Agir collectivement contre le gel
Après les phénomènes exceptionnels de gel d’avril dernier, c’est toute la filière arboricole qui s’interroge sur les stratégies à élaborer pour faire face à ces aléas climatiques de plus en plus fréquents.

Le printemps 2021 restera malheureusement dans les mémoires des arboriculteurs, suite aux gelées noires du mois d’avril, créant de nombreux dégâts. « Quelles perspectives pour élaborer sa stratégie face aux aléas climatiques ? », c’est le thème de la table ronde organisée le 28 juin dernier par le CTIFL*. Les échanges entre professionnels arboricoles ont permis de faire ressortir la nécessité de mettre en œuvre des stratégies collectives, et non individuelles. Face à l’accumulation des phénomènes climatiques, Charlie Gautier, arboriculteur dans la Sarthe et co-président de la fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), a initié une réflexion globale avec la chambre d’agriculture de la Sarthe et la FDSEA de ce département, visant à interpeller le monde politique sur la nécessité d’investir collectivement sur des moyens de lutte. Le département de la Sarthe s’est d’ailleurs engagé en tant que porteur de projets. Il est notamment évoqué la mise en place de nouvelles réserves d’eau pour optimiser les systèmes de lutte antigel.
Dans les Alpes de Haute-Provence, les producteurs de pommes font face, depuis cinq ans, à des épisodes de gel réguliers. Une réflexion, là aussi collective, est menée sur le bassin alpin, pour porter à bien un projet bi-départemental (avec les Hautes-Alpes) visant à acquérir, via le plan de relance FranceAgriMer, des tours à vent. « Il en va de la pérennité de la production du bassin alpin. C’est une nécessité absolue pour nous que d’être accompagné financièrement, à l’aide d’un taux de subvention élevé, pour protéger nos cultures », a déclaré Cédric Massot, producteur de pommes. Dans la Drôme, la problématique est similaire. « La nature est plus forte que nous. L’intensité et la fréquence des aléas ont augmenté, et la diversité des moyens de lutte (bougies, aspersion) permet de limiter les dégâts sans apporter une efficacité totale, alors que cela engendre des coûts importants pour les exploitations », prévient Pierre Veyrat, arboriculteur à Chanos-Curson.
Le producteur insiste sur la nécessité de conduire des stratégies à tous les niveaux : choix de variétés résistantes, pratiques culturales, lutte passive, etc. Pour Jean Nougaillac, producteur et président de la coopérative Cofruid’Oc dans l’Hérault, c’est un double enjeu. Habitué aux phénomènes de sécheresse, il doit désormais conjuguer avec l’apparition de fortes gelées.
Des leviers multiples pour être plus résilient
« Comment concilier ces deux phénomènes ? », s’interroge-t-il. « Les couverts végétaux baissent la température des sols et ont un effet positif sur la chaleur en été. En revanche, les sols enherbés nuisent à la protection contre le gel », constate-t-il. Si les producteurs sont souvent équipés de système de goutte-à-goutte, la question de la ressource en eau – pour la lutte antigel - se pose. « Nous partons de zéro », explique Jean Nougaillac, en évoquant des projets de construction de bassins de récupération d’eau. Cette ressource serait-elle la solution ? Le stockage de l’eau semble en tout cas être un premier élément de réponse, en témoigne Jean-François Berthoumieu, directeur de l’association Climatologique de la Moyenne Garonne et du Sud-ouest (ACMG) : « Je propose de permettre aux responsables politiques d’imaginer un futur où l’arboriculture sera rassurée et sécurisée car nous aurons stocké l’eau de pluie localement. Chacun, dans son territoire, doit réfléchir à être autonome. Cette eau stockée pourrait ainsi servir au printemps pour lutter contre le gel », indique-t-il. Si l’eau pourrait être une solution, il convient d’examiner tous les leviers disponibles (pratiques culturales, choix génétique, moyens de lutte) afin d’être plus résilients à ces aléas climatiques. La filière arboricole doit ainsi rester offensive pour protéger les vergers français.
Amandine Priolet
* Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes