Pollinisation
Des abeilles en renfort dans les vergers

Les productions fruitières font partie des cultures les plus tributaires de la pollinisation par des insectes. Certains arboriculteurs ont choisi de faire appel à des apiculteurs pour optimiser cette étape cruciale du cycle de production.

Des abeilles en renfort dans les vergers
Anthony Oboussier fait appel à un apiculteur pour la pollinisation. Cette année, 12 ruches ont été installées sur 4 ha d’abricotiers.

Anthony Oboussier exploite 25 hectares de vergers en cerise, abricot, pêche, nectarine, prune sur la commune d’Alixan. Depuis trois ans, il accueille des ruches au cœur de ses parcelles durant la floraison des abricotiers. « J’ai mis en place ces chantiers de pollinisation car je constate certaines années des déficits de fleurs, certainement liés à des hivers trop doux, explique le producteur. Si ces fleurs moins nombreuses ne sont pas correctement pollinisées, ce sont des pertes de rendement assurés. » En 2019, il a testé la pratique uniquement sur abricotier, avant de se lancer également sur pêche et nectarine en 2020. Hélas le gel du printemps ne lui aura pas laissé la possibilité d’en mesurer les effets. « Cette année, la floraison en pêche et nectarine est très bonne. J’ai donc choisi d’introduire les abeilles uniquement sur deux blocs de deux hectares en abricotiers, notamment sur des variétés autostériles ou sur des arbres un peu moribonds, dont les bourgeons ont été nécrosés à cause de la bactériose, commente Anthony Oboussier. Les techniciens m’avaient conseillé de positionner entre deux et quatre ruches à l’hectare, j’ai donc tranché pour trois », justifie-t-il. Celles-ci ont été installées le 22 février pour quatre semaines.

Un seul passage de fongicide

Du côté de la protection des vergers, le producteur est attentif aux insectes pollinisateurs. « Sur tous mes vergers, j’essaye de traiter en dehors des heures de butinage. Sur les vergers qui accueillent les ruches, je ne passe que le soir, après 19 h si la journée a été ensoleillée, un peu plus tôt si le temps était nuageux. En général je n’utilise pas d’insecticide durant la floraison et j’essaye de ne faire qu’un passage de fongicide, sauf en 2019 où la période a été très humide », détaille-t-il. S’il manque encore de recul pour mesurer tous les bénéfices de ces chantiers de pollinisation sur ses vergers, Anthony Oboussier note cependant que les taux de nouaison sont meilleurs. Il estime également que, lorsque la pollinisation est insuffisante, elle peut affecter la quantité mais aussi la qualité du fruits avec davantage de déformations, d’où l’intérêt de renforcer les effectifs pollinisateurs en introduisant des ruches. « Ce sont mes premiers constats, mais il conviendrait de les croiser avec d’autres retours d’expérience sur le sujet », précise-t-il.

Pour cet arboriculteur qui siège au conseil d’administration de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) et à la commission communication d’Interfel*, faire appel aux apiculteurs est aussi une façon de dire stop à l’image de « l’arboriculteur tueur d’abeilles ». Il vient d’ailleurs de réaliser une courte vidéo sur le sujet à destination du grand public pour expliquer son partenariat « gagnant-gagnant » avec un apiculteur. « Ça me permet d’assurer la pollinisation de mon verger donc la qualité de la future récolte et aussi le rendement. Lui, ça lui fait sa production de miel. On travaille en toute confiance, les abeilles se sentent super bien dans les vergers », assure-t-il dans ce témoignage. A noter que son exploitation est, depuis janvier dernier, certifiée haute valeur environnementale (HVE) niveau 3.

S.Sabot

*Interfel : association interprofessionnelle des fruits et légumes frais.

Le point de vue d’un apiculteur
Les chantiers de pollinisation sont un bon moyen de renforcer le dialogue entre apiculteurs et arboriculteurs.

Le point de vue d’un apiculteur

Nicolas Nalpowik est apiculteur professionnel (300 ruches). Installé à Saint-Thomas-en-Royans, il a démarré les chantiers de pollinisation sur vergers en Ardèche - d’où il est originaire - il y a quatre ans. « Je connais bien le sujet car j’ai découvert l’apiculture au travers de la pollinisation du colza. J’étais stagiaire sur un projet mené par l’Inrae d’Avignon autour de Montoison », se souvient le jeune apiculteur. Cette année, il devrait réaliser au moins quatre chantiers de pollinisation en abricotiers et cerisiers, puis une dizaine cet été en production de semences. « C’est une activité qui complète économiquement ma production de miel. Sur l’abricotier, cela fournit aussi une ressource pour les abeilles en sortie d’hiver, explique Nicolas Nalpowik. Avant ces pollinisations, j’effectue une visite préalable des colonies pour amener les plus jolies sur le chantier. C’est du travail en plus car cela nous fait relancer l’activité un mois plus tôt, vers le 15 février au lieu du 15 mars habituellement, souligne-t-il. C’est aussi beaucoup de manutention pour installer les ruches dans les vergers. » Des contraintes, certes, mais l’apiculteur voit aussi dans cette pratique une opportunité de créer du lien avec les producteurs de fruits ou de semences, « pour échanger et mieux se comprendre. » « En ce moment, mes ruches sont chez des arboriculteurs de Châteauneuf-sur-Isère. Je sais qu’ils réalisent les traitements phytosanitaires en soirée du fait de la présence des abeilles et que c’est une contrainte pour eux. Je sais aussi que je ne peux pas contrôler ce qui se passe ailleurs dans le rayon de butinage de mes abeilles. Elles ne sont pas à l’abri d’une intoxication », reconnaît-il. Un témoignage qui confirme la nécessité de renforcer encore le dialogue entre arboriculteurs et apiculteurs, comme cela a été initié en Drôme avec le projet SurvApi.

S.Sabot