Retenues d’eau : un protocole pour faciliter les projets
Dans la Drôme, ce début décembre, a été signé un protocole « retenues d’eau pour usage agricole », destiné à faciliter l’émergence et la concrétisation de projets.

La Drôme est le premier département irrigué d’Auvergne-Rhône-Alpes mais pas sur l’ensemble de son territoire. Et les sécheresses à répétition ces dernières années fragilisent son agriculture. Stocker de l’eau dans des retenues est un moyen de réduire sa vulnérabilité. Or, la procédure est longue ; un projet met du temps à « sortir des tuyaux ».
En vue de favoriser le développement de ces retenues d’eau pour usage agricole, un protocole drômois a été rédigé dans le cadre d’un travail partenarial. Il précise le rôle respectif des différents intervenants, la réglementation applicable, les critères d’éligibilité aux différentes aides, les principes et conditions à remplir. Des conditions devant notamment concilier les enjeux environnementaux, économiques et de développement durable en lien avec le changement climatique.
Ce protocole a été signé le 8 décembre à Valence par le préfet, la présidente du Département, le président de la chambre d’agriculture, le directeur général adjoint de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et le président de l’Adarii (association drômoise des agriculteurs en réseaux d’irrigation individuels). En sont également signataires la Région, la fédération de la pêche, l’office français de la biodiversité, le Sid (syndicat d’irrigation drômois) et les présidents des commissions locales de l’eau.
Coordination, cohérence, lisibilité
A la base, a indiqué le préfet juste avant la signature, « il y a une volonté gouvernementale ». Lors du salon de l’élevage à Clermont-Ferrand en octobre 2019, a-t-il rappelé, le président de la République avait demandé au préfet de région de lister 100 projets prioritaires de retenues d’eau à construire ou aménager en Auvergne-Rhône-Alpes et de permettre leur réalisation dans les meilleurs délais. « Il en a été identifié plus de 200, a signalé Hugues Moutouh, avant d’expliquer : Le protocole drômois est la déclinaison du protocole régional "100 retenues". Il permet d’avoir pour ces projets une politique coordonnée, cohérente et facilement lisible par tous. C’est également un guide pratique pour les porteurs de projet. » Et de poursuivre : « L’administration doit être au service des porteurs de projet, tout en leur fixant un cadre ». Le préfet a espéré que ce protocole facilitera la concrétisation de retenues d’eau. Il a aussi observé que les agriculteurs drômois « ont fait d’immenses efforts ces dernières années » pour limiter la consommation d’eau.
Stockage et économie d’eau
Dix ans se sont écoulés avant la concrétisation de la réserve d’eau de Juanon, à Montmeyran. Avec le protocole « retenues d’eau pour usage agricole », est espérée une avancée bien plus rapide des projets.
« Le changement climatique est là, a constaté à son tour le président de la chambre d’agriculture, Jean-Pierre Royannez. Les prévisions à long terme ne montrent pas de baisse de la pluviométrie annuelle sur le département. » Mais « les pluies sont moins bien réparties qu’avant ». Donc, « il faut pouvoir en retenir une toute petite partie pour répondre aux actes de production car, sans eau, il n’y a pas de vie, a appuyé Jean-Pierre Royannez. Et de faire remarquer : « Au niveau de l’agriculture et de la chambre, nous ne travaillons pas que sur le stockage de l’eau. Grâce à des changements de pratiques agricoles, de variétés et d’espèces cultivées, de modes d’irrigation (notamment le pilotage pour apporter la juste dose)… de l’eau est économisée ».
Moins solliciter cours d’eau et nappes
« Ce protocole nous aidera à faire aboutir des projets de retenues d’eau qui serviront à moins prélever dans les cours d’eau et les nappes phréatiques, a confié Jean-Pierre Royannez. Il faut aussi, compte tenu du contexte climatique, réaliser des retenues pour irriguer de nouvelles surfaces, cela ne doit pas être un tabou et peut permettre de continuer de produire dans l’arrière-pays. » Il a également souhaité qu’il puisse en être créées en Drôme des collines, où une étude sur les volumes prélevables a conclu à la nécessité de réduire de 40 % les prélèvements dans la nappe phréatique et les cours d’eau. Une étude a abouti à la même conclusion sur le bassin versant Véore-Barberolle, où une retenue d’eau de grande capacité est en projet (à Châteaudouble). Si elle voit le jour, « elle permettra de diminuer les prélèvements » dans les cours d’eau, a commenté Jean-Pierre Royannez, qui prône aussi des réserves d’eau de petite taille (à un, deux ou trois agriculteurs) dans les Baronnies, le Diois… Rappelant qu’il s’était écoulé plus de dix ans avant la concrétisation de la réserve d’eau de Juanon, à Montmeyran, le président de l’Adarii, Philippe Breynat, a espéré que ce protocole « fera avancer les projets bien plus rapidement ».
Privilégier une approche collective
Pour la présidente du Département, Marie-Pierre Mouton, une gestion économe de l’eau est « essentielle » mais il est aussi « crucial d’aménager un réseau cohérent et concerté de retenues collinaires ». Concernant la Drôme des collines et la Galaure, elle a salué le travail accompli au niveau du Sage du Bas Dauphiné-plaine de Valence : modélisation de la nappe de la molasse miocène et schéma d’irrigation pour ce secteur. Et elle a dit : « Toutes les pistes doivent être explorées pour trouver des alternatives à la baisse des prélèvements. Nous finançons une étude pour rechercher des sites d’implantation de retenues d’eau ».
Privilégier une approche collective pour la mobilisation de la ressource en eau est inscrit dans le protocole, a souligné le directeur général adjoint de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, Nicolas Chantepy. « Dans le cadre de notre onzième programme, a-t-il signalé, nous avons des financements importants pour accompagner les projets, sachant que notre objectif est le retour au bon état des eaux et d’éviter les prélèvements dans les milieux déficitaires. Aller chercher l’eau là où elle est abondante (comme le Rhône) est une solution. La stocker dans des retenues quand elle est abondante en est une autre ».
Annie Laurie
Le rôle de la chambre d’agriculture
Dans le protocole « retenues d’eau pour usage agricole », il est écrit que la chambre d'agriculture de la Drôme aura un rôle de « porte d'entrée » lors de la phase initiale exploratoire du demandeur. Elle apportera ses conseils pour la définition des besoins en eau, l’analyse territoriale et l'évaluation des besoins ainsi que des conditions de mobilisation de la ressource en eau, notamment la prise en compte de la faisabilité environnementale dans le choix des sites et le dimensionnement des projets.
Deux grands projets dans la Drôme
Actuellement dans la Drôme, deux grands projets de retenues d'eau « sont dans les tuyaux ». L’un est la réserve de Châteaudouble, de 300 000 m³ pour un stockage massif d’eau et un investissement de 10 millions d'euros. Lancé voici dix ans, ce projet en est à sa dernière étude. Le second est l’agrandissement de la retenue de Chauméane, à Divajeu, consistant à faire passer sa capacité de 40 000 à 100 000 m³. D’autres projets devraient éclore dans les Baronnies, le Diois, la Drôme des collines.