ENVIRONNEMENT
« En 2100, il n’y aura plus  de glaciers dans les Alpes »

L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC) a présenté l’impact du réchauffement climatique sur les débits du fleuve le plus puissant de France : le Rhône.

« En 2100, il n’y aura plus  de glaciers dans les Alpes »
L’étude présentée par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse démontre qu’à l’horizon 2055, les périodes de bas débits du fleuve Rhône seront plus longues et plus marquées. ©Agence de l’eau RMC

Dans un contexte de réchauffement climatique et de sécheresse à répétition, quel peut être l’avenir du Rhône, fleuve le plus puissant de France du fait de son alimentation par les glaciers ? Après une première étude conduite en 2014 sur la gestion quantitative du fleuve Rhône en période de basses eaux, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a lancé en 2021-2022 une seconde étude, copilotée avec la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes. Cette dernière montre que la température moyenne de l’air a augmenté de 1,8 °C sur le bassin-versant du Rhône sur la période 1960-2020. Ce réchauffement est plus important sur certains secteurs, en particulier en rive droite du fleuve et durant l’été : + 3,6°C supplémentaires en été, en Ardèche.

Les débits d’étiage du Rhône en baisse

Selon les travaux de Météo France, cette hausse va s’accentuer à l’avenir et pourrait atteindre + 2,3 °C d’ici 2055. L’augmentation de la température de l’air accentue aussi l’assèchement des sols. Depuis 1960, ces derniers sont déjà, en moyenne annuelle, 18 % à 37 % plus secs, selon les secteurs sur le bassin-versant du Rhône. Cet assèchement renforcé est plus marqué en rive droite du fleuve, en aval de la confluence avec la Saône, et surtout en été. 
À l’échelle du bassin-versant du fleuve, les précipitations annuelles n’ont pas significativement évolué sur la période 1960-2020. Mais la quantité de neige a nettement diminué en raison du réchauffement de l’air, de l’ordre de moins 10 % en moyenne. « En 2100, il n’y aura plus de glaciers dans les Alpes, or le fleuve Rhône est soutenu par la fonte des neiges », a tenu à avertir le directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, Laurent Roy. Conséquence ? Le manteau neigeux contribuant aux écoulements printaniers et estivaux sera très réduit. Ces changements ont déjà impacté le Rhône, puisque le fleuve s’est également réchauffé. Le débit d’étiage, qui représente le débit minimum d’un cours d’eau calculé sur un temps donné en 
période de basses eaux, a baissé de 13 % à Beaucaire (Gard). À l’horizon 2055, les effets vont s’aggraver avec des périodes de bas débits plus longues et plus marquées. Les projections hydrologiques réalisées dans le cadre de l’étude estiment par exemple que les débits d’étiage à l’aval de Beaucaire pourraient baisser encore de l’ordre de 20 % en moyenne dans les 30 prochaines années.

Un fleuve puissant, mais pas inépuisable

Avec ses 810 kilomètres de long, le fleuve du Rhône supporte de nombreux usages. Chaque année, plus de trois milliards de mètres cubes d’eau lui sont définitivement soustraits. Près de 48 % de cette ressource sert à irriguer, 24 % pour les transferts hydroélectriques, 16 % sont dédiés à l’eau potable, l’industrie et la navigation se partagent les 10 % restants. Actuellement, 15 % du débit est prélevé en moyenne les mois de plus forte empreinte et 30 % durant les périodes exceptionnelles.
La Dreal et l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse sont unanimes. Le changement climatique induit des contraintes nouvelles pour les usages liés au fleuve. En 2014, une stratégie d’adaptation a été définie autour de trois axes : retenir l’eau dans les sols, lutter contre le gaspillage de l’eau et redonner un espace de bon fonctionnement aux milieux. Cette stratégie doit être révisée à l’été 2023. Ce qui n’empêche pas Laurent Roy d’être catégorique. « Nous n’encourageons pas le stockage. L’ordre des priorités, c’est ce qui est écrit dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et qui est confirmé par l’étude. La première solution, c’est d’économiser l’eau, puis de réalimenter les nappes phréatiques. Il faut désimperméabiliser les sols et ralentir la vitesse d’écoulement de l’eau. En troisième solution, il faudra substituer et tirer une canalisation d’un point A pour aller alimenter en eau potable un point B. Enfin, dans certains cas, nous pourrons quelques fois stocker l’eau lorsque nous aurons des périodes de surabondance entre l’hiver et le printemps. »

Léa Rochon