrue et le troisième la chimie. La question à se poser, c’est parmi ces trois outils, quel est celui qui a le moins d’impact sur le sol à long terme ? On s’aperçoit qu’avec le glyphosate on peut accroître la biodiversité et obtenir des sols qui produisent plus et mieux. Rappelons qu’en France le glyphosate n’est jamais appliqué directement sur les cultures. En ACS, son utilisation n’est pas systématique mais on ne peut pas faire sans. En grandes cultures par exemple, on en utilise en moyenne 1,5 l/ha, soit la moitié de la dose maximale autorisée*. Si on nous enlève le glyphosate, il faudra revenir au travail du sol. Mais dans ce cas, on casse la glomaline, qui est la colle du sol. C’est elle qui permet de conserver la terre dans la parcelle et d’éviter qu’elle ne parte dans le ruisseau... »

Propos recueillis par Sophie Sabot

* 1 080 g/ha soit 3 l/ha (base formulation 360g/l).

En savoir +

Jeudi 17 février à 20 h à Chabeuil (salle Cluny), soirée "ciné débat", avec projection du film « Bienvenue les vers de terre ». Ce film présente des pratiques agricoles durables (agriculture de conservation des sols, couverts, réduction du travail du sol ...) en lien avec la protection des sols et l'adaptation aux changements climatiques. Gratuit et ouvert à tous. Soirée organisée par la chambre d'agriculture de la Drôme en partenariat avec Valence romans agglo.

Pass vaccinal et inscription obligatoire auprès de valence romans agglo par mail : [email protected]

Journée technique et formation sur l’agriculture de conservation des sols

Le mardi 1er mars, la chambre d’agriculture de la Drôme et l’association drômoise d’agroforesterie (Adaf) organisent une journée technique « agriculture de conservation des sols ». Cette rencontre permettra d’aborder la question de la faisabilité de cette pratique sans recours aux herbicides, ainsi que son impact sur le carbone. Rendez-vous à Châteaudouble à 8h30 pour une démonstration du rouleau Orbis (Roll’n’sem) et pour comparer des profils de sols en ACS ou labour. La journée se poursuivra à Chabeuil avec des conférences et tables rondes qui réuniront plusieurs experts de ces sujets (pass vaccinal obligatoire pour la partie en salle).

 Les mercredi 2 et jeudi 3 mars, une formation est proposée par l’Adaf à Soyans sur le thème « fertilité des sols, stockage de carbone et mise en place de pratiques ACS ». Objectif de ces deux journées : connaître les paramètres clés de la fertilité des sols et de la dynamique de stockage dans les sols, identifier les pratiques agricoles les plus efficientes pour stocker du carbone dans les sols, identifier les clés de réussite et les écueils à éviter pour la mise en place de pratiques en ACS bio, définir des rotations et itinéraires techniques en ACS sur sa ferme pour améliorer la fertilité de ses sols et assurer une performance élevée.

Inscription pour la journée technique ou la formation sur adaf26.org