Aviculture
Ovosexage : des répercussions financières importantes

evant l’interdiction de l’élimination des poussins mâles de souche ponte au 1er janvier 2023, la filière œufs a construit un accord interprofessionnel avec tous les acteurs afin de mutualiser les coûts induits par les nouvelles techniques d’ovosexage, estimés à près de 50 millions d’euros par an.

Ovosexage : des répercussions financières importantes
Selon l’accord interprofessionnel, une cotisation d’un montant de 0,59 €/100 œufs sera prélevée par les centres d’emballages aux enseignes de la grande distribution, puis reversée au CNPO. ©La–perdriere

«Depuis 2019, la filière œuf travaille activement à préparer l’arrêt de l’élimination des poussins mâles de souche ponte, suite à l’annonce de la coopération franco-allemande sur ce sujet par Didier Guillaume, ancien ministre de l’Agriculture, et son homologue Julia Klöckner. Chaque accouveur a donc dû se mettre en ordre de marche, en s’équipant de nouvelles technologies, pour une mise en route prévue pour les éclosions dès le 1er janvier 2023 », a annoncé Yves-Marie Beaudet, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO), le 22 novembre dernier à l’occasion d’un webinaire proposé par l’Itavi*. Pour rappel, le décret 2022-137 du 5 février 2022 interdit la mise à mort des poussins de lignées de l’espèce gallus gallus destinés à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs. Les couvoirs doivent justifier du respect de la mise en œuvre de l’interdiction prévue par la mise en place de matériels permettant de déterminer le sexe de l’embryon au plus tard le quinzième jour d’incubation, ou par tout autre moyen apportant des garanties équivalentes. À savoir que les matériels mis en place ne peuvent être considérés comme techniquement obsolètes pendant une période de cinq ans. Toutefois, les couvoirs ne respectant pas cette interdiction de mise à mort des poussins seront sanctionnés par une amende. « Pour nombre d’accouveurs, le choix de l’arrêt de l’élimination des poussins mâles s’est porté assez rapidement sur des outils d’ovosexage, des méthodes assez nouvelles, voire encore sous forme de prototypes pour certaines », indique Maxime Quentin, directeur scientifique de l’Itavi. 

Un accord interprofessionnel 

Toutefois, la mise en œuvre de cette interdiction entraîne de fortes répercussions économiques pour la filière, avec une estimation des coûts d’environ 45,3 M€ par an. « Ce coût global est basé sur le coût de la technique d’ovosexage la moins chère et comprend le coût de la prestation de sexage dans l’œuf 
ainsi que les conséquences de la mise en place des technologies dans les couvoirs : moindres performances, tri lié à la qualité des œufs à couver, main-d’œuvre, maintenance, etc. », stipule Maxime Chaumet, secrétaire général au CNPO. Dans ce contexte, « le CNPO a travaillé sur un projet d’accord interprofessionnel visant à prendre en charge une partie des surcoûts engendrés », qui a été conclu le 14 octobre dernier.Cet accord s’appliquera aux œufs issus des poules visées par le décret 2022-137. En revanche, les œufs de consommation importés ou exportés ne sont pas soumis aux dispositions de l’accord. L’accord interprofessionnel permettra ainsi de mutualiser les coûts induits par ces nouvelles technologies entre les couvoirs et la distribution, par le biais d’un appel à cotisation (d’un montant de 0,59 € / 100 œufs) prélevée par les centres d’emballages aux enseignes de grande distribution, puis reversée au CNPO. Le comité national sera ensuite chargé de reverser, à chaque accouveur, une compensation forfaitaire de 1,11 € par poussin ovosexé ou par « frère de poule » élevé. « Le coût réel des alternatives à l’élimination des poussins mâles sera évalué par FranceAgriMer en juillet 2023 et janvier 2024 », affirme Maxime Chaumet. « Nous avons déjà de multiples hausses de coût (aliments, plastique, main-d’œuvre, énergie) auxquelles nous rajoutons celles de l’ovosexage, regrette Yves-Marie Beaudet. Cela fait beaucoup et il n’est pas simple de maintenir un niveau de valorisation intéressant pour tous les maillons de la filière », conclut-il, évoquant que le consommateur devra lui aussi supporter une hausse du prix d’achat des œufs. 

Amandine Priolet

* Institut technique de l’aviculture

L’ovosexage précoce : est-ce vraiment possible ?

Face à des controverses sur l’apparition de la douleur chez l’embryon après six jours, de nouvelles recherches sont en cours pour tenter de déterminer le sexe de l’embryon le plus tôt possible, avant six jours d’incubation. « Le développement des techniques d’ovosexage est basé sur la détection de différences existantes entre les œufs contenant un embryon femelle ou un mâle : caractéristiques génomique, anatomique, phénotypique ou moléculaire. Or, certains de ces caractères ne sont visibles et / ou détectables que tardivement au cours de l’incubation », indique Sophie Rehault-Godbert, directrice de recherche à l’UMR Biologie des oiseaux et aviculture (Inrae). Les technologies existantes à ce jour dépendent du stade de développement des différentes structures embryonnaires / extra-embryonnaires avec des possibilités, pour certaines d’entre elles, d’optimiser la détection à six ou sept jours d’incubation. « Pour le moment, nous avons relativement peu d’informations sur la possibilité de descendre en dessous des six jours d’incubation », informe Sophie Rehault-Godbert. De ce fait, d’autres pistes de développement sont en cours afin d’affiner le potentiel de certaines méthodes de sexage in ovo le plus tôt possible. L’orientation du sex-ratio en faveur des femelles ou le sexage avant incubation (édition de gènes, dès la ponte) pourraient être des approches intéressantes à étudier. 

Exemption confirmée pour le débouché de l’alimentation animale

Un arrêté paru au Journal officiel le 8 décembre exempte de l’obligation d’ovosexage les poussins de poules pondeuses « utilisés pour l’alimentation animale », quand ils sont « issus de souches dont le sexe de l’embryon ne peut pas être déterminé selon une méthode basée sur la différence de couleur des plumes ». La mise à mort de ces poussins issus de poules blanches (15 % du cheptel) « ne peut être réalisée que par gazage », prévoit le texte. Dans un communiqué du 8 décembre, le CIWF France dénonce une « dérogation tellement large qu’elle pourrait permettre de continuer à éliminer tous les mâles de la filière poules blanches ». D’après l’ONG, « l’alimentation animale ne se limiterait pas à l’alimentation pour les animaux de zoo mais elle concernerait bien tous les fabricants d’aliments pour animaux, y compris les carnivores domestiques ».

L’IRM au service de l’aviculture
Le système Genus-Focus, proposé par Orbem, permet d’utiliser la technique de l’IRM pour déterminer le caractère sexuel de l’embryon. © DR

L’IRM au service de l’aviculture

La société Orbem se sert notamment de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour identifier le futur sexe du poussin dans l’œuf.
Appelé à témoigner sur les alternatives à l’arrêt de l’élimination des poussins mâles lors du webinaire du 22 novembre dernier, le couvoir Lankriet, basé dans le Nord de la France, a présenté l’entreprise allemande Orbem et son système Genus-Focus, qu’il utilisera dès janvier 2023. Orbem se sert de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et de l’intelligence artificielle pour identifier le futur sexe des poussins dans les œufs. Technique non invasive et sans émission de radiation, elle est utilisée pour étudier le développement embryonnaire et les œufs depuis les années 1990. Avec l’amélioration des IRM, les études des embryons in ovo se sont étoffées. « Grâce à ce système, il est possible de déterminer l’organe sexuel présent dans l’embryon pour définir s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle », déclare Pierre Lankriet, commercial chez l’accouveur éponyme. Avec l’acquisition de données, le processus est complètement automatisé et permet une précision de plus de 95 % en situation opérationnelle. « Aujourd’hui, nous sommes environ à 3 000 œufs par heure et par machine, toutes souches confondues, avec plus de 95 % de précision », note Pierre Lankriet. Pour augmenter la vitesse de cadence, en fonction des besoins de production, plusieurs modules peuvent être associés. « Ainsi, quatre modules en parallèle scannent 12 000 œufs par heure », signale-t-il. Cette technique de l’IRM s’avère être une solution idéale pour les établissements Lankriet. « Quand se sont imposées à nous les contraintes liées à l’ovosexage, il nous a fallu trouver une solution qui pouvait s’appliquer à l’ensemble de notre processus de production et pas uniquement aux poulettes rousses », conclut-il. Le modèle Genus-Focus identifie en effet les différences de sexe de toutes les races de volaille à partir du douzième et treizième jour d’incubation. 

  A.P.