Paléolab
Analyser l’ADN ancien de plantes pour modéliser des scénarios d’avenir
L’Inrae associé à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont inauguré, dernièrement à Clermont-Ferrand, le Paléloab, un complexe d’étude de l’ADN ancien des plantes, inédit au niveau mondial.
Sur le campus des Cézeaux, épicentre des sciences de la capitale auvergnate, le centre Inrae dispose désormais d’un puissant outil à remonter le temps. Aux frontières de l’archéologie, de la biologie et de la génétique, le Paléolab ambitionne d’étudier l’ADN ancien issu de restes archéologiques. Il s’intéresse principalement aux plantes pour retracer l’histoire, l’origine et la diffusion de l’agriculture en utilisant une arme de taille : la carpologie. « Graines, fruits, noyaux, feuilles, bourgeons, mousses… sont trouvés lors de fouilles. Ils sont conservés le plus fréquemment grâce à la carbonisation, elle-même liée à la cuisson des aliments, au rejet de matière végétale dans les foyers… Les restes sont également découverts en contextes humides gorgés d’eau et à l’abri de l’air, ou dans des milieux abondants en phosphates et matières calcaires (latrines, dépotoirs, fumiers…) », explique Manon Cabanis, carpologue à l’Inrap. Ces sédiments constituent une mine d’information pour la jeune femme puisqu’ils renseignent sur la flore locale, les pratiques agricoles, l’alimentation et les préparations culinaires des sociétés passées. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de ce type de recherche, comme le résume Jérôme Salse, directeur du pôle génétique, diversité écophysiologie des céréales : « Nous sommes persuadés que ces matériaux du passé vont nous fournir de précieuses informations pour imaginer les itinéraires de production de demain. Si l’on s’intéresse au blé, nous savons qu’à la base il est originaire d’une région très précise mais que désormais il est cultivé dans le monde entier grâce à une multitude d’adaptations. »
Les sites palafittiques, des mines de savoirs
Ce nouveau laboratoire consacré à l’ADN ancien va d’ailleurs pouvoir travailler de concert avec le Centre de ressources biologiques du blé, lequel abrite également à Clermont-Ferrand pas moins de 20 000 variétés de blé. Pour Jérôme Salse, le positionnement en région Auvergne-Rhône-Alpes de ces deux centres ne doit rien au hasard : « Les premières sources de blé sont potentiellement ici car les conditions ont été réunies pour retrouver des traces de la plante vieille de 5 000 ans. En premier lieu desquels, les sites palafittiques préhistoriques, ces villages anciens sur pilotis dont les vestiges ont été retrouvés aux abords des lacs Léman et du Bourget notamment ». Seul un petit nombre a été fouillé mais cela a fourni des éléments qui donnent un aperçu de la vie quotidienne dans l’Europe alpine du Néolithique et de l’âge du bronze, ainsi que des informations sur la façon dont les communautés interagissaient avec leur environnement. Cinquante-six sites se trouvent en Suisse. Ces établissements constituent un groupe unique de sites archéologiques particulièrement riches et très bien conservés ; ils représentent des sources importantes pour l’étude des premières sociétés agraires de la région. Pour les chercheurs, il est à ce titre, indispensable que l’accès à ces sites soit facilité, « car il en va de la meilleure compréhension du monde du vivant mais aussi, in fine, de l’évolution de notre civilisation », insiste Emmanuel Hugo, président du Centre Inrae Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes.